Képi de poète

« Si les sentiments de fierté qui sont au cœur de tout prolétaire…

– Mon œil, coupa brusquement M. Lepage. Les prolétaires se souciaient de manger. La résistance, incarnée dans la personne d’un général bourgeois, fit appel aux anciens sentiments bourgeois d’honnuer, d’orgueil patriotique et guerrier. Le rendement fut d’abord médiocre. Les prolétaires estimaient que ça ne les concernait pas.

-Excusez-moi , je crois qu’il est tard…

-De son côté, la pourgeoisie donnait peu. La littérature de l’entre-deux guerres, j’entends la bonne littérature, l’avancée, avait constamment stigmatisé, ridiculisé l’honneur militaire, la fièvre patriotique et le jusqu’au boutisme. Aussi les gens bien n’étaient -ils pas très chauds. Tout bougea lorsque, Hitler s’étant retourné contre ses alliés communistes, la Résistance se trouva brusquement nimbée de poésie révolutionnaire. Les prolétaires continuaient à s’en foutre, mais aux yeux des bourgeois cultivés, le général de gaulle, grandi de tous les prestige de la littérature, apparaissait coiffé d’un képi de poète et même de poète tartare, ce qui ne gâtait rien…

– Oh ! Oh ! C’est qu’il est vraiment très tard !  »

Je pris congé précipitamment. Interloqué, M. Lepage m’acompagna jusqu’au seuil de sa maison et j’étais déjà dans la rue lorsqu’il me jeta dans le dos :

« Tout ça pour vous expliquer comment la résistance bourgeoise allait forcément en arriver à égorger ses frêres en bourgeoisie sur les autels de la révolution prolétarienne et à se dévouer elle-même à la tâche de proclamer la gloire de la vermine communiste !  »

Non content, il me souhaita le bonsoir en criant mon nom. J’en tremble encore.

Marcel Aymé, Le confort intellectuel, 1949

12 réflexions sur « Képi de poète »

  1. Restif

    Ah Le Confort ! Une pure merveille. De Aymé « La tête des autres » en grande partie sur la même période vue côté justice n’est pas piqué des vers non plus. Un grands Aymé.comme il est simple et humble, on ne le reconnait pas à sa hauteur. Céline lui savait.

    1. XP

      C’est même le seul de ses confrères et contemporains qui trouvait grâce à ses yeux, à ma connaissance.

      Ce texte me renvoie au sentiment que j’ai eu en lisant d’autres livres de Marcel Aymé (Uranus, entre autres) et aussi Ferdydurke, de Gombrowitch (qui date d’avant guerre):

      En ce temps là, la vermine communistes et la droite moisie chougnaient ensemble, comme aujourd’hui, sur la disparition du monde d’avant, de la fierté prolétarienee, les humanités et de l’enseignement des bons maitres d’antan, le tout étant à leurs yeux été sacrifié sur l’autel du confort, de la modernité, des valeurs de la bourgeoisi marchande, toussa toussa…

      Or, c’est précisèment à cette époque que les comunistes et les moisies réacs datent l’age d’Or du monde d’avant qu’ils pleurent aujourd’hui!

      1. Restif

        Les communistes – et apparentés – n’ont jamais avalés que c’est le peuple lui-même qui désire le « confort bourgeois »et tout ce qui va avec. Il faut déjà être bien avancé en lignée bourgeoise pour refuser ce confort, c’est précisément une spécialité bourgeoise que de rejeter l’héritage^^.
        Il est également amusant de remarquer que les communistes n’ont pas lu Marx, lequel à portant expliqué qu’une ère économique bourgeoise était indispensable, qu’elle était même bonne en soi (je sais, il y a le Marx créateur de l’International;, cas banal de schizophrénie politique/philosophique). La tendance à l’âge d’or est vielle comme le monde. L’ennuyeux est de voir des gens qui n’ont pas à fourrer leur grosse bésicles idéologiques partout récupérer les questionnements et problématiques de divers analyses qui regardent les faits et les pensent sur le long temps (pour Heidegger par exemple ça part des pré-socratiques -tiens au fait il a condamné Marx drastiquement, ce qui expliquait la rage à son égard de ce cet allumé de Lapinos)ou/et dissèquent certaines manifestations de l’époque. Mais ça, il faut bien savoir qu’on y échappera pas, ça laisse quand même une sensation de pollution enfin, as said Kipling, « ceci est une autre histoire ».

        @ Gil : je n’ai malheureusement pas ici mes deux gros tomes sur les Troubadours et figurez vous que je ne connais pas par coeur Arnaud Daniel (si!). Désolé donc -ceci afin de répondre à un autre fil mais nous sommes entre nous. sur la spirale, il existe un ouvrage de Parvulesco « La spirale prophétique », pas lu, parait-il intéressant. Je me défie de certains ésotéristes, de beaucoup même ! Hormis les honnêtes 16èmiste avec sceau de l’alma mater. Trop de fous, mais certains sont fascinants et il peu même y avoir des bribes à prendre. Hélas, plus trop le temps…et tant à lire encore.

      1. Nebo

        Ah ben ils sont beaux les redskins… dans le genre ils rattrapent le niveau mental de leurs adversaires natios dont j’ai mis, de par chez moi, quelques photos de spécimens de la « Race des Seigneurs »… ils vont nous sauver l’Occident ces triples buses pathétiques ! 😀

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