Instrumentalisation

Oui, cent fois oui, le meurtre de Jérémy Censier se voit aujourd’hui instrumentalisé par l’Institut Pour la Justice (IPJ).

Remarquez, je connais des avocats bloggeurs qui font de même avec d’autres faits divers afin de nous sensibiliser au problème des sans-papiers. Ah… La paille, la poutre tout ça…

Nous y reviendrons.

Oui, cent fois oui, le récit fait par son père –dans une vidéo mise en ligne– tient plus par l’émotion que par la raison. Mais entre cette vidéo et le compte-rendu qui en est fait par Eolas, il y a un monde. Un monde dans lequel il y a certainement la place pour moins de pathos, mais aussi pour un peu plus de vérité -et avec le même matériel.

Mais reprenons, nous aussi, depuis le début.

Un jeune homme qui s’interposait dans une rixe a été poignardé au vu de tous par un de ses participants. Plusieurs fois. Il s’effondre au sol. Les autres individus impliqué dans la rixe d’origine se mettent alors à le frapper, ensemble, à coups de pieds et, semblerait-il également, de poings. Voire à lui sauter sur la tête. Deux jeunes venus pour aider la victime sont également roués de coups par ces individus. Qui se sont rapidement enfuis.

Ce sont les faits.

Bruts.

Eolas considère qu’il faut bien conserver entre guillemets les termes de « barbarie inimaginable » cité par le père de la victime.

Eh !

Je tendrais plutôt à le rejoindre.

S’il s’agit bien entendu de barbarie, celle-ci est tout à fait imaginable étant donné que les faits judiciaires dans lesquels on retrouve ces comportements de meute, que chacun pourra caractériser plus avant comme il l’entend, ne sont pas si exceptionnels que cela. Quotidiens même. Certes, cela ne se termine pas forcément par un mort. Mais voilà. Le petit plus de cette affaire se trouvant justement dans le fait qu’ils ont frappé leur victime à coups de pieds après que celle-ci ait été poignardée. Jérémy a été en effet plusieurs fois poignardé, notamment au visage.

Que ceux qui auraient absolument besoin de mobiliser leur imagination pour être très légèrement « indigné » (ce dernier mot est de Eolas) par cette affaire lèvent le doigt et pointent à Sainte-Anne.

Mais le meilleur arrive ensuite. Deux expertises sont effectuées. La première explique que ce ne sont pas les coups de couteau qui sont la cause de la mort, mais un coup de pied porté au thorax. Puis, une seconde expertise arrive à la conclusion inverse, c’est à dire que la cause de la mort serait bien le couteau.

Mais, quand bien même ces deux expertises possèdent des conclusions contradictoires, elles nous disent toutes une chose. Les coups de pied portés à Jérémy furent particulièrement violents. Violence inouïe de ce lynchage qu’on retrouve dans les témoignages.

Des coups violents donc. Alors même que ceux qui les ont porté ont assisté aux multiples coups de couteau, dont on peut dire qu’ils furent également violents, assénés à la victime et ne pouvaient donc guère douter de l’état dans lequel celui-ci se trouvait à ce moment là.

C’est à dire au bord de la mort -s’il ne l’était déjà pas.

Mort.

De tels coups de pied, dans une telle situation, cela porte un nom.

Finir le boulot.

Mais cette simple lecture chronologique des faits n’empêche pourtant pas la justice de ne pas retenir l’intention criminelle chez ceux ayant commis coups de pied et de poings sur la victime poignardée à de multiples reprises et gisant dans son sang au sol.

Ces coups n’auraient pas été porté dans l’intention de tuer ? C’est ainsi que l’instruction en aurait statué en tout cas.

Mais quel mépris incommensurable d’Eolas quand il explique le père de Jérémy ne fait « pas de détail » quand il considère que les auteurs des coups de pied sont responsables de la mort de son fils. Car la thèse du père est très loin d’être absurde. Il aurait suffit, et la première expertise allait d’ailleurs en ce sens, que le coup mortel ait été un coup de pied pour que tout soit comme par magie chamboulé.

