Je me souviens, à ce propos, d’une petite série d’articles qui m’ont semblé fort marrants… dans les « Nouvelles Littéraires » (quand je veux me crisper je les achète)… Yves Gandon, soi-disant critique, armé d’une forte brosse à reluire, passait en revue, avec quel soin ! pour l’admiration des lecteurs, quelques textes les mieux choisis, de quelques grands contemporains… L’astuce du commentateur, sa prouesse en tout admirable, consistait à souligner tout le Charme, les fins artifices, les pertinentes subtilités, tout le sortilège de ces Maîtres, leurs indicibles magies, par l’analyse intuitive, très « proustageuse », de quelques textes particulièrement chargés de génie. Labeur, entreprise, dévotion d’une extrême audace ! d’une périlleuse délicatesse ! Le commentateur frissonnant se risquait encore plus oultre… mais alors, perlant d’angoisse ! jusqu’au Saint des Saints ! jusqu’au Trésor même ! jusqu’au style ! au reflet de Dieu ! jusqu’aux frémissements de la Forme chez ces Messies de la Beauté ! Après quelles pieuses approches ! Quel luxe inouï de préambules !… Que de fragiles pâmoisons !… Ah ! Si l’on me traitait de la sorte, comme je deviendrais impossible ! Regardons-le travailler… Bientôt chancelant… tout ébloui… notre guide se reprend encore… défaille. Les mots viennent à lui manquer… Haletant, il nous demande si nous pouvons encore le suivre… endurer tant de splendeurs… Sommes-nous dignes ?… Sommes-nous dignes ? Lui-même qui croyait tout connaître… il se trouble à perdre les sens… Il se faisait une idée… quelque imagination confuse de l’étendue, de la profondeur, des gouffres de ces styles !… Présomptueux !… Il ne connaissait rien !… Les Prémices à peine !… Dans ce manoir aux mille et une merveilles, tout succombant d’admiration… Gandon titube !… tout chancelant… Grelotte !… Tragédie !… La Tragédie ! Ah ! I’Intrépide !… d’ornements indicibles en cascades exquises… de passages sublimes en plus sublimes encore… en chutes vertigineuses… ces textes de maîtrise… littéralement magiques se révèlent ruisselants d’apports infinis esthétiques… de bouleversants Messages… d’inappréciables gemmes spirituelles… On ne sait plus ou se prosterner davantage… Ah ! vraiment c’en est trop !… Gandon, lui-même transposé cependant par la foi qui l’embrase, n’en peut plus… Il se rend !… Il se donne !… Il nous adjure à son secours. Ah ! vite ! Agissons, assistons ! Soutenons Gandon !… Prévenons le pire ! Devançons quelque atroce dénouement… Pitié ! Détaillons ! Partageons son extase ! L’humanité le commande ! Courage ! Vaillance ! Pour lui tout seul, c’est bien simple s’il insiste, s’il s’obstine ! C’est la mort ! Dans les phrases ! par les phrases ! Trépassé de beauté !… de Beauté phrasuleuse ! Gandon ! Ah ! C’est trop ! Tant de perfection verbatile… pour un seul adulateur… C’est la damnation !… nous suffoquons pour lui !… O délices littéraires assassines ! O les encrières meurtrières délectations phrasiformes ! A quels paroxysmes atroces ! épargnés aux vulgaires, n’entraînez-vous point Purismologie ! vos meilleurs enfants ! Bienheureux frustes crottés ! Brutes béates !… accroupies clans les consonances !… De cuirs en velours vous monterez au ciel !…
