Fallait-il ?

Fallait-il diffuser des extraits audio des conversations entre Mohammed Merah et les policiers se demande par exemple Gil Mihaely de Causeur ?

Comme dirait Bruno Roger-Petit à la suite d’un tweet de Jean-Pierre Pernault, et avant lui Laurent Fabius, « on peut poser de bonnes questions et y apporter de mauvaises réponses ». La citation est cependant incomplète. Laurent Fabius parlait spécifiquement de Jean-Marie Le Pen. Alors est-ce que Bruno Roger-Petit considérerait que Jean-Pierre Pernault est le Jean-Marie Le Pen du journalisme ?

Voilà une question dont on connait déjà la réponse…

Pour continuer dans ce filon philosophique inexploité, notons qu’on peut aussi poser des questions qui ne devraient pas appeler de réponse.

En l’espèce, les extraits ont été diffusés. On ne reviendra pas dessus.

– Fallait-il ?

– C’est fait.

Pire encore, on imaginerait assez mal une procédure qui permettrait, au cas où on considérerait qu’on a mal fait de diffuser ces extraits audios, de limiter, voire anéantir, ce risque. On a déjà le CSA, qui a énoncé une « mise en garde » (ce qui veut dire ce que ça veut dire depuis que les duels ne sont plus tolérés en France). Il agit a posteriori et compte en son sein des journalistes nommés par le pouvoir politique -probablement pour services rendus.

C’est bien le mieux qu’on puisse décemment faire.

Au-delà, est-ce qu’il y avait un intérêt à diffuser ces extraits sonores ?

On écrit un peu partout qu’on apprend rien de nouveau.

C’est faux.

On apprend ainsi que Mohammed Merah avait manifestement regardé Drive.

Je sais plutôt bien conduire et on me payait pour aller d’un point à un autre […] Si je croise la police mon travail c’était de les semer très rapidement.

Au cinéma ou en téléchargement illégal ?

Hadopi a-t-elle failli comme la DCRI et le RAID ?

A ce propos, on constate aussi le grand professionnalisme de l’agent Hassan de la DCRI. Ce qui permet de mieux comprendre pourquoi Mohammed Merah n’a pas été inquiété plus que ça après son entrevue avec lui.

A force d’exemples tels que celui-là, et ils commencent à s’accumuler depuis septembre 2001, j’espère que les complotistes arrêteront de toujours vouloir surestimer nos agences de renseignement.

On aura également observé que Mohammed Merah a peut-être regardé le sketch de Gad Elmaleh sur les blonds.

Et on aura noté, dans un sourire, que son occidentalité, honnie, est dans sa bouche une ruse. Quand il allait en boîte de nuit, c’était ainsi une ruse. Pour mieux tromper l’ennemi t’as vu.

Peut-être a-t-il fini par s’en convaincre vraiment au Pakistan.

Ce qui est probablement la seule chose qu’il aura apprise là-bas.

Avec, peut-être, quelques mots du sabir local.

Recalé de la plupart des pays où il s’est rendu, il finit par se faire enfermer pendant plusieurs jours au Pakistan afin qu’on vérifie qu’il n’est pas un espion. Si tant est que son histoire soit vraie. On lui apprend vaguement à utiliser un pistolet pendant quelques semaines. A-t-il payé sa bouffe et son coran en plus de son arme ? On pourrait le supposer. Ensuite, malgré le fait qu’il ait un passeport français, on ne lui donne aucune mission d’importance. Rien -malgré ce qu’il peut prétendre de manière pathétique dans l’enregistrement.

Peut-être même qu’ils ne lui ont donné aucune mission tout court.

Renvoyé chez lui.

Sans autre forme de procès.

D’ailleurs, le seul frère qui l’aidera est son frère de sang qui n’est sans doute pas pour rien dans la radicalisation de son cadet.

L’aider pour faire quoi ? Voler un scooter, acheter une Go Pro, se procurer des armes auprès -sans doute- des racailles locales et… Tirer au petit hasard sur des militaires. Puis, un jour de malchance, faire un carton dans une école juive.

Pourquoi ?

Seulement pour l’Afghanistan ?

Qui y croit vraiment ?

Mohammed Merah a rêvé sa vie. Voulu faire quelque chose d’important. S’inscrire dans quelque chose de plus grand que lui.

Peut-être qu’il a lu Stéphane Hessel.

Manifestement cela ne lui a pas plu.