Cette magie a un autre nom.

Une gabegie judiciaire.

Car, pour ma part, je ne comprends pas une seconde comment on peut donner des coups de pieds, violemment, à quelqu’un qui a été poignardé au visage à plusieurs reprises devant soi, sans avoir la solide et ferme intention de le tuer…

Cependant, excepté l’auteur des coups de couteau, tous les protagonistes de l’affaire sont sortis, plus ou moins rapidement, de détention provisoire. Moi, je veux bien. Mais gardons à l’esprit que, dans un monde qui n’est pas juridique, personne n’a envie de croiser des types capables de lyncher un type qu’ils ne connaissaient pas, qui a été poignardé à plusieurs reprises devant eux, et de foutre sur la gueule de ceux qui ont tenté d’aider la victime immédiatement après.

Le père de Jérémy est quelqu’un de particulièrement posé, calme, respectueux des lois et réfléchi.

A sa place, certains auraient profité de ces remises en liberté pour faire un carton.

Et cela n’aurait pas été illogique. D’autant plus que le père explique ensuite que, lors de la reconstitution,

toute la bande est arrivée le sourire aux lèvres, les mains dans les poches. Ils se sont amusés à raconter et re-raconter le meurtre, en changeant de version à chaque fois, pour se moquer de gendarmes, ou de nous. Ils étaient parfaitement décontractés et désinvoltes.

On peut dire, tel Eolas, que ces mecs sont des post-adolescents (comprendre encore un peu bêtes), « mal à l’aise » et donc qu’il est quasi-inévitable qu’ils ricanent et tentent de s’impressionner mutuellement en bande. Pourquoi pas. Dans le monde réel, cependant, des types qui lynchent un type poignardé au visage alors qu’il est au sol et qui, après, dans le cadre d’une reconstitution, font leur cinéma, sourire aux lèvres, encore une fois, je n’ai aucune envie de les croiser. Je ne dirais pas que ce sont des animaux. Ce ne sont pas des animaux. Ils sont bien plus dangereux que des animaux. Et si, je crois, chacun peut comprendre par quels mécanismes un être humain peut infliger un tel traitement à un autre être humain, ce n’est pas pour autant qu’il faut les laisser en liberté.

D’ailleurs, au passage, précisons que l’auteur des coups de couteau l’est.

En liberté.

Il pointe au commissariat de Mont-de-Marsan manifestement.

C’est toujours bon à savoir avant de choisir sa prochaine destination de vacances.

Oui. Je plaisante. Mais à moitié seulement. Car ce n’est pas un JLD qui a décidé de le remettre en liberté. Ce n’est pas la chambre de l’instruction non plus. On apprend même qu’ils ont essayé de tricoter avec le droit pour retenir l’auteur des coups de couteau plus longtemps en détention. Ce n’est pas un gros scoop. Ces mêmes juges tricotent inversement avec le droit pour remettre en liberté, on l’a vu avec l’affaire Moncif Gabbour.

Autant donc dire directement que ces gens font ce qu’ils veulent et que la loi, parfois, eh bien ils passent au-dessus.

Ce qui n’est rassurant pour personne.

Mais pourquoi a-t-il été libéré dans ces conditions ? Par une faute de procédure. Point. Il n’y a rien d’autre à dire puisque, si des délais avaient été respecté, notre bonhomme serait toujours en détention préventive dans l’attente de son procès étant donné que les éléments à charge retenus contre lui ne sont pas minces et sont bien étayés. Non, nous ne sommes pas ici dans le cas de l’article 144. Mais d’un autre, issu de Outreau. Un de ces trucs visant à résoudre justement Outreau mais ratant totalement leur cible.