Mais lui Gandon n’appartient pas à la race des officiants à peu-près-istes… qui montent des textes en abat-jour… C’est un janséniste, Mordieu ! foutrement impeccable… la tiédeur le pousserait au meurtre… Il ne veut notre salut que par l’extase… et pas une extase roupilleuse… Une extase palpitante !… transfigurante !… Ah ! de grâce, il nous exhorte… recueillez-moi là… cette nuance… ci !… au déduit de cette tournure instable… Ah ! devant qu’un horrible zéphyr en disperse à jamais… l’onde irisée… l’avez-vous saisie ?… Je n’y survivrai pas !… Ah ! Tenez-moi, je succombe… Ah ! J’en défaille cher lecteur, à ravir… Ah ! la force de cette « épiphore »… à peine après cette « synthote » ah ! ah !… Je m’affole… je blêmis… l’audace impayable… Ah ! comme le Maître nous transfixe ! Ah ! quel virtuose miraculant… Ah ! malheur à qui ne soupire ! Et la violence ! Imaginez ! de cette simple virgule ! Mais c’est le génie ! C’est le génie !… Et la faiblesse irrésistible de cette chute différée ? Ah ! mordez ce trait singulier… ces deux conjonctions… qui s’affrontent… Ah ! l’est-il caractéristique !… Il refait Pascal en trois mots… Racine en douze !… Ah ! comme il nous prend par l’adverbe ! Ah ! le monstre ! Ah ! le divin !… Ah ! Ce Gide enfin! … Ce Maurras ! Ah ! ce Maurois ! Qu’en dirait Proust ?… Ah ! les vertiges de ce Claudel ! Ah ! l’infini Giraudoux ! Ah ! Gandon ! Pourquoi ne chanterais-tu pas ?… Ce serait encore, je l’assure, bien plus meilleur, bien plus merveilleux !… plus amoureux !…
Louis-Ferdinand Céline
Le grand public connaît de Céline un texte intitulé « A l’agité du bocal », réponse cinglante à Jean-Paul Sartre au sujet des positions de l’un et de l’autre pendant la guerre de 39-45. Il s’agit là d’un exercice dans lequel excelle le petit parigot: la satire, la caricature, le pamphlet lyrique. Et en fait tout « célinien » sincère, s’il cherche un peu trouvera des dizaines et des dizaines de textes dans ce registre, tous plus drôles, plus riches et plus brillants les uns que les autres. Céline a systématiquement attaqué les idoles réputées intouchables de son époque, ne craignant ni l’isolement social, ni la misère financière, ni la prison qui sont les punitions systématiques pour tout vrai rebelle qui s’attaque au vrai pouvoir. Ces 3 martyrs, le petit loufiat du passage Choiseul les subira comme il l’avait prévu et prédit.
Dans l’extrait ci-dessus, Céline évoque un critique littéraire qui tenait le haut du pavé : Yves Gandon, sorte de d’Ormesson, à une époque ou le niveau général était tombé si bas que l’on voyait poindre (déjà) les premiers escrocs détournant une tradition portée jusqu’ici par des érudits véritables du genre de Léon Daudet. Après ce dernier, le métier de critique littéraire se galvaude, la France cesse de porter en elle l’avant-garde culturelle du monde, et très naturellement les élites nationales rabâchent une langue de plus en plus pauvre, tendance dont le dernier cran a atteint récemment l’illetrisme pur et simple.
Quel écart abyssal entre la médiocrité actuelle et l’explosion de ce texte extraordinairement riche pour lequel le seul prétexte « Gandon » a servi d’étincelle. On trouve là tout l’univers de Céline: lyrisme gratuit, haine du style journalistique et scolaire, virtuosité dans la caricature et pudeur absolue sur tout ce qui a trait aux sentiments (pour Céline c’est une chose horrible et indécente d’évoquer « l’amour » ou le « coeur », tellement il tient ces données en haute estime), instinct infaillible pour débusquer les arnaqueurs, les escrocs et les imposteurs.
Alors oui, Céline a un certain style : explosif (accordé), parfois drôle (c’est tout admis), mordant (indéniable).
