Bis re-petit tas

(…) On procéda à une nouvelle émission, et on réduisit le taux de l’intérêt pour accélérer la circulation des nouveaux assignats. Certains députés qui voyaient grand pensèrent qu’on pourrait éteindre toute la dette de l’Ancien Régime en vendant tous les biens de l’Église. (…) Le 20 septembre 1790, l’Assemblée décida de rembourser en assignats-monnaie la dette de l’État et du clergé. L’intérêt était supprimé. C’est en vain que des hommes clairvoyants montrèrent le danger de cette opération : Dupont de Nemours fit prévoir une rapide dépréciation et un renchérissement considérable du prix de la vie ; il montra la banqueroute fatale. Mais à ceux qui parlaient finances, les défenseurs des assignats répondaient politique. « Parlons-nous de la Constitution, disait Le Chapelier, l’émission des assignats ne peut être mise en question, c’est l’unique et infaillible moyen d’établir la Constitution. Parlons-nous de finances, il ne faut pas raisonner comme dans une situation ordinaire, nous pouvons supporter des pertes légères, mais nous ne pouvons pas supporter que la Constitution ne soit pas assise sur des bases stables et solides… » (…) La dépréciation ne se fit pas attendre : de 6% dès les premiers jours, elle atteignait 44% en janvier 1792. Entre temps, après les 1200 millions de septembre 1790, on avait augmenté la circulation de 1200 nouveaux millions. ainsi au printemps de 1792, dès avant la déclaration de guerre, on avait mis en circulation deux milliards et demi d’assignats. (…) Avec la guerre, la situation ne fait qu’empirer : le déficit mensuel varie entre 100 et 200 millions, la vie augmente dans des proportions considérables. C’est la misère et souvent la famine (…) La Convention fit de gros efforts pour défendre l’assignat. Au milieu de 1793, elle décréta un emprunt forcé d’un milliard sur les riches : c’était autant qu’on ne demanderait pas à la planche à billets. Surtout, on se préoccupa d’accroître le gage des assignats par des confiscations nouvelles (…) mais ces mesures n’arrêtèrent pas la dépréciation, de 50% en 1793 elle passa à 67% en juin 1794. (…) La défense des assignats avait échoué. Mais sous la Convention thermidorienne ce fut bien autre chose. En septembre on émit 900 millions ; en octobre un milliard, et ce fut une dégringolade vertigineuse. Le Louis d’or qui valait 75 livres-papier en 1794 en vaudra 2000 en octobre 1795. Le prix de la vie croît de jour en jour. (…) L’avènement du Directoire n’améliore pas la situation. Le Louis vaut, en décembre 1795, 4000 francs-papier. On ferme la Bourse et il passe à 6500. (…) Le gouvernement essaie d’emprunter : il voulait 600 millions-or : les caisses reçurent 13 milliards en papier et 8 millions en valeur réelle. Entre temps, l’assignat de 100 livres est tombé à 6 sous. On brûle la planche à assignats, puis au printemps 1796 on invente un nouveau papier-monnaie : les mandats territoriaux. On en émet pour 2 milliards et demi. À l’émission, ce franc-mandat vaut 2 sous et 30 francs-assignats. Bientôt la dépréciation sera de 60%, puis de 90, finalement les mandats territoriaux sont démonétisés et échangés à raison de 1% contre des sous qui n’ont pas valeur de monnaie. Il n’y a plus de guerre pour alimenter le trésor et Bonaparte s’en chargera. En attendant, l’État fait banqueroute : le 30 septembre 1797, on supprime les deux tiers de la dette.

Tel est donc le bilan financier de la Révolution : si l’Ancien Régime lui avait laissé 3 milliards de dettes, il lui avait légué une monnaie saine et une France prospère. En moins de dix ans cette France était ruinée, la monnaie tombée à zéro et la dette sacrifiée pour les deux tiers.

J. F. Henry in L’Étudiant français, 1939.

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À propos Nicolas

« Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur la toit, et qu'il faillait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu'il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu'au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l'avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice, toujours fou,  eut l'idée de jouer le rôle du diable, et qu'il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait semé des sequins sur le plancher de sa chambre, et qu'il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre. »

7 réflexions sur « Bis re-petit tas »

    1. Nicolas Auteur de l’article

      C’est ça les blogs d’élite : on n’a même pas besoin d’expliquer, ça coule de source et de la bouche de nos commentateurs comme le miel sur la barbe d’Aaron. Bravo. Vous gagnez une peluche Bidou quand nous aurons pris le pouvoir dans les usines de jouets du Jura.

  1. kobus van cleef

    cette monnaie démonétisée , ça guette tout le monde
    parfois , on s’y jette volontairement, j’allais dire , avec délices , ou provocation
    c’est le cas de quelques villes en vronze qui tentent d’instaurer des monnaies locales
    oui , oui, vous ne rêvez pas, il y a des bleds vronzais , où , les édiles, grassement rétribués avec le pognon de nos impôts ( allez pas croire qu’un homme politique aie un deuxième métier , genre ébéniste ou caviste ou bistrotier, ils réclament assez la reconnaissance de leur spécificité « homme politique, c’est un métier » disait je ne sais plus quel crétin)tentent de réinventer le rouble intérieur
    c’est le cas de toulouse ( too loose?) et de brest
    brest, je connais bien, j’y vis depuis bientôt 20ans
    hé bien , une bande d’allumés a entrepris de faire la promo de « l’héol » et une autre du « gwenneg » ( ou du gwenned , va savoir)
    et dans les plaquettes qu’ils distribuent sur les marchés ( bien fréquentés les marchés, pas question qu’ils aillent faire du porte à porte dans les quartchés qui craignent …)ils expliquent que c’est une monnaie qui s’autodéprécie , -2% par mois ce qui fait -12% par an, et donc qu’il est inutile de la thésauriser et que c’est ça l’idée et qu’elle est inutilisable ailleurs que dans le bled et sa périphérie
    bref , le rouble intérieur
    ce qui ne change pas non plus , c’est que , comme aux débuts de la création du communisme et du paradis sur terre ( comprennez ici : l’union soviétique) le coeur de cible est la classe moyenne aisée et cultivée ( enfin …relativement..) , les instits et les profs , et quelques intellos…
    genre test, avant d’imposer ça à la masse ( qui n’a pas toujours raison , loin de là , mais qui présente une certaine inertie aux changements décidés d’en haut , surtout lorsque « c’est pour leur bien »)
    la relation incestueuse de l’assignat du duché de bretagne et de l’héol du pays de brest nous montrera jusqu’à quel point l’élite peut s’aveugler sur le renoncement volontaire qu’elle veut imposer à la masse
    on ne voit que le début du truc

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