Élisabeth Lévy ne sait pas jouer

Élisabeth Lévy n’a sans doute jamais consacré plus d’une minute à penser, c’est à dire à élaborer un raisonnement qui vise à l’originalité, mais elle écrit et parle tout le temps, autant que si elle méditait le matin, le midi et le soir… Et c’est bien ce qui la rend intéressante.

En l’occurrence, elle pense tellement peu qu’elle ne songe même pas à ne pas montrer son jeu et donc celui de ses partenaires de table, qu’elle ne se relit pas, ou plus exactement qu’elle se relit sûrement sans tout comprendre de ce qu’elle récite.

A propos de marchés financiers et des agences de notation anonymes et supra-nationales qui les renseignent, elle nous dit ceci :

Je croyais naïvement que la gauche et son candidat flambant neuf allaient se jeter sur cette occasion de montrer qu’eux, ils n’avaient pas peur de monsieur Lesmarchés et qu’il pouvait se le garder, son pognon, parce qu’après tout les citoyens de France sont encore assez riches pour prêter à leur État.

Et une phrase plus loin ceci :

Pour une fois, j’aurais trouvé ça vachement chouette qu’on envoie le prof {Les agences de notation et les marchés financiers] sur les roses.

Ce que tout contempteur des marchés pense tout bas en ne pensant qu’à ça, Madame Lévy, parce qu’elle n’est pas en mesure de se relire, le publie noir sur blanc : Pour elle, un créancier qui vous prête à 3% dans des délais qui vont de trois à trente ans, s’il réclame ses remboursements, s’il a le culot de se renseigner sur la solvabilité des emprunteurs et se réserve le droit de ne plus prêter, l’État doit l’envoyer sur les roses, parce qu’il a sous la main des citoyens, lesquels n’accepteront sans doute pas non plus de prêter à l’aveuglette, à moins de 3 %, en s’asseyant de temps en temps sur leurs créances, mais ont le terrible avantage d’être à portée de rafles et de canons.

Élisabeth Lévy, c’est la sœur jumelle d’Alain Soral : quand l’antisioniste cache soigneusement son jeu, lui tient le même discours, mais sans pouvoir s’empêcher de lâcher le morceau et d’expliquer candidement que les juifs, personne peut les blairer depuis 2500 ans, ce qui permet à tous de comprendre la vraie nature de l’antisionisme.

En vertu du même processus, l’adversaire de la finance internationale ne dit jamais qu’il est inutile d’emprunter sur les marchés alors qu’il serait si simple d’envoyer la police chercher des prêteurs au nom de la souveraineté nationale et populaire, mais madame Lévy n’a pas compris que cette chose-là, il fallait y penser toujours et n’en parler jamais, pour être un un bon petit soldat de l’antilibéralisme… Elle récite son texte, mais ne le maîtrise pas assez pour repérer les passages qui doivent être tus, pour le dire autrement.

Les marchés financiers nous protègent de l’arbitraire du pouvoir et de la République jacobine, c’est une affaire entendue, et ce n’est même plus moi qui le dit, mais Élisabeth Lévy, sur Causeur.fr.

Pour ma part, je la remercie chaleureusement: ça faisait un petit moment que je tournais autour de cette intuition, en attendant qu’un antilibéral moins doué et plus désinhibé que les autres montre ses cartes, dévoile leur jeu et tire très naïvement les conclusions de leurs choix…

Voilà qui est fait!

16 réflexions sur « Élisabeth Lévy ne sait pas jouer »

  1. VonMises

    Oui j’ai moi aussi bondi en lisant cet article.
    Marxiste un jour , marxiste toujours.
    Surtout que les français n’ont plus les moyens de prêter à l’Etat :
    même en les ayant gavé d’obligations pourries via l’assurance vie il faut encore fourguer plus de la moitié des emprunts aux étrangers.
    Mme Lévy se croit encore en 1981.