Ceci dit, une fois tous ses bons mots passés, les « O » et les « Ah », les points d’exclamation omniprésents, l’usage forcené des points de suspension, ce passage, comme tous les autres, si souvent révérés, vénérés, me frappe par la logorrhée qu’il incarne et fait triompher. Le cœur du sujet, c’est celui-là : Céline est frappé de diarrhée verbale, plus que de quoi que ce soit d’autre. On se dit, pas possible, ce gars est habité par le génie, il flamboie de mille feux, et son verbe, habile, babil aussi, est des plus maîtrisés, mais voilà, c’est du verbe, et c’est bien tout. Jolie poudre aux yeux, bel effet théâtral, admirez-moi ce verbiage que seul Tartuffe pourrait lui envier.
Si je voulais attirer encore plus de foudres, j’oserais même dire qu’il frôle l’hystérie masculine, si tant est qu’on puisse la définir.
Pas d’accord avec vous, je suis célinien, mais je vous félicite. J’ai croisé des tas de gens qui ont lu Céline, qui n’ont pas vraiment accroché, et qui n’osent absolument pas le dire… Ou alors tou bas, comme s’ils vous confessaient un lourd secret.
Et ne parlons pas du sommet de l’oeuvre, soit les romans de la seconde partie de sa carrière, qui pour le coup sont purement céliniens, et qui de fait ne doivent pas correspondre aux goùts de 1% des lecteurs.
D’ailleurs, le roman de Céline qui est porté aux nu est le moins célinien de tous (le Voyage, avec la première partie de Mort à crédit), celui qu’on peut réussir à lire comme un bon gros pavé balzacien et sautant quelques lignes de temps en temps.
Bref, j’aime braucoup Céline mais j’en ai marre qu’on soit obligé d’aimer Céline pour ne pas passer pour un idiot.
C’est bien de prendre le temps de faire cette critique. Et en effet concernant cet auteur on n’entend presque que des compliments dithyrambiques et des réactions de rejet à cause des pamphlets. Au final presque personne n’élève la voix pour se permettre de dire qu’ils trouvent ce style là chiant ou illisible. Donc merci de dire ceci ça va me permettre de dire deux ou trois choses.
Cet extrait en question est-il rendu illisible par le surchargement d’effets de style?
De toute évidence non. Ce surchargement est là au service d’une « idée », d’une vision du monde, d’une manière de voir les évènements. Quel est l’évènement dont il s’agit ici? L’abaissement du niveau de la critique littéraire dans les années 20-30 lorsque le monde du livre a été pris d’assaut par une gauche de plus en plus stupide, précieuse, « proustageuse », qui en fait des tonnes pour se faire voir et non faire voir l’objet de leur critique.
Pour bien montrer à quel point ces gens là, faux exégètes, faux érudits, sont grotesques (ces gens qui aujourd’hui sont des Laurent Ruquier, Giesbert, et même les Daniel Sibony, les « nouveaux philosophes » et tout ce genre de types louches qui s’entre-cirent les pompes face caméra pour se faire du buzz) il fallait pouvoir hameçonner, singer leurs manières, s’exciter comme eux pour rien, jouer la comédie à partir de rien.
« Les pertinentes subtilités », « la force de cette épiphore » tout ça quand on sait le lire c’est très drôle. Aujourd’hui personne n’a guère plus même la structure d’esprit nécéssaire pour, dans le cas d’un escroc comme Gandon
-1: se rendre compte que c’est un escroc
-2: noter calmement les éléments flagrants
-3: les restituer un à un en pleine lumière pour ni plus ni moins « réparer l’escroquerie »
Personne ne peut faire le quart de ça aujourd’hui car personne n’a ni la vivacité d’esprit ni la culture (ça veut dire quoi « lui c’est un janséniste »?) ni le vocabulaire et surtout ni l’envie de casser verbalement la gueule à un énième escroc de la culture car ils sont trop nombreux.
Diarrhée verbale? Si c’en était ça partirait en digressions, en hard-bop mal maîtrisé à la Nabe (pur escroc), en glissements qui ne veulent plus rien dire. or chez Céline même dans les délires les plus poussés il y a toujours des rails conducteurs et on pourrait dire une « doctrine », une philosophie, une éthique. Et c’est un moraliste sans concession qui voulait dire la vérité à tout prix et ne rien accepter du monde: n’appartenir à aucun parti, n’écrire dans aucun journal, ne plaider pour aucune cause qui soit affiliée à une organisation…
Ce texte là je trouve qu’il est dingue de maîtrise dans la caricature, dans le démasquage, il ne laisse rien passer. « comme il nous prend par l’adverbe » putain mais c’est génial ça, j’ai rigolé courbé en deux pendant toute la durée du texte la première fois que je suis tombé dessus.
