Séisme politique, imprévu, première fois… le basculement du sénat à gauche fait s’exclamer tout ce que le journalisme politique compte de garde-chiourme mis en place par la nomenklatura française, ceux-là mêmes qui n’ont pas tout à fait fini leur deuil après la perte de leur candidat DSK.
Les conséquences ne seront pas celles qu’ils disent. Mais ça on a l’habitude ; pour savoir ce qu’il ne faut pas penser il suffit, depuis plusieurs décennies maintenant, d’écouter ce crétin pontifiant de Duhamel. Instantanément vous savez quelle est cette pensée molle, pré-mâché, pré-digérée, ce brouet intellectuel, ce vieux fond de soupe refroidie que servent les médias au bon peuple qu’il s’agit d’éclairer. La pensée éditorialisée.
En gros Nicolas Sarkozy se trouve dans la position d’un François Mitterrand durant ses deux septennats ou d’un de Gaulle quand Gaston Monerville cherchait à le faire enrager. Quel changement cardinal dans la politique française ! quel affaiblissement extraordinaire et inédit pour le pouvoir !
Soyons sérieux deux minutes et faisons donc ici un travail minimal de compréhension pour éviter à nos lecteurs d’écouter Duhamel ou autres nuisibles de son espèce.
La majorité a perdu un Sénat déjà rétif — il y a peu d’assemblées autant composées de vieux notables conservateurs privilégiés hostile à tout changement un peu appuyé — c’est entendu. Soulignons d’ailleurs qu’on pourrait ici, après les catholiques à babouches, parler des jeunes à déambulateurs. Ça fonctionne de la même façon : un coréen écologiste pénétré de sa propre importance au point de prendre des airs de mandarin épanoui à double menton, c’est un vieillard qui s’ignore.
Est-ce un bien ou un mal pour la majorité ? Au chapitre des désagréments il faut mettre les commentaires des commentateurs qui commentent, qui glosent, qui nous expliquent que c’était le dernier grand test, etc. Rappelons tout de même que le corps électoral des sénatoriales est un peu particulier, composé de gens qui n’ont pas de problèmes à payer leurs impôts, qui vivent généralement dans les beaux quartiers des circonscriptions dont ils forment le corps électoral, dont le pouvoir d’achat est soutenu par des indemnités d’élus, dont la suffisance sociale est généralement bien replète et qui, pour certains, ne sont électeurs que parce qu’ils ont un beau-frère conseiller général ou parce qu’ils sont permanents politiques (cas des électeurs supplémentaires non élus dans les villes de plus de 30000 habitants). Rien à voir avec une vraie élection, donc, pour ces sénatoriales qui sont le pire reste d’un autre âge et sans doute le legs le plus pourri que nous ait fait la 3e République. Et la surprise dont ils se gargarisent ? voilà des mois qu’ils nous parlaient d’un basculement probable à gauche, sinon des années à la faveur d’élections locales, et maintenant ils nous présentent cela comme une surprise. Difficile de plus nous prendre pour des coings… bref un désagrément passager et une apparence de fragilité que l’ennemi monte en épingle. Est-ce si grave ?
Au chapitre des avantages pour l’UMP maintenant ?