  2. David

    On sent une démangeaison particulièrement enflammée chez nos dirigeants politico-médiatiques… Cette soif d’argent que rien ne peut tarir au moment où celui-ci se devient rare fait qu’ils s’agitent, crient dans tous les sens…ils paraissent possédés. Au moment où Dexia s’est cassé la gueule il y a quelques jours, un grand quotidien de mon horrible plat pays montait sur ses grands chevaux en dénonçant la folie capitaliste et l’engraissage scandaleux des actionnaires… Quelques jours plus tard, le même quotidien publiait un article plein de larmes sur les communes de mon horrible plat pays qui se retrouvaient avec de grands trous dans leurs budgets généreux et sociaux parce qu’elles n’allaient plus recevoir les millions d’euros de dividendes qu’elles recevaient tous les ans en tant qu’actionnaires de Dexia. Bouches inutiles les journalistes? Bouches malfaisantes.

  3. NOURATIN

    Une connerie largement partagée finit par devenir vérité. Ce n’est pas d’aujourd’hui, en droit Romain on disait déja « error comunis facit jus »,
    ce qui revient grosso-modo, au même. Alors, le con de base a le droit de
    répéter à l’envi que les salauds qui ont prété les sous nécessaires au
    soutien des politiques socialo-démagogiques de nos bons dirigeant de droite
    et de gauche, devraient désormais renoncer, non seulement à en récolter les
    fruits mais encore, carrément, à les récupérer. Tout ceci au nom de l’omnipotence et des doits imprescriptibles des peuples de gauche.
    C’est le sens, notamment de la démarche des « indignés »
    dont il n’est pas difficile de savoir qui en tire les ficelles.
    Amitiés.

  4. Vertumne

    Hmmmm, quand on regarde l’évolution de la dette en France, on remarque qu’il n’y a aucune corrélation entre le parti au pouvoir et la dette. De « gauche » comme de « droite », le dirigeant français est viscéralement socio-démocrate et très peu libéral, tant et si bien que les différences entre PS et RPR/UMP sont vraiment minimes sur ce point.

    Fait inquiétant: la montée la plus spectaculaire concerne le quiquennat de Sarko, avec une hausse de près de 20 points de la valeur relative de la dette par rapport au PIB.

  5. Skandal

    Il me semble que vous faites une confusion, et Madame Levy aussi…

    Les agences de notations ne prêtent pas. Elles ne prennent d’ailleurs pas le moindre de risque sur les marchés puisqu’elles n’ont absolument aucune positions. Ce n’est tout simplement pas leur rôle.
    A partir de la, on peut se demander si le fait qu’elles n’aient finalement aucun rôle (si ce n’est celui de noter), qu’elles ne prennent aucun risque, justifie le fait que leur notations aient l’influence qu’elles ont.

    Quand on sait que les employées des agences de notations sont souvent ceux qui n’ont pas trouvé de place en front office dans une banque ou autre institution financière, quand en revient sur le cuisant échec de la notation des CDO constitué de crédit subprime, il est parfait légitime de se poser la question de la compétence des ces agences.

    ATTENTION : se poser la question ne doit pas faire oublier que la France est hyper endettée par la faute de l’incompétence, de la fourberie et de la malhonnêteté des ses dirigeant depuis au moins 30 ans.
    Cela n’enlève rien à votre constat, qui me semble parfaitement vérifié : « Les marchés financiers nous protègent de l’arbitraire du pouvoir et de la République jacobine »

    On peut cependant se poser un certain nombre de questions :
    -Pourquoi l’état n’emprunte t’il pas plus auprès des citoyens ? Quitte à payer des intérêts autant que ceux ci soient réinvestit dans l’économie du pays.
    -Pourquoi, alors que les USA ont été dégradés, leur taux de financement ont baissé ? (réponse : « flight-to-quality ») Idem pour ceux de l’Allemagne. Pourquoi pas la France ?