C’est du Luchini, du Cyrano, du Jacques François ce texte, je sais pas y a un panache, un truc d’aristocrate de l’esprit qui vole au dessus des masses qui est dingue, qui donne à voir le monde d’une toute autre façon. Moi ce texte il me dit « te laisse jamais impressionner par toutes ces merdes, ces médiocres qui se tiennent les coudes pour forcer leur médiocrité dans la masse tiens regarde comme ils sont grotesques: ça et ça, et encore ça… ». C’est de la désidôlatrie vraie et brute.
« Ah ! Gandon ! Pourquoi ne chanterais-tu pas ?… Ce serait encore, je l’assure, bien plus meilleur, bien plus merveilleux !… plus amoureux !… »
Ben oui, et ceux qui ont chanté ça a donné Julien Clerc, Melissmel, Olivia Ruiz et Zaz, et ça a donné tout plein de critiques nouveaux Gandon pour les encenser avec ce vocabulaire automatique de MERDE « cette nouvelle petite frimousse acidulée à la gouaille rageuse, rafraîchissante, qui attaque là ou ça fait mal…. » du torchon comme ça vous en avez 100 par jour minimum et tout le monde ferme sa gueule.
« faudrait que tu chantes ça serait plus amoureux ». Et là on voit poindre tout l’exhibitionnisme dégueulasse qu’on a tous déjà observé avec dégoût et honte pour celui qui parle, quand quelqu’un commence à parler avec des mots du style « en ressentant cet amour dans mon coeur », « je parle avec le coeur là, moi chui un homme de coeur moi », « on parle pas assez d’amour, cette société de haine manque d’amour ». Au centre de la philosophie de Céline y a l’humilité et la pudeur. Quand un type rentre dans une église et qu’il entend ce genre de discours tu m’étonnes qu’il veut se barrer.
Non vraiment ce n’est pas de la diarrhée et concernant les exclamations et la ponctuation : c’est,justement ça qui aère ce texte si dense et concentré. Si la ponctuation était minimale le texte serait illisible et rendrait moins l’émotion et la drôlerie. Céline écrit comme ça parce que c’est une manière de voyou qui traîne dans les rues et y capte la vraie vie, tout le contraire d’un érudit à bibliothèque avec du bide. C’est de cette manière et à cette condition justement qu’il peut « parler avec le coeur ».
En vrai, j’aime autant Céline que je le déteste. On pourrait presque dire que je pinaille, ce n’est pourtant pas le cas. Diantre, qu’est-ce que je lui reproche au révolutionnaire Céline si j’admets tous les points de sa défense, le génie, la constance idéologique, l’éthique de sa doctrine, la virtuosité de l’écriture, etc. ?
Parce que oui, sur le fond, je suis complètement d’accord, et avec lui, et avec vous : l’illettrisme n’est pas rampant, il est prégnant, mais encore, s’il ne touchait que la plèbe, on ne s’en offusquerait pas, mais non, il atteint les élites, politiques, économiques, culturelles, aussi désorientées que les autres, déboussolées, plus de valeurs, plus de repères. Au mieux, cette opinion, mon interprétation, est biaisée (l’illusion et l’erreur du « c’était mieux avant ») : au mieux, le monde se transforme, et mon esprit est trop étroit pour comprendre qu’il emprunte des formes a priori singulières, mais non moins nobles. Au pire, il y a un quelque chose là, que je ne préfère pas définir, qui se dégrade.