Gabegie toujours…

Quoiqu’il en soit, il est bien sûr tout à fait impensable et incompréhensible que la partie civile ait la très légère impression qu’on se moque d’elle.

Les faits ne sont pas contre Joël Censier. Il n’y a qu’Eolas pour les voir contre lui. Mais il est vrai que son post n’a pas grand chose à voir avec les faits non plus. Ne serais-ce que parce qu’il ne les connait que médiocrement, par biais de presse. Il s’agit par contre de tenter de faire la nique à l’IPJ parce qu’on ne partage pas ses vues sur la justice.

Et si, pour cela, il faut instrumentaliser une seconde fois le meurtre de Jérémy Censier et la peine de Joël Censier, après l’IPJ et avec la même densité intellectuelle, ce n’est pas Eolas-la-vertu qui s’en privera.

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À propos Blueberry

Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère… Et le gouvernail est là qui ballote. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu alors qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire "oui" ou "non", de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’était peut être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a pas de nom. Et toi non plus, tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu comprends, cela ? Créon, Antigone, Jean Anouilh.

21 réflexions sur « Instrumentalisation »

  1. Fascisme Fun

    « An armed society is a polite society »

    Maître Eolas vit dans un HLM mental.

    Quant au père de Jérémy Censier, il attend que l’OPAC envoit ses Men In Black pour réparer la fuite d’eau qu’est en train de saloper tout son appartement .

    Le problème des lynchages racistes de ce genre (les assasins de Jérémy sont des gitans), c’est l’absence de réponse proportionné: c’est à dire de contre-lynchage citoyen.

    Moi qui suis un authentique humaniste, je suis pour le liquidation systématique des ténias humains qui saucissonnent les grand-mères dans leur pavillon de banlieue et sortent le coupe-coupe quand vous daignez à leur lâcher une clope.

    Vous allez me dire, c’est pas très chrétien toussa, pas très républicain non plus, mais ça a le don de remettre les choses à plat la violence carabinée (voir Starship Troopers).

    C’est même plutôt dégueu de crâmer un quartier tout entier pour une bagarre d’ivrogne qui a mal tourné, c’est pas très esthétique un pogrom ni très vertueux mais ça a le mérite d’annuler le ressentiment chez les victimes: nos guitar heroes de Roumanie et de Hongrie le savent bien, eux qui se tiennent gentiment à carreau quand leurs cousins débarqués en Occident redoublent d’arrogance et de fantaisie délictueuses.(de toutes les races d’immigrés auxquels j’ai eu affaire, les Rroms sont de loin les pires)

    Répondre à la violence des gros cons par une violence de gros cons, c’est parfois la seule manière de régler un conflit, ça évite d’installer dans le cerveau des lyncheurs et des parasites, un sentiment de toute-puissance dans la nuisance.

    Ce qu’il faut, ce n’est pas une réforme de la Justice française, mais un flingue dans la poche de chaque gentilhomme de ce pays.

    Malheureusement, une culture de minutemen, ça ne s’improvise pas quand on est une larve socdem au pays de Mélenchon.

      1. John Terby Jr

        Ils sont trop mou les nazis de nos jours, z’avez raison de le souligner VV. Fascisme Fun, son ami Satan l’habite et puis la racoleuse diva Sir Shumule aussi (tant qu’on y est, citons aussi les seconds couteaux)… leur faudrait à tous une bonne guerre pour qu’ils s’agitent un peu, se sortent les doigts du cul et servent par leur plume la propagande comme elle le mérite – avec des juifs au début, vivants; des attardés mentaux et un budget d’état catastrophique à gérer; des gitans, des homos, et des témoins de Jéhovah surtout, vivants aussi, au début, morts ensuite, à cause qui venaient toujours frapper à notre porte, tenter de nous voler ou de nous toucher le sexe; et des communistes aussi, mais seulement les moins sales.
        Heureusement, me direz-vous, des blogs de jeunes gens tous dépressifs diffusent encore de la vraie musique de drogués:
        http://conditoralmesiderum.blogspot.com/2011/11/white.html

            1. Gil

              Non pardon, c’est à Blueberry que je dois demander, l’article étant de lui. Je l’ai lu en entier, je le jure, et il est excellent 😀 (et en plus Eolas est un e….é, mais ça je le savais déjà^^).