Remarquez, il faut être un vieux con sénile pour croire que le monde s’arrêtera avec soi et que, désormais, la jeunesse se contentera de s’indigner bien sagement.

Il ne faut pas déconner, la mondialisation et le ridicule achevé des quelques vénérables institutions restantes chargées d’encadrer la jeunesse bouillonnante ont laissé sur le carreau des centaines et des centaines de jeunes gens. Et même la racaille la plus stupide peut entretenir dans le secret de son âme, elle aussi, des rêves un peu plus grands qu’une BMW.

C’est vers le salafisme que s’est tourné Mohammed Merah.

Anders Behring Breivik, lui, n’était pas une racaille mais, surtout, n’avait pas grand monde. Aucun frère à chercher dans le monde réel -même s’il a essayé. Si ce n’est quelques blogueurs dans le monde virtuel.

Ainsi, il n’a pas cette dimension archaïque de Mohammed Merah liée à son islam.

Mais le monde de Mohammed Merah et celui d’Anders Behring Breivik s’épousent à merveille l’un l’autre.

Mohammed Merah n’est pas un Anders Behring Breivik français.

Il est son pire ennemi.

Mais ce qu’ils ont essayé de faire, chacun à sa manière et pour sa chapelle, c’est de nous faire comprendre qu’on doit choisir un camp.

L’Europe et la France, n’en déplaise aux ridicules Avernes (sorte de Gracques de droite dit-on), ne sont pas sortis de l’histoire.

On ne peut pas en sortir unilatéralement.

D’autres se chargent alors de vous la renvoyer dans la gueule.

L’histoire.

Et, de toute façon, on ne peut pas en sortir tant qu’on continue à faire des enfants.

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À propos Blueberry

Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère… Et le gouvernail est là qui ballote. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu alors qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire "oui" ou "non", de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’était peut être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a pas de nom. Et toi non plus, tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu comprends, cela ? Créon, Antigone, Jean Anouilh.

8 réflexions sur « Fallait-il ? »

  1. Il Sorpasso

    « on constate aussi le grand professionnalisme de l’agent Hassan de la DCRI »

    Le Capitaine Duroc a été promu négociateur. Il a lu les rapports de l’Ehess sur l’islam dans les banlieues. Il est l’homme de la situation.

  2. Rosco

    « Recalé de plupart des pays où il s’était rendu… » Intéressant, j’ai moi-même écouté les « enregistrements », et l’impression générale qui s’en dégage, c’est que tout ça ne tourne pas rond. D’un côté comme de l’autre, on constate un manque de professionnalisme flagrant. Si (et c’est une hypothèse) lesdits enregistrements sont authentiques, on ne peut s’empêcher de penser que Merah raconte un peu n’importe quoi, et qu’il est probablement un loser qui s’est pris pour un moudjahidine.

    Ce qui m’a le plus frappé, c’est le côté « entraînement à la carte » qu’il aurait demandé aux fameux « frères », avec cet argument bidon selon lequel se procurer des armes à feu serait plus facile que des explosifs en France. N’importe qui peut entrer dans une armurerie et se rendre compte que c’est faux. Et sa « mission » concernant l’ambassadeur ou ambassadrice, il ne sait même pas lui-même, de l’Inde…. c’est tout simplement du flan.

    Le pire, c’est qu’en face, le fameux Hassan ne semble pas plus dégourdi, et s’il a vraiment cru que Merah était allé faire du tourisme en Afghanistan, c’est que… Que rien, justement, parce que seul un instit gauchiste pourrait croire une bêtise pareille, et encore. Comme disait Haddock, racontez celà à un cheval à bascule et il vous collera une ruade.

    Honnêtement, je ne sais pas quoi penser de cette histoire. Soit la connerie des flics est incommensurablement plus abyssale que ce qu’imaginait le sketch des Inconnus, soit tout est bidon. Malheureusement, entre le complot machiavélique et la connerie pure, c’est souvent la seconde qui est la plus dévastatrice.

    1. Blueberry Auteur de l’article

      Je crois que tout est bidon.

      Et, à mon humble avis, cela n’a rien d’exceptionnel. C’est la loi du genre dans ce type de « négociations » je suppose.