Stylistiquement, je conçois l’effet oratoire, l’intelligence du style : c’est maîtrisé, c’est beau, je mords à l’hameçon, ça me file des frissons, c’est bien que la machine, la grosse artillerie, doit fonctionner. Ce que je peux dire, et j’en pense chaque mot : c’est un tournant dans la littérature française; il a sa place auprès des autres monuments, des classiques et des caciques ; il égaye à sa manière, mille fois pastichée, jamais égalée, le paysage très établi de la littérature française; incontestablement, il révolutionne le genre, en renouvelant la langue, en lui donnant le temps présent pour se déployer, l’ici et le maintenant, en se plaçant au plus près du langage parlé, de l’oralité : cette quête de la musicalité, du rythme, de la mesure, de la « petite musique » aurait-il dit, est tout bonnement remarquable, et je déplore que si peu l’aient suivi sur cette voie.
Voyez, je suis presque d’accord avec vous. Mais voilà, il y a quelques petites choses, mineures certes, mais qui me semblent d’autant plus importantes que je suis seule à mener ce combat désespéré ; qu’importe puisque mon plaisir est dans le débat. Des détails, mais après tout, le diable (aussi) se cache dans les détails.
La grande intelligence de Céline, la raison pour laquelle il a finalement gagné sa bataille, c’est qu’il fait appel à l’émotionnel du lecteur ; cela passe par les effets de style, surchargés, comme vous avez dit, cela passe par le mot juste, le mot vif, cela passe par l’humour caustique, méprisant, raffiné. Il est un excellent rhéteur ; cette diatribe contre Gandon l’illustre : toute son intelligence ne vise qu’à destituer l’infortuné critique (il n’a aucune chance face à la charge de l’outragé Céline) de son nom, de son aura, et il y excelle, et nous-aussi, moi-aussi, je lapiderais bien le pauvre Gandon sur ce simple texte. Il s’évertue à me persuader de la forfanterie, de l’escroquerie, pire, de l’imposture, et on s’imagine le littérateur tout enflé, boursouflé, à force d’élans lyriques, on s’imagine le Gandon bien nourri, bien vêtu, propre, un petit bourgeois parisien, à la langue trop versatile, à l’amour médiocre, mauvais amant, cocu, voilà. Ce que je reproche à Céline, c’est qu’il ne me laisse pas le choix de ma pensée : il me persuade par le biais des mille artifices auxquels il recourt : la séduction du lecteur (ce qu’on lit en filigrane :« Ami lecteur, prend parti pour moi, regarde l’immonde Gandon, toi et moi sommes bien plus vrais, plus authentiques, plus purs ! »), la théâtralité un brin grandiloquente (points d’exclamation, suspension, etc.), la non-possibilité de réponse à Gandon (ça ressemble drôlement à une victoire par KO). Mais il ne me convainc pas, trop de pyrotechnies, trop d’esbroufe, trop de poudre aux yeux (me prendrait-il en otage de ses bons mots ?), trop de mépris (même pour Gandon, même pour ce soi-disant gros dégueulasse qui incarne toute la dégueulasserie de la nécro-culture). Je me dis que le type en fait trop, le garçon est trop exalté lui-même dans l’exaltation qu’il condamne : peut-il encore m’inspirer confiance ? Toute ma nuance se situe très justement dans cette différence, entre ces deux termes presque voisins mais pourtant éloignés : « persuader » et « convaincre ». La nuance est fine, peut-être trop fine pour être réellement pertinente, dites-moi, mais il me semble que son fondement est politique parce qu’elle vise, sans le dire, la manipulation de son lecteur ; son but, l’acquérir à sa cause par le jeu des mots, les jeux de mots, les mille artifices décriés plus haut.
Tout cela masque et révèle pour moi le grand désespoir célinien, son pessimisme existentiel, son cynisme. Voilà pourquoi je m’éloigne de Céline, quand bien même c’est un auteur autant inclassable que majeur, c’est son mépris d’autrui, son mépris de Gandon (et pourquoi pas un procès équitable ?), son mépris de son lecteur, et son mépris pour lui-même. Il me semble que l’idéologie célinienne est certes celle d’étudier la fange, la part la plus abjecte de notre humanité, la boue, la merde, l’urine, la puanteur de la guerre, de la mort, mais que l’excuse est telle qu’il y s’y vautre (j’allais dire allégrement, mais non) volontiers ; voilà ce qui me tracasse, c’est cette immaturité dans laquelle il excelle, cette détresse qu’il embrasse au lieu de combattre, cette défaite. Voilà mon problème avec Céline, oui, c’est qu’il abdique.
