Je vais dire adieu à mes 50 followers sur Twitter, par @bidou_ilys

Pendant six mois, le candidat le plus doux à la présidentielle a tweeté le matin, le midi et le soir, et aussi la nuit parfois. Et parfois le lendemain matin après avoir tweeté pendant la nuit. Puis dans l’après-midi du même jour après avoir pourtant tweeté la nuit ET le matin. Et les jours suivants également ! Et ça, donc, pendant six mois. Mais, du jour (vers midi trente) au lendemain (toute la journée), il va fermer son compte.

Une vraie libération temporelle inspirée d’un journaliste de Télérama, Nicolas Delesalle.

Voilà, je vais mourir.

Un clic suffira sur le bon bouton.

Non, pas le bouton rouge. Non, pas non plus celui de la prise électrique. Et non, pas celui relié à la ceinture d’explosif.

Ce bouton là vous le trouverez sur Twitter dans paramètres, puis compte, et là, tout en bas, il y a inscrit « désactiver mon compte ». Voilà. C’est là-dessus qu’il faut cliquer.

Bien entendu, une autre possibilité serait de ne plus me rendre sur Twitter sans pour autant cliquer sur le bouton. Mais que voulez-vous, j’ai une âme de tragédien. Et puis, le suicide c’est pas mon truc. Le mien c’est l’euthanasie.

J’ai besoin qu’on m’aide quoi.

Je suis une peluche hein. Et les peluches, malgré toutes leurs qualités, elles n’ont pas plus de couilles qu’un journaliste de Télérama. Vous avez déjà vu une vieille peluche, avec un oeil en moins et la fourrure sale, se jeter d’elle-même dans une poubelle ?

Moi jamais.

­Quoiqu’il en soit, fini Twitter.

Fini, fini, fini !

Oh, la plateforme en elle-même subsistera peut-être encore quelques jours à ma disparition, moribonde.

Mais moi, pour sûr, je vais disparaitre du réseau.

Sans un seul mot à qui que ce soit.

Fini, fini, fini !

Ce sera pour moi une libération comparable à celle de l’arrivée de Pétain en 39. Un vrai choix de vie motivé par un trillion de raisons que je pourrais renier un jour mais qu’en tout cas je n’énoncerais pas parce que cela me regarde, parce que ce serait long, qu’il faudrait que je mette de l’ordre dans mes idées et que je bosse un peu. D’ailleurs c’est précisément pour cela que j’ai quitté Twitter…

Marre de bosser !

Fini, fini, fini !

Terminée l’obligation induite-par-le-système de faire des bons mots ! Terminée l’obligation de partager les bons plans ! Les liens, les articles, de raconter des histoires ! De réagir, commenter, croiser le fer, tailler le verbe en cent quarante caractères ciselés !

Fini, fini, fini !

Je vais retourner dans la forêt au bord de la rivière, me rouler en boule et écouter pousser ma fourrure dans le vent tiède du monde réel en attendant l’hiver qui viendra, inéluctablement avec sa neige blanche et humide qui se répandra sur les sols gelés où l’herbe cesse de pousser en attendant des jours meilleurs.

Comme c’est étrangement fait une patte d’ourson en peluche… Vous ne trouvez pas ? Je pourrais écrire dix millions de signes sur mes pattes. Et sur comment elles sont froides et mouillées quand elles sont plongées dans l’eau froide. Et sur comment de pâles filaments de kapok immaculés et jurassiens s’en échappent lorsqu’elles mes petites pattes se coupent par inadvertance et fatalité sur un dur silex…

Oh !

Ô !

Quel sentiment d’autodestruction à venir !

Allez ! Courage ! C’est pour moi l’heure d’infiltrer la vraie vie ! Et au diable ceux qui chercheront à me rattacher à cette mort que cette vie numérique. Tous ces coup de téléphone, ces mails, ces sms à venir… Je les entends déjà résonner dans ma tête d’ourson ! J’entends déjà bourdonner leurs supplications !

Non !

Taisez-vous !

Je ne veux pas !

Retranché dans mon deux pièces de la rue de Furstenberg comme dans Into the wild je veux parcourir la vraie vie. Seul.

Oh, je sais ce qu’il se marmonnera dans l’immense cimetière de ma disparition : « A la mémoire de feu @bidou_ilys, ce vieil enculé de peluche » ; « J’ai un problème avec le départ de @bidou_ilys, il me doit de l’argent » ; « LOL @bidou_ilys » ; « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? »

Quel bel enterrement que sera le mien.

Comme j’ai été aimé sur cette terre numérique…

Et ne croyez pas que je ne sais pas que vous en souffrirez. Je le sais bien. Comment pourriez-vous faire autrement… Combien d’entre vous s’étaient liés à moi ? Combien d’entre vous m’avaient comme gourou ?

Ne croyez pas que je n’ai pas mesuré la violence infinie de mon geste.

Mais moi, je me sens déjà renaître. Je pète le feu malgré ma fourrure ignifugée. Poil roses, oeil vitreux, joues soyeuses, je ne suis déjà plus en permanence le museau sur mon iphone à vérifier les dernières infos, les buzz, je ne suis plus à batailler avec vous, mes vieilles ombres. Oh non ! Je vais de nouveau avoir le temps de glisser mes pattes sous les jupes. Je vais pouvoir me glisser dans les douches des filles pour les observer après leur cours d’EPS. J’aurais de nouveau l’occasion de les suivre dans la rue. De les observer avec mes jumelles. De les prendre en photos. De coller ces photos sur un mur. De connaitre toutes leurs habitudes. Les chemins qu’elles empruntent seules. Les itinéraires. Les moyens de faire pression sur elles pour qu’elles m’accordent leu…

Mais je m’emballe.

Et pour tout ça un clic aura suffi.

Et je peux revenir quand il me plaira.

Résurrection.

Ou comme on dit en anglais, reload.

Demain si ça se trouve.

Rassurez-vous, j’en ferais un post pour vous l’annoncer.

D’ici-là, lâchez vos coms !

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