D’abord l’agitation du bocal. L’UMP est mal partie, si tout continue dans l’état, elle va crever. Ce n’est pas le jacobin psychorigide Guaino qui va y changer grand chose en passant à la télé. Quand on se trouve dans cette situation, toute agitation du bocal où l’on meurt lentement est bonne à prendre : au pire le bocal sera assez remué pour qu’on y surnage peut-être, au mieux le bocal tombera par terre et éclatera. Avec une majorité inchangée de sénateurs UMP, d’où serait venue l’agitation ? Peut-être aurait-il fallu la créer en dramatisant je ne sais quoi. Mais retrouver une majorité de gauche dans une assemblée croupion est alors une bénédiction : on reclive la vie politique, on la bipolarise à nouveau — en trompe l’oeil naturellement — avec beaucoup plus de facilité : il suffit d’agiter devant ces sénateurs de gauche des propositions populaires ou simplement indispensables mais dont on sait qu’elles leur sont insupportables. La crise économique, l’immigration, l’insécurité, la justice, l’Europe, l’ours des Pyrénées, l’air en bouteille ou l’eau en boite, n’importe quoi en fonction de l’actualité peut faire l’affaire. Le tout est de jouer à fond la carte d’un Sénat conservateur alors qu’y prend la majorité le vrai parti conservateur de France, cette gauche française qui ne veut rien changer et pour qui, surtout privée de DSK, le monde s’est figé dans un État-providence bien gras vivant à crédit, quelque part entre 1981 et 1985.
Le gouvernment va donc pouvoir paraître à nouveau réformateur, audacieux, allant de l’avant et à peu de frais il va pouvoir rejeter sur les sénateurs ses impuissances. Le premier acte va sans doute être la fameuse règle d’or budgétaire, que le Sénat de gauche va devoir bloquer dans les formes, donc d’une manière politiquement exploitable par l’UMP.
Certes sept mois c’est peu pour enfoncer le clou d’une gauche archaïque, impuissante, conservatrice et qui ronchonne, rotant ses déjeuners de luxe dans les ors au goût quasi-libanais du Luxembourg. Mais sept mois c’est aussi très long face à un forcené de l’activité débordante, qui plus est pas malhabile politiquement, comme l’est Nicolas Sarkozy. Sans compter que les deux candidats qu’on nous présente gagnants au PS sont un ex-gros qui fait quatrième république de notables radicaux comme une caricature de Sennep ou une sectaire excitée qui, si elle gagne, devra sa victoire aux bataillons de Sud-éducation et aux permanents syndicaux qui avaient déjà truqué son élection comme premier secrétaire… dans le genre gauche conservatrice ils sont différents mais très bien tous les deux. Deux grands bourgeois d’ailleurs.
Dans ce dispositif, une pièce serait importante pour l’UMP : conserver la présidence du Sénat à Larcher. Tout est possible au Sénat, on peut très bien imaginer une assemblée faiblement de gauche avec un président franc-mac et qui a sans doute utilisé à bon escient les fonds dont il dispose… Une assemblée où la gauche est majoritaire et où l’ordre du jour reste dicté par l’UMP à travers le gouvernement et la présidence serait idéale pour Nicolas Sarkozy, alors qu’un président de gauche au Sénat pourrait dans une certaine mesure déminer la stratégie de l’UMP. La bataille en coulisse va être rude, et les sénateurs indécis vont pouvoir faire monter les enchères pour financer des tas de trucs utiles dans leur circonscription sans recevoir le moindre argent pour leurs campagnes politiques locales, et encore moins pour s’enrichir personnellement, vous pensez bien…
Comme il n’y a pas de petits profits, cela pourrait définitivement marginaliser les zozos centristes de Borloo en les faisant passer pour ce qu’ils sont : des gauchistes tombés à droite par malentendu, des ambitieux médiatiques sans électorat réel.
Enfin il va de soi que cette stratégie où l’UMP paraîtrait plus « droitière » et politiquement active — pure apparence encore une fois — fonctionnerait bien mieux le moment venu si Marine Le Pen n’avait pas ses 500 signatures.
On nous dit que le Sénat a basculé à gauche, mais en fait c’est la gauche qui a basculé en sénat, donc.
Excellent. Et c’était pas évident de pondre un article rigolo sur le thème du Sénat.
Mais je remarque que vous parlez plusieurs fois de l’UMP comme faussement droitier, et qui malgré l’agitation possible, ne pourra le devenir vraiment. Vous n’êtes plus sarkozyste, ou j’ai encore raté un paquet d’épisodes (ou j’ai lu trop vite cet article ma foi très fluide et gouleyant) ?