Ha ha ! Mais pourquoi ainsi tortiller du cul ? Votre captation de bienveillance doit occuper plus des 95% du commentaire… Et cette façon de tenter de louer par tous les moyens rhétoriques ce qui au fond vous révulse au plus haut point ! Mais dites-le bon sang que vous le trouvez grossier ! Mais dites-le lui enfin, à cette raclure de chiotte, qu’il est vilain, mal poli, ingrat, hypocrite, violent ! [Croyez-vous que Céline ne s’était jamais regardé dans un miroir ?]… qu’il a du poil au nez, qu’il sent des pieds, qu’il vous dégoûte ! [En vérité, il vous aurait profondément haïe de cette charité intellectuelle indue que vous lui prétendez lui faire… de cet orgueil neu-neu qui vous pousse irrépressiblement à vouloir faire preuve d’une compréhension plus grosse que vous… Il vous aurait appelé son ténia !]
Enfin, cela se voit un peu trop que vous vous forcez :
« en renouvelant la langue, en lui donnant le temps présent pour se déployer, l’ici et le maintenant, en se plaçant au plus près du langage parlé, de l’oralité : cette quête de la musicalité, du rythme, de la mesure, de la « petite musique » aurait-il dit, est tout bonnement remarquable »
Seigneur, quelle branlade ! xD
Est-elle pourtant pas chiadée, la petite analyse-de-texte réaco-conforme ? Cela se perçoit-il seulement, que vous vous acquittez de votre devoir d’idolâtrie à contre-coeur ? Franchement ma grande… vous feriez un bien mauvais journaleux : non, pour tout vous dire, vous n’êtes pas encore au niveau. Il faut y mettre un peu plus de tendresse (vous aussi), si vous voulez convaincre ! La caresse est encore par trop mécanique, le baiser a quelque chose d’emprunté… en un mot comme en mille, vous jouissez faux ! Voilà le binz’…
Vous ne comprenez rien à Céline, bon. Vous vous voyez obligée, pour ne pas perdre la face en bonne société, de répéter ce que vous avez entendu dire de Céline par ceux qui prétendent l’apprécier… Quoi de plus ordinaire ? Vous nagez dans le snobisme général des peigne-culs de lecteurs qui se poussent du coude pour revendiquer les lectures les plus difficiles… C’est ok. Quoi de grave ? Ce n’est pas la fin du monde… Vous n’êtes qu’une femme, après tout !
Votre solitude au pied du panthéon commun, la pensez-vous unique ? Mais elle est la mieux partagé du monde, en vérité ! Cessez de rougir ainsi : peu de nos petits camarades au final peuvent prétendre (même s’ils vont tous le faire) qu’ils ne sont pas dans le même cas.
Je n’ai à présent qu’une seule chose à vous dire, et c’est que malgré tout, vous êtes aujourd’hui une adulte… comprendre : vous êtes parfaitement libre, à l’image de Céline, de dire ouvertement et à propos de n’importe quel sujet, que vous passiez ou non pour un être obtus et votre jugement pour un jugement injuste : « J’aime / Je n’aime pas. » La « grande culture » ça n’est pas comme les épinards, ce n’est pas parce que papa-maman auraient bien voulu, par übris bourgeois, que vous vous forciez à finir votre assiette, que vous êtes contrainte de tout manger.
Comment je l’ai tro tuée, tavu ?
Juste une chose (et là je parle sérieusement – le reste n’était qu’un exercice de style ^^) :
« Il me semble que l’idéologie célinienne est certes celle d’étudier la fange, la part la plus abjecte de notre humanité … bla bla … » [Izngima]
Une IDEOLOGIE, Céline ?!!
