Elle est comme ça, Cheftaine, totalement réfractaire à l’esprit de cour. Dans l’entourage du Monarque, elle est bien la seule qui ne s’y plie pas. Travailleuse et intransigeante, elle cache sa générosité sous une brutalité bourrue. Les cheveux coupés courts, une allure de garçon manqué, un sourire fugace qu’elle ne donne qu’à ses rares amis : elle est comme elle est, à prendre ou à laisser. Le Monarque a pris, les autres doivent faire avec. Ce qui ne va pas sans heurts. La guerre est ouverte entre Préfet Tigellin et Cheftaine. Elle est bien l’une des seules à qui il ne fait pas peur, elle voit clair dans son jeu, le trouve creux et veule. Il enrage de ne pas la tenir sous son influence, les fréquents coups de gueule de la jeune femme sont autant d’affronts à son autorité. Mais le Monarque lui passe tout. Il admire sa puissance intellectuelle et redoute, sans l’avouer, son caractère de cochon.
« Il peut gueuler contre les technos, poursuit-elle de son ton bougon. En réalité, ils ont pris le pouvoir et il ne s’en rend même pas compte. Le Monarque continue de faire son numéro sur le primat du politique sans s’apercevoir que ce sont les fonctionnaires qui dirigent. À force de tout concentrer au Château, de transformer son gouvernement en comité exécutif, avec un casting de Star Ac et des guignols en guise de ministres, il est arrivé au résultat inverse de celui qu’il affiche : c’est l’administration qui gouverne. Le Château est devenu le palais des grincements de dents, d’où l’on ne gère plus que l’impuissance… L’absence d’autorité politique des ministres a redonné le pouvoir aux fonctionnaires. Quel gâchis ! On a perdu tellement de temps au démarrage. On aurait dû virer tous les directeurs d’administration centrale. Depuis la nuit des temps, ils s’opposent au changement pour protéger leur pré carré. Ils observent, narquois, les gouvernements défiler : gauche, droite, gauche, droite. Et aux quelques ministres qui tentent de leur donner des instructions, ils répondent par l’immobilisme, l’air de dire « Cause toujours, dans quelques mois tu ne seras plus là, nous, on a l’éternité devant nous ! » Et le pire, c’est qu’ils ont raison ! Je voulais qu’on les vire, mais le Monarque ne m’a pas suivie. Il ne vire jamais personne. Il engueule, il rabaisse, il humilie, mais il ne vire pas. C’est le premier combat que j’ai perdu, et je le regrette tous les jours ! Tigellin a tout fait pour les protéger. Il est des leurs, c’est son réseau d’affidés, sa base arrière, la garantie de sa puissance.
— Dis donc, tu es encore plus sombre que moi !
— La rupture, c’est moi qui l’ai conceptualisée. C’était magnifique ! On y a tous cru ! Et tu vois le résultat ? Il le dit lui-même… Tous les jours, c’est un peu plus la rupture avec la rupture. Tout ce qu’on a dénoncé est encensé ! Notre système social archaïque est redevenu un modèle à préserver à tout prix, les déficits publics filent à toute allure, on fait la chasse aux étrangers indésirables, on déroule le tapis rouge aux dictateurs et ceux qu’on a combattus trustent tous les postes importants ! Un jour, il faudra bien essayer autre chose. La liberté et la responsabilité individuelle, par exemple ! Tu ne crois pas ? Aujourd’hui, on fait tout le contraire. Le Vieux Pays n’a jamais été aussi centralisé. L’administration, comme une pieuvre, étend ses tentacules à tous les échelons, étouffant toute initiative locale ou privée. Nous sommes les promoteurs d’un État totalitaire !
— Tu pousses un peu, non ?
— Mais non ! Du berceau au tombeau, la vie de chaque individu doit être prise en charge. Il nous faut avoir réponse à tout. Dès qu’un nouveau besoin apparaît, qu’un nouveau problème se pose dans notre société, on se tourne vers nous d’un ton inquisiteur : mais que fait l’État ? Et nous, on est assez cons pour répondre : dormez tranquilles, bons citoyens, l’État veille sur vous ! Sauf que, en fait de bonne fée, on a confié nos vies à un ogre obèse et impotent qui, sous prétexte de philanthropie, confisque notre destin !