    Ce qu’on peut dire de sur, c’est qu’avec une économie bien gérée, des dépenses maitrisées et une liberté d’entreprendre réelle, les marchés seraient un avantage non négligeable pour la France…

  6. XP Auteur de l’article

    La compétence des agences de notation, ça ne regarde pas les Etats, c’est à dire les emprunteurs.

    De fait, les agences de notation sont les experts-comptables des marchés.

    – Vous voulez m’emprunter de l’argent? Fort bien, donnez-moi vos bilans, je vais les faire examiner par mon expert-comptable.

    – Non, votre expert-comptable est nul, je vous refuse le droit de me refuser de l’argent sur les conseils de votre expert-comptable.

    C’est complètement absurde. La compétence des agences qui notent les états, c’est l’affaire des marchés, pas celui des Etats.

    Maintenant, c’est toujours la même chose: qu’est-ce qui se cache derrière ce discours selon lequel ces agences sont incompétentes?
    Que le Etat n’ont pas à être jugés, et donc, qu’on doit leur prêter sans les juger, et donc, qu’il faudrait forcer le emprunteurs.

    On en revient donc au sujet du billet.

    1. Skandal

      « qu’on doit leur prêter sans les juger, et donc, qu’il faudrait forcer le emprunteurs. »

      Pas du tout. Mais je m’étonne que les marchés et les états attachent tant d’importance à ces agences qui ont régulièrement prouvées qu’elles étaient très loin d’être la référence quelles prétendent être.

      Surtout que les banques ont déjà moult analystes et autres quant au moins aussi compétent qu les agences.

      C’est le même problème qu’à l’époque ENRON et VIVENDI avec les boites d’audit qui était aussi les conseils.

      Le marché et les banques sont, à mon avis, suffisant pour juger les états.

      1. Dotchi9

        Personne n’oblige personne à attacher de l’importance aux agences de notation. C’est uniquement la crédibilité de leur travail qui leur donne un pouvoir. Les prêteurs calent leur taux d’intérêt sur le risque de ne pas être remboursés et les emprunteurs les redoutent parce que le taux d’intérêt de leur prêt en dépend.
        Ce n’est pas une affaire de pouvoir institutionnel.

  7. Dotchi9

    J’ai fini par aller le lire, cet article. Madame Lévy file la métaphore de la notation. La métaphore est souvent hasardeuse, mais là, ça fonctionne assez bien, surtout le petit Baroin qui comparait devant le censeur.
    A la fin de l’article, elle s’attend à une réaction marxiste du Flamby flambant neuf délégué de la gauche et feint de s’étonner qu’il soit aussi péteux que le petit Baroin.
    Je crois qu’elle a voulu dire que gauche ou droite au pouvoir : fini de vivre à crédit.

  8. Max

    Ce que je remarque c’est la gauche est plus « audacieuse » lorsqu’elle est au pouvoir que la droite : c’est la gauche qui a fait les 35 h et les privatisations sous Jospin, la libéralisation des marchés financiers et la fin du contrôle des prix pendant les années 80, c’est la gauche qui poussé la création de l’Euro et l’intégration européenne (Delors et co). Ces réformes sont parfois positives, parfois négatives, mais le constat est là.

    Quand elle est au pouvoir la droite ne fait rien (quelqu’un retient une réforme notable pendant la période 1993-97, ou depuis 2002 ?), elle n’ose même pas appliquer le programme sur lequel elle se fait élire (même lorsque le programme est peu ambitieux) tant elle est couarde et se soumet au magistère moral de la gauche.

    Aujourd’hui la gauche va récupérer le pouvoir et va devoir gérer la réduction de la taille du secteur public, et je pense qu’elle va le faire bien mieux que la droite ne le pourrait.

    1. nicolasbruno

      N’exagerons rien. Les 39 puis les 35h, la retraite à 60ans, le super Etat européen et l’Euro, c’est tout de même une belle série. Ceci étant, oui, notre droite socialiste n’a fait que valider des politiques de gauche. Et les 5 prochains candidats nous proposeront tous des politiques au mieux keynesiennes au pire communistes.

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