« Et c’est un moraliste sans concession qui voulait dire la vérité à tout prix et ne rien accepter du monde: n’appartenir à aucun parti, n’écrire dans aucun journal, ne plaider pour aucune cause qui soit affiliée à une organisation… »
Un MORALISTE, Céline ?!?
« Personne ne peut faire le quart de ça aujourd’hui car personne n’a ni la vivacité d’esprit ni la culture (ça veut dire quoi « lui c’est un janséniste »?) ni le vocabulaire et surtout ni l’envie de casser verbalement la gueule à un énième escroc de la culture car ils sont trop nombreux. »
Oh, pourquoi dis-tu ça Lounès ? Toi pourtant, tu l’as cette vivacité, cette culture (la preuve : tu sais ce que c’est qu’un janséniste, toi !), et cette envie de casser la g* à un ènième escroc… bla bla…
« « Les pertinentes subtilités », « la force de cette épiphore » tout ça quand on sait le lire c’est très drôle. »
Han, mais toi heureusement tu sais le lire, toi tu sais trouver ça drôle… ! 🙂
» « comme il nous prend par l’adverbe » putain mais c’est génial ça, j’ai rigolé courbé en deux pendant toute la durée du texte la première fois que je suis tombé dessus. »
Wow ! Comme toi tu es trop fort, Lounès ! ‘tain comme je serais grave tombée amoureuse d’un mec capable de parler de Céline comme toi, au lycée…
» Moi ce texte il me dit « te laisse jamais impressionner par toutes ces merdes, ces médiocres qui se tiennent les coudes pour forcer leur médiocrité dans la masse tiens regarde comme ils sont grotesques: ça et ça, et encore ça… ». C’est de la désidôlatrie vraie et brute. »
Oh oui Lounès ! Désidolâtre-moi ! <3
"Céline écrit comme ça parce que c’est une manière de voyou qui traîne dans les rues et y capte la vraie vie, tout le contraire d’un érudit à bibliothèque avec du bide."
Un rat de bibliothèque… Genre tout le contraire de toi, quoi ! ^o^
Nan-nan, vous y êtes pas.
Tant mieux : 1) Au fond ce n’est qu’un jeu
2) Je fais semblant de vous connaître alors que ce n’est pas le cas
3) A l’image de Céline, mes repoussoirs sont des miroirs
Quel dommage que vous ayez abattu si vite votre jeu alors…
Je ne suis pas une tortionnaire, moi.
Mesurez votre chance, ce n’est pas donné à tout le monde.
De la chance ? Non. Surtout du travail.
Après, à chacun ses priorités.
Le mot de la fin, pour vous. Après tout, vous n’avez pas démérité.
C’est drôle, habitué que je suis à la verve volontiers célinienne de Lounès j’ai d’abord cru que le texte était de lui avant de réaliser qu’il s’agissait d’un authentique texte de Céline lui même. Céline caricaturant Céline? Ce qui ne fait que confirmer ce que je pensais du style Céline, de la forme Céline, parfois elle se fait la truculente servante du fond Céline, parfois le fond (s’il existe) se trouve embrouillé voire noyé dans ce galimatias d’interjections hasardeuses et de ponctuations intempestives, bref Céline me perd et m’ennuie. Alors il semblerait que la vue perçante de Lounès parvienne à décerner les rails que mes yeux myopes perdent parfois de vue et cette acuité il semblerait qu’il la doive à une certaine éducation mais « Aujourd’hui personne n’a guère plus même la structure d’esprit nécessaire ». « Personne ne peut faire le quart de ça aujourd’hui car personne n’a ni la vivacité d’esprit ni la culture (ça veut dire quoi « lui c’est un janséniste »?) ni le vocabulaire ». Ma question est donc bien simple (en apparence), comment faire, très concrètement, pour retrouver aujourd’hui cette merveilleuse structure d’esprit qui nous fait tant défaut? Très concrètement.