              Et vous aussi étiez des premiers, si je me souviens bien.

        1. Gil

          Dites donc, le Fasciste Fun, espèce d’enculé ? 😀

          Z’avez vu que par votre faute, je suis devenu une star sur le blog de notre brillantissime, surpuissant, ouf’, ouf’ malade de Shushu (pardon, de SIR Shushu) ?

          Avec probablement la « citation du jour » la plus durable depuis la création du site, vu que notre Wotanou hypostasié d’amour est allé se faire enfumer chamaniquement dans les sombres forêts profondes pour plusieurs semaines ? Une star, que j’vous dis.

          Bon, au prix d’une petite manip’ du genre auquel il nous a habitué, il me fait dire qu’ilys est un site de blaireaux^^

          Il est sûr en tout cas que lui pense que c’en est un… alors je repose un peu différemment ma question : ça vous fait quoi de lire assidûment un site estampillé « blaireau » par le maître ? 🙂

          Et vous allez jusqu’à dévorer les archives du Mercutio Club (putain, on peut trouver ça où ??), IE la proto-histoire d’ILYS ! Eh ben…

          (Ne vous embêtez pas à répondre, bien évidemment 🙂 )

          (note à l’attention des lecteurs shumuliens : ce comm est à libre disposition pour une future « citation du jour », manips ultérieures comprises; je conseille cependant de découper la partie : [je suis devenu une star sur le blog de notre brillantissime, surpuissant, ouf, ouf malade de Sir Shumule]; je l’ai ciselée spécialement à votre intention, avec amour 🙂 )

          1. XP

            Putain c’est dingue, je ne comprends pas un seul mot de votre commentaire… Ca fait peur. Il y a une maladie, come ça, où le symptome, c’est que le malade a l’impression que tout le monde parle en chinois autour de lui?

            Et rassurez-moi, vous comprenez, la question que je viens de poser, là?

            1. XP

              غير أن العنصر عيد وأنتم أيضا! الخنازير! tramp! ايغور!!!

              وولد بائسة!

              Wallouf!! SDF! Igor yanka!

  2. Vae Victis

    Eolas est à peu près ce qui se fait de pire dans ce pays. Le crétin diplômé qui parle un bon français et manie bien les concepts et dont on aimerait tous qui finisse de manière sordide, pour ensuite expliquer sous un jour « humaniste et anti-poujadiste » que les assassins méritent d’être un peu sermonnés.

    J’avais bien aimé un de ses articles où il se tressait des couronnes de fleurs à mesure qu’il dépeignait son client comme une immonde ordure. Il tirait grande satisfaction à côtoyer les crimes les plus atroces sans en être le moins du monde ému.

  3. la crevette

    Bon article! (sauf la fin où je ne vois pas trop en quoi c’est « dégueulasse » de signer un pacte… je suppose que c’est parce que vous êtes alors dans la position d’une forme de « délation »? Enfin pour le terme de pétition, parce que « Pacte » c’est différent, pas de connotation vraiment négative à pacte je trouve.Bon, on pourrait dire à l’inverse de « délation-pétition qu’on est dans la position d’une forme de rectification de tir qui concerne une justice mal fichue…)

  4. Blueberry Auteur de l’article

    Vous avez raison, cela dépend du pacte. Il y en a de très jolis. Yeux dans les yeux, sang mélangé, avec son meilleur ami… Hmmm… Pour la vie… Hum. Bref. Celui de l’IPJ ressemble à une pétition. Il n’est donc pas beau. Les pétitions, c’est moche. La seule différence que je vois entre signer une pétition et vivre un braquage, c’est que dans le cas de la pétition vous ne pouvez presque pas parler après de votre traumatisme, trop tabou.

