« On ne se préoccupe pas assez d’écologie. » C’est ce que j’ai pensé en lisant un article sur John Demjanjuk, vieillard nonagénaire et grabataire, condamné pour complicité de meurtre.

On ne sait pas grand chose de lui. D’origine ukrainienne, engagé dans l’Armée rouge, il est fait prisonnier en 1942 par les Allemands. Ensuite les versions divergent. Pour ses accusateurs il se serait rendu coupable de crime contre l’humanité en collaborant dans un camp de la mort. Selon lui il était interné dans un camp de prisonniers en Pologne. On le retrouve aux Etats-Unis. Condamné à mort en Israël en 1988, reconnu par des témoins comme un garde de Treblinka, il s’avère que l’accusation s’est trompée. Mais elle ne se démonte pas pour autant et retrouve sa trace dans rien de moins que trois camps de concentration… Remise au goût du jour de la fable : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. » Les autorités allemandes finissent par le juger et le déclarer coupable. Tout cela en l’absence de témoin, avec fort peu de preuves, et sans même connaître son degré d’implication et son rôle s’il s’est vraiment trouvé à Sobibor. On pourra retenir que le doute ne lui a pas profité.

D’abord extradé vers Israël, puis vers l’Allemagne, aussi réclamé à cors et à cris par l’Espagne, et sans doute maintes autres pays, le moins qu’on puisse dire c’est les nazis sont très populaires. Malheureusement, à moins de trouver une proie de substitution, cette chasse particulière devra bientôt cesser. La ressource ayant été gérée fort négligemment, les derniers nazis se meurent. On sent une tristesse à l’annonce que le procès du Hongrois « Sandor Kepiro, 97 ans, qui vient de débuter à Budapest » sera « sans doute l’un des derniers des crimes nazis ». Les associations de victimes, ou plutôt de fils, petit-fils ou arrière-petit-fils (etc…) de victimes, se précipitent pour commenter ces derniers procès. Et encore il s’agit de menu fretin, vraiment du fond de tiroir ; du garde ukrainien ; même plus de vrais aryens. Au mieux du nazi de qualité inférieure.

Voilà typiquement l’exemple d’une ressource surexploitée, dont le biotope a été détruit, et qui n’a pas eu l’occasion de se produire. Aujourd’hui les derniers spécimens d’une espèce autrefois nombreuse sont convoités par d’innombrables chasseurs en battue. Ce gibier si réputé va disparaître si rien n’est entrepris. Et malheureusement les dernières bêtes sont séniles, incapables de tenir debout, et sans doute même de faire un salut nazi sans trembler comme un danseur de tecktonik.

Comment à l’avenir pourra-t-on encore faire peur aux enfants et aux électeurs si on ne peut plus présenter un nazi en vie ? Faut-il par devoir de mémoire en empailler quelques-uns et organiser des visites pour les groupes scolaires ? Ou prôner une politique plus volontariste, et féconder quelques Allemandes avec du matériel génétique nazi tant que les derniers représentants sont encore de ce monde, et créer une réserve pour que l’espèce se perpétue ? Le débat est ouvert. Je pense que le monde y perdrait à se contenter de nazis de substitution.