Dexia, escroquerie en bande organisée

Nous nous acheminons donc vers une nationalisation de la banque franco-belge Dexia, le « partenaire des collectivités locales » et la création d’une « bad bank » dans la plus pure tradition du consortium de réalisation du Crédit Lyonnais.

Que cette banque ait été mal gérée, c’est l’évidence même. De notoriété publique, la direction franco-belge n’a jamais fonctionné, la politique expansionniste de Dexia – notamment l’acquisition de la Financial Security Assurance en 2000 – n’est pas sans rappeler la folie des grandeurs d’un Jean-Marie Messier grande époque et la direction de cette banque s’est même débrouillée pour perdre 86 millions d’euros dans l’affaire Madoff. Enfin, il y a bien sûr le dossier des « emprunts toxiques » que la banque vendait à sa principale base de clients, les collectivités locales, pour réduire le coût de leur endettement – notamment à l’approche d’échéances électorales. Tout ceci est probablement vrai à divers degrés [1] mais quelque soit la réalité des faits, il est une évidence que tous semblent ignorer superbement : les actionnaires majoritaires de Dexia, ce sont les pouvoirs publics belges et français.

Résultat de la fusion de la fusion du Crédit Communal de Belgique et du Crédit Local de France en 1996, Dexia a toujours été détenue majoritairement par les pouvoirs publics belges et français. L’Etat français, directement ou via la Caisse des Dépôts et Consignations et CNP Assurances détient 25,07% du capital de Dexia. Les participations de l’Etat fédéral belge, des régions belges et des villes belges représentent 25,5% du capital. Au total, c’est donc environ 50,6% du capital de Dexia qui est directement ou indirectement sous contrôle public ; le solde étant détenu par des groupes à statuts mutualistes ou coopératifs [2] plus ou moins affiliés aux pouvoirs publics (19.3%) et par le public y compris les salariés (29,9%). De fait, le choix des dirigeants du groupe a toujours fait l’objet d’une négociation entre l’Etat central français et l’Etat fédéral belge ; Jean-Luc Dehaene, président du conseil d’administration, est un ancien premier ministre belge et Pierre Mariani, président du comité de direction, est un proche de Nicolas Sarkozy.

Le résumé de cette histoire calamiteuse est aussi clair qu’il est symptomatique de l’état de notre capitalisme de connivence : les pouvoirs publics, soucieux de permettre à nos collectivités locales de s’endetter et accessoirement de distribuer quelques récompenses pour services rendus, ont créé une banque et ont fait appel à leurs sujets pour mieux la capitaliser. Banque qu’ils ont géré en dépit du bon sens de telle sorte que le prix de l’action s’est effondré d’un peu plus de 20 euros en 2006 à moins d’un euro à l’heure actuelle. Après avoir appelé les contribuables à la rescousse pour sauver ladite institution [3], ces mêmes pouvoirs publics sont en train de la « nationaliser » – c’est-à-dire de récupérer la part minoritaire du capital qu’ils ne possédaient pas déjà – après nous avoir assuré sur la base de leurs savants « stress tests » que « Dexia n’aurait pas besoin de fonds propres supplémentaires » [4]. Les créanciers, actionnaires et contribuables privés sont rincés ; les politiciens accusent la « crise du capitalisme » et estiment que l’Etat devrait être plus présent dans le capital des banques pour éviter que cela ne se reproduise.

Sur le dossier des « emprunts toxiques », la commune de Rosny-sur-Seine (Yvelines) attaque Dexia Crédit local en l’accusant d’« escroquerie en bande organisée ». Voilà un terme parfaitement approprié. Une escroquerie en bande organisée où la bande est constituée de nos élus locaux, les organisateurs sont nos gouvernements et les escroqués sont – comme d’habitude – leurs sujets dévoués et obéissants.



[1] Les pleurnicheries de la mairie de Saint-Etienne qui veut nous faire croire qu’ils ont étés « forcés » de contracter un swap sterling/francs suisses relèvent soit de la mauvaise foi la plus achevée, soit d’une incompétence surréaliste.

[2] Le groupe ARCO et le groupe Ethias en Belgique ; le groupe Banques Populaires et le groupe Caisses d’Epargnes en France.

[3] Injection de capital de 6,4 milliards euros et garanties d’Etat en 2008 auxquels s’ajoutent les 3 milliards d’euros prêtés par la Banque postale début 2011.

[4] Communiqué de presse publié par Reuters le 23 juillet 2011.

10 réflexions sur « Dexia, escroquerie en bande organisée »

  1. VonMises

    Meuh non meuh non voyons , c’est la faute à l’ultralibéralisme et il
    est urgent de mettre les banques sous le contrôle de l’Etat : on sait depuis le Crédit lyonnais que ça permet d’éviter les faillites.
    Heureusement les brillants responsables de Dexia ont pu se recaser :
    Certes, le sauvetage de la banque Dexia en 2008 a coûté plus de trois milliards d’euros aux finances publiques, manifestement pour rien — Mais comme nous l’expliquait alors Nicolas Sarkozy, il s’agit d’un groupe belge, donc le sauvetage des banques françaises n’aura bien rien coûté — Mais que dis-je ? Le sauvetage a réussi. Pierre Richard, le président du conseil d’administration, a été placé par la France comme expert auprès du conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement ; cela doit lui apporter un complément bienvenu, et mérité, à sa maigre retraite annuelle de 538 000 euros versée par Dexia et donc, euh, nous.
    Bruno Deletré, son acolyte, dont nous avons déjà parlé, est venu travailler auprès de la grande Christine Lagarde sur la supervision financière, avant de retrouver un poste de dirigeant de banque, au Crédit foncier, dans lequel son expérience de la d’une quasi-faillite bancaire sera sans doute précieuse, et justement rémunérée

  2. Asinus asinum fricat

    Ce que ne comprennent ni Kaplan ni le Mises du dessus, c’est que de toute façon il est impossible de mettre les banques sous le contrôle de l’Etat, puisque l’Etat est lui-même sous le contrôle des banques.
    La ruse – un peu foireuse, il faut l’avouer – du libéral est de faire porter le chapeau à l’Etat, alors que depuis le début, l’Etat c’est lui, et qu’ils sont marché main dans la main depuis deux cents ans.

  3. Georges Kaplan Auteur de l’article

    Asinus asinum fricat,
    Je passe sur le procédé sophistique qui consiste à accuser son adversaire de « ruser ».
    L’idée selon laquelle « l’Etat est lui-même sous le contrôle des banques » est une ânerie manifeste. La raison en est très simple : l’Etat, c’est sa définition, dispose du monopole de la violence. Si l’Etat a un problème d’endettement auprès des banques, il envoie sa police nationaliser les banques. Il exproprie les actionnaires et peu même, si ces derniers crient trop fort, en trucider quelques uns. C’est aussi simple que ça.
    Quand Philippe le Bel a décidé de se débarrasser des templiers en 1307, il l’a fait. Quand le gouvernement irlandais a décidé de nationaliser Anglo Irish Bank en 2009, il l’a fait.

  4. XP

    Heureusement pour eux, les Marchés financiers sont des Templiers hors de portée de la police de l’Etat…

    C’est jujetement ça que les souverainistes appellent « la dicature des Marchés financiers »… On ne peut pas spolier le créancier sans conséquences, on ne peut pas le tuer… On peut le diaboliser, et avancer l’idée qu’il devrait renoncer à ses dettes, mais on est obligé de s’en tenir à ces deuxpremières étapes… Impossible de passer aux étapes de la spoliation, de l’emprisonnement et du meurtre.

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