— Tu n’as pas tort… Nous vivons une drôle d’époque, où les préfets se piquent de diplomatie et les plumes conçoivent de grands desseins. Mais, dis-moi, toi qui es dans le premier cercle, tu ne dois pas être la seule à penser ça. Personne ne dit rien à la réunion du matin ?
— On est quelques-uns, en effet, à partager cet avis. Mais personne ne peut vraiment parler. Le Monarque est sous l’influence croisée de Conseiller aux Cultes et de Préfet Tigellin, c’est difficile de trouver un interstice pour se faufiler. Au fond, l’État omniscient et omnipotent, ça lui plaît. Ça le conforte dans son sentiment de toute puissance ! Et puis, de toute façon, maintenant c’est trop tard. Le Monarque gère la crise, que peut-il faire d’autre ? Et à cet exercice, il n’y a pas meilleur que lui. La guerre, qu’elle soit économique ou militaire, c’est son truc. Ça le met en situation, son autorité et son esprit de décision font merveille. Regarde ce qu’il a réussi aujourd’hui. Plutôt épatant, il faut bien le reconnaître ! Ce Rocky-là, je l’aime. Il me fait oublier le reste.
— Cheftaine, qu’est-ce que vous marmonnez dans votre coin ? l’interpelle le Monarque.
— Rien d’intéressant, Monsieur le Monarque. On parlait cinéma. (…) »
Marie-Célie Guillaume, Le Monarque, son fils, son fief.
Donc la cheftaine c’est Emmanuelle Mignon ? c’est intéressant et étrange à la fois. Je croyais qu’elle était partie chez Europacorp après avoir été sacquée pour avoir minimisé le rôle des sectes. Je savais qu’elle avait ensuite quitté Europacorp mais en cherchant sur le net, je lis qu’elle était revenue pour la campagne de Sarko 2012. Suicidaire ?
http://www.liberation.fr/politiques/01012390074-emmanuelle-mignon-la-revanche-de-la-tradi-reveche
On s’en fout de ce qu’elle a pu dire (d’ailleurs plutôt sensé quand on compare aux délire brouillons de Fenech et de la Miviludes) sur les sectes. C’est sans doute l’une des rares personnes qui dans le paysage intellectuel et politique français soit vraiment une conservatrice qui croit au marché. Et j’ai cru comprendre qu’elle précise même volontiers conservatrice « au sens anglais ». Que ce soit aussi une des rares épargnées par le joyeux jeu de massacre de de M.-C. Guillaume, c’est intéressant, je trouve.
C’est aussi elle qui avait dit qu’il faudrait entièrement privatiser l’EN.
Je ne cherchais à parler de ses propos sur les sectes. Je trouvais son parcours étrange, c’est tout. Qu’elle soit partie soit, mais pour revenir à 2 mois d’une échéance cruciale alors que le bilan réel de Sarko était mauvais et qu’elle se sentait mal au début parce que Sarko ne faisait pas le job, je trouvais cela étrange. Maintenant les idées qu’elle défend sont intéressantes.
Reste à savoir ce qu’elle va faire ou comment elle va les défendre au milieu de cet UMP qui persiste à ne pas comprendre qu’ils ont perdu parce qu’ils n’ont pas appliqué le programme pour lequel ils avaient été élu.
« Un jour, il faudra bien essayer autre chose. La liberté et la responsabilité individuelle, par exemple ! … Nous sommes les promoteurs d’un État totalitaire ! »
> passage romancé ou pas la cheftaine montre un sérieux bagage… beaucoup d’illusions cependant de sa part sur la sincérité du jeu politique, je ne crois plus les partis sincères mais de plus en plus à leur intention de détruire la liberté humaine – au sens des textes fondateurs des Etats-Unis, il n’y pas plus noble, et plus inquiétant pour ceux qui veulent enrégimenter les hommes. La méthode pour tuer de nos jours, invisible, la meilleure, c’est « killing them with kindness », l’UMP la partage dans les grandes lignes avec le PS. Devedjian était aussi de cette veine-là (enfin il me semble) et son élimination violente dès le début de mandat était révélatrice.
Témoin encore les propos récents d’un sombre connard UMP pour défendre le PC par rapport à son rôle dans la 2ème guerre, c’est tellement dégueulasse, le mec devrait être déchu séance tenante. Stéphane Courtois l’a bien remis à sa place, maigre consolation, sur Atlantico.