D.Goux : moi je dirais que le Sénat a enfin basculé dans le vrai conservatisme (celui qui a 30 ans, voire plus), le bien bigot, celui de gauche.
(Modifié à 13h49 pour être plus clair)
Vous avez manqué le film. ^^ Je n’ai jamais été Sarkozyste.
Entre un socialiste et Sarkozy, au deuxième tour d’une élection au suffrage personnel uninominal à deux tours, je choisis Sarkozy. Je choisirais la chèvre s’il y avait une chèvre et un socialiste.
Faire un choix dans les conditions électorales abjectes de la république française, cela ne signifie pas que l’UMP soit mon idéal politique.
Pas plus que le FN d’ailleurs, même s’il me semble encore moins mauvais que l’UMP (il y a un signe infaillible : il emmernuie plus de monde).
Par ailleurs Sarkozy m’est plutôt sympathique. Ce qu’on lui reproche généralement : abaissement de la fonction présidentielle, activisme agité là où on était habitués à une lenteur désespérante, son côté parfois iconoclaste, une certaine capacité à faire voler en éclats apparences, références et révérences ; tout cela m’est plutôt sympathique.
Oui, enfin, sarkozyste-par-défaut, dans la marée sarkophobe actuelle, c’est un peu être sarkozyste-tout-court, même si en effet je ne me souvenais pas que le FN avait votre préférence sur l’UMP(en même temps c’est votre faute, à publier une fois tous les deux-trois mois^^).
Enfin, vous avez l’air en grande forme, c’est le principal.
« Ce qu’on lui reproche généralement : abaissement de la fonction présidentielle, activisme agité là où on était habitués à une lenteur désespérante, »
Ä ce propos, une phrase hallucinante de Martine Aubry, qui montre que se Sarko est battu, la parenthèse va se refermer et qu’on va revenir aux grimaces habituels de la Vème:
« Quand je serais présidente de la République, ma priorité sera l’emploi, et je demanderais à mon premier ministe de s’en occuper matin, midi et soir »… Elle n’est pas encoe élue qu’elle est déjà en train de dormir à l’Elysée.
D’après un sondage, les Français veulent un président pragmatique qui sache prendre des décisions parfois de droite (j’imagine, quand il faut sortir la matraque), parfois de gauche (j’imagine toujours quand il faut distribuer du pognon au bon peuple de France). Et il leur faut un Président d’une grande culture générale (vous aviez fait un article déjà sur le sujet).
C’est pourquoi d’après moi, Sarkozy n’a plus aucune chance, et pourquoi Aubry et Hollande sauront l’un contre l’autre se présenter comme des Présidents idéaux.
Des présidents, qui présideront, qui donneront le sale boulot au 1er ministre, et qui se contenteront de rares apparitions calculées pour nous sortir une ou deux citations du Lagarde et Michard.
« Par ailleurs Sarkozy m’est plutôt sympathique » et la suite. Ah oui, c’est ce dont il me souvenait. Plus Sarko que l’UMP.
D.Goux (2): mais votre formule est géniale, je m’en aperçois ahora^^
Charriez pas, M’sieur Gil, charriez pas !
M’sieur ? Héhé, OK. Mais je ne charriais pas, c’est juste que je suis lent, très lent, et que je commente les comms avant de les avoir compris !
Merci Nicolas pour cet article consacré à Alain Duhamel. Il le mérite.
Tout à fait! Et comme, dans huit mois elle va perdre également la Présidence
de la République et l’Assemblée Nationale, l’UMP va se trouver comme jamais
en position de force pour pouvoir coller sur le dos des Socialos tous les malheurs qui ne manqueront pas, dès lors, de s’abattre sur nous.
Courage, le temps de la revanche approche.
Et ce n’est pas cette grosse couille molle de Duhamel qui nous contredira!
Amitiés.