      1. Fascisme Fun

        Le problème des pétitions, c’est leur côté « homosexuel passif ».

        Une dizaine de catholiques qui déploient une banderole dans une pièce de théâtre scatologique est en soi mille fois plus efficace qu’une réunion de vieilles rombières autour de la dénonciation du blasphème anti-chrétien.

        A défaut de persuader, ça marque le subconscient ce genre de truc, ça crée un « égrégore » (combien d’authentiques antiraciste sont littéralement fascinés par les parades hitlériennes).

        L’agit-prop gauchiste a très vite compris qu’il fallait provoquer le plus possible pour se faire entendre et de la manière la plus ordurière si possible. (toujours le Blitzkrig)

        Il y a mille façon de se faire remarquer de nos jours (grève de la faim, auto-immolation, crise de démence en modèle 22 long rifle, camping à la manouche).

        Or la pétition est de loin la plus stupide, la plus ringarde et la plus innefficace de toutes les stratégies de persuasion.

        1. la crevette

          Pas convaincue Facisme Fun; le pacte pour la justice va atteindre le million de signataires en une semaine et ça n’est que le début. La pétition n’est que la partie émergée de l’iceberg, une sorte de force de frappe qui touche nos politiques et les force à se tourner vers les propositions de réformes judiciaires urgentes. Le plus gros du boulot est à venir mais il n’empêche : le tir est lancé et son impact certain.

          1. Vae Victis

            C’est une forme de sondage direct.

            Autant un happening concerne 3 hurluberlus, autant une pétition populaire concerne un tas de monde, ce qui peut permettre à des politiciens de récupérer cet élan populaire pour satisfaire leurs ambitions.

  5. NOURATIN

    Le sort de ce pauvre type, y compris les divagations judiciaires,
    s’explique simplement par son nom : Jérémy Censier. Un sale céfran.
    Alors, quand on voit clairement ce qu’il faudrait faire et qu’on ne
    le fait pas, je crois qu’à plus ou moins long terme, on est foutu.

  6. tschok

    @ Blueberry,

    J’arrive carrément après la bataille, que je n’ai pas suivie en direct chez Eolas non plus, du reste, non pas pour vous contrarier dans l’expression de vos opinions, mais seulement pour vous faire part d’un autre point de vue.

    En première analyse, j’ai, comme beaucoup trouvé son post assez dur pour le père et assez chicaneur sur des détails qui n’ont pas forcément une grande importance pour le commentateur de l’actualité judiciaire qu’il est.

    Par exemple, les agresseurs connaissaient-ils leur victime? Ou le père de leur victime? C’est un détail qui intéresse davantage le juge instructeur, les enquêteurs, peur être la cour qui jugera prochainement l’affaire. Mais a-t-il une signification particulière pour le commentateur? Bof…

    Donc, en première analyse j’ai eu une impression plutôt mitigée.

    Et puis après, j’ai mieux compris le contexte et j’ai perçu ce qui était en train de se faire.

    Le contexte: Eolas et l’IPJ sont en guerre.L’IPJ représente à peu près tout ce avec quoi Eolas n’est pas d’accord, tout ce contre quoi il milite dans son blog. Sur ce, voilà qu’une partie civile dans une affaire en cours, peut être instrumentalisée par l’IPJ, se glisse dans ce combats des chefs, s’intercale dans une relation déjà passionnelle, non pas comme un arbitre pour clamer le jeu et tenter la réconciliation ou appeler au bon sens, mais au contraire en prenant fait et cause pour l’IPJ, ses thèses et son programme.