      Le dénommé Hassan ne semble pas une lumière (et c’est inquiétant) mais il n’a certainement pas cru au tourisme. Il a cru que le mec était un branquignol. Pour quelles raisons ? Je n’en sais rien. Ce qui me semble clair, par contre, c’est que la part de « ruse » dans le comportement de Merah est beaucoup moins élevée que ce qu’il a laissé entendre. Alors…

      En tout cas il n’allait pas lui dire ça.

      Quant à Mohammed Merah, il s’invente de lointains « frères » pour faire oublier le sien (et les connexions éventuelles de celui-ci) et des missions à la Drive avec de vrais bandits pour ne pas balancer ses petits potes racailles toulousains.

      C’est du pur cinoche.

      Tout.

      En réalité, ces extraits sonores sont intéressants parce qu’ils précisent quelques références de Merah. Qui sont, semble-t-il, bien plus celles d’une racaille moyenne que d’un djihadiste, vous avez raison.

      Ce qui n’arrange pas les affaires d’Abdelkader Merah d’ailleurs.

      Maintenant, ce qui serait encore plus intéressant ce serait d’avoir le verbatim complet pour se faire une véritable idée.

    2. Vae Victis

      Vous n’avez pas pensé que personne n’était dupe, mais qu’on ne pouvait pas l’inculper parce qu’il n’avait rien fait d’illégal.

      Il y a combien de types comme Merah qui sont partis en vacances dans des pays réputés pour leurs réseaux terroristes, dont on a des raisons de croire qu’ils n’y allaient pas admirer l’architecture locale, et contre qui on ne peut rien ? Des milliers ?

      Imaginons qu’ils soient 5000 ou 10000, il faut combien de personnels pour les surveiller 24H/24, surveiller leurs appels, leurs mails, leurs rencontres, etc… ? Pour surveiller un Merah 24/24H il faut bien 10 agents. On voit bien que c’est impossible.

      L’alternative est simple, soit on accepte des attentats régulièrement, soit on agit préventivement sur simples suspicions.

      Rappelons par ailleurs que les terroristes qui se font arrêter avant de passer à l’acte sont des lâches. Ce sont des gens qui n’osent pas agir seuls ou en petits groupes, alors ils essaient de recruter, ils parlent d’attentats des mois ou des années durant, ils montent des projets qui n’aboutissent pas, ils se « préparent », ils se font mousser, ils ont besoin de spectateurs. Jusqu’à ce qu’enfin ils tombent sur un agent qui leur facilite les choses.
      Les Merah comme les Breivik sont rares parce que la plupart des gens sont lâches et qu’ils attendent de se tenir la main pour agir. A l’opposé un type décidé à agir, qui s’en donne les moyens, est virtuellement inarrêtable.

  3. Francophobe

    C’est peut-être parce qu’il y en a à la pelle, des touristes comme Momo, que les flics ne se sont pas penchés plus que ça sur son cas.

    « […]cet argument bidon selon lequel se procurer des armes à feu serait plus facile que des explosifs en France. N’importe qui peut entrer dans une armurerie et se rendre compte que c’est faux.[…] »

    Ca m’étonnerait que ce petit monde s’approvisionne dans les armureries, et vu les faits divers de ces dernières semaines, j’ai tendance à croire l’histoire de momo sur ce coup là. Tout le monde a pas les capacités d’un Breivik à monter une fausse affaire pour pouvoir amasser des substances sans attirer l’attention.

    1. Rosco

      Justement, ce que je sous-entendais, c’est que pour un citoyen honnête, il est aussi difficile de se procurer des armes à feu que des explosifs, alors que pour un malfaiteur, il existe des réseaux qui peuvent lui fournir tout ce qu’il veut. Et si on peut acheter des armes à des truands, je vois mal pourquoi lesdits truands n’auraient pas de C4 en magasin.

      Il est même plus simple de fabriquer une bombe avec des articles de consommation courante vendus légalement que de trouver une arme de poing : les types du GIA utilisaient des bonbonnes de gaz, et les flics avaient tellement pris le truc au sérieux que je me souviens de les avoir vu contrôler un clodo qui se trimballait avec une cocotte minute.

  4. NOURATIN

    Des petits français, purs produits des allocations familiales qui pensent
    -si l’on peut dire ainsi-comme Merah et sont prêts à agir comme lui, il y en
    a des milliers. Au bas mot.
    Alors, Hassan et ses petits camarades des Services on les sent un peu dépassés par les évènements. Et comme, en plus, ils sont un peu bas de
    plafond, les Mohamed ont encore de beaux jours devant eux.

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