    A partir de là, ce père dont on imagine sans peine le calvaire, cesse d’être le brave type qui nous raconte son histoire, cesse d’être cet inconnu qui pourrait être notre frère pour devenir à lui tout seul une arme de guerre dans un conflit qui le dépasse, mais dans lequel il a accepté de s’immiscer en toute connaissance de cause, vu l’esprit militant avec lequel il s’est engagé dans cette entreprise.

    C’est le père de la victime qui a accepté de descendre dans l’arène. Personne n’est allé le chercher, sauf peut être l’IPJ (on soupçonne l’IPJ de démarcher la bonne victime, comme les avocats américains à la sortie des hôpitaux).

    Eolas n’y est pour rien. De facto, le père est devenu un adversaire comme une partie civile pourrait l’être dans l’arène judiciaire. En un sens, il n’a pas choisi son ennemi et a dû faire avec, quitte à choquer.

    C’est d’ailleurs ce qui s’est produit.

    Et c’est là qu’il faut percevoir ce qui s’est passé: rien moins que le procès public de la victime, plus exactement de son père, en fait, puisque la victime directe a été soigneusement laissée de côté.

    Ce faisant, Eolas a transgressé deux tabous.

    Le premier: dans cette affaire le père est le prolongement de la personne de son fils, pré-décédé. Juridiquement, il est un ayant droit, symboliquement il est un héritier, mais un héritier d’un genre très particulier: il est héritier de la personne de son fils.

    Autant notre société voit peu d’inconvénient à considérer avec suspicion ou mépris les fils quand ils héritent de leur père en ne se donnant que la peine de naître (rente de situation, aristocratie, enfants gâtés, bobos, etc) autant le père qui hérite de la personne de son fils est respectable, respecté, bref sacré, surtout en cas d’homicide.

    La seule chose, horrible, qui puisse déconsidérer totalement un père héritier de son fils, c’est le meurtre du fils par le père. Mais là, c’est pas le cas.

    Bref, le père héritier de son fils, c’est le Dernier des Mohicans. C’est celui dont la lignée va peut être s’éteindre, c’est celui qui doit porter la dépouille de son fils en terre alors que l’ordre naturel des choses prescrit que c’est le contraire qui doit se passer, c’est celui qui s’adresse à son dieu en lui disant qu’il attend avec hâte le moment où il sera rappelé parmi les siens.

    C’est une des figures du sacré.

    Or, ce sacré là, c’est un parapluie nucléaire. C’est du gros calibre. Quiconque transgresse la règle s’en prend plein la gueule.

    Le deuxième tabou: le père est ici une figure parfaite de la bonne victime. N’est pas bonne victime qui veut: Nafissatou Diallo en a fait l’expérience. Il y a des conditions symboliques à remplir, elles sont très précises (inutile de m’étendre, en gros il faut être un pénitent apte à recevoir la lumière de Dieu). Diallo ne les remplissait pas, le père si.

    Dès que ces conditions sont remplies, la victime devient sacrée et la règle c’est qu’on y touche plus, sinon réaction du corps social contre le scandale du sacrilège.

    Je pense, mais je me goure peut être, qu’Eolas est très conscient de ces choses là, mais il a quand même pris la décision de transgresser les tabous.

    C’est une décision qui exigeait un certain courage.

    Il n’est pas exclu, devant la violence des critiques dont il a été l’objet, qu’il en ait gros sur la patate, après tout. A force d’imaginer ses ennemis dans l’habit d’Attila le Hun, on oublie qu’ils ont aussi leurs points faibles et que ces points faibles ne sont pas là où on croit.

    Toujours est-il qu’il y a bien un choix à faire.

    Vous-mêmes, sur ce blog, vous vous considérez comme des briseurs de tabous, des gens que rien ne doit arrêter dans ce que vous considérez comme l’expression de vos idées. Vous faites vos choix et (je reviens de la lecture d’un long article de Lounès sur la racaille) visiblement vous n’hésitez pas.

    Ben Eolas non plus.

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