Mettant de l’ordre dans mon disque dur, je suis tombé sur une nouvelle policière que j’avais écrite à l’occasion d’un concours sur ce thème. Cela fait bien six-sept ans. Je vous la livre telle quelle. J’ai simplement changé le nom du nom héros pour qu’il colle à mon pseudo. Cette nouvelle s’appelle Venger son ennemi.
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J’avais passé une nuit agitée, une bonne dizaine de vodka dans le sang, une strip-teaseuse qui m’avait coûté les yeux de la tête pour deux lap dance de merde et en plus j’avais été viré du club de la rue de Ponthieu par le videur pour avoir touché la poitrine (refaite) de la jeune pute de l’est. En plus d’avoir été vidé par un type taillé comme goldorak, j’avais récolté une droite pleine face. Mon pif avait triplé de volume et mon œil droit était salement poché. Bref tout cela pour dire que je nourrissais des sentiments de haine farouche envers celui qui tentait de me joindre sur mon portable depuis 10 minutes. Mon Nokia, enfoui je ne sais où, faisait retentir une mélodie stridente qui déglinguait encore plus mon système nerveux. Le numéro était inconnu et cela ajoutait à mon irritation. Finalement je décrochai avec l’intention d’insulter le connard qui me traquait.
– Allo, baragouinai-je d’un ton qui aurait fait raccrocher n’importe quel type normalement constitué.
– Oui, bonjour, Cherea, c’est Philippe Chavoul à l’appareil, le père de Jérôme.
– Oui ??? dis-je très intrigué, qu’est-ce que vous me voulez ?
– Vous voir pour discuter.
– Discuter de quoi ?
– Discuter, venez, vous n’avez rien à perdre et je vous paye le petit-déjeuner. Je vous attends en bas de chez vous dans une demie-heure.
45 minutes plus tard, je rentrais dans sa mercedes 500 SL et il nous amena au Georges V pour le petit-déjeuner. C’était la première bonne surprise de la journée.
– Alors qu’est ce que vous me voulez ?
– Voila Jérôme est mort, il y a une semaine, il a été assassiné.
C’était la deuxième bonne nouvelle de la journée. Jérôme et moi, ça remontait à plus de 15 ans. On avait été très potes et on s’était associé pour une affaire. Quand il avait été question d’argent et des 8000 euros qu’il me devait pour mon boulot, il avait argué qu’il n’y avait rien de signer, ce qui était vrai, et que c’était parole contre parole si je comptais aller en justice. On avait un accord verbal, je n’avais pas jugé utile de formaliser la chose par écrit, mal m’en avait pris. Suite à cette histoire, il n’avait plus donné signe de vie. J’avais hésité à le passer à tabac, mais bon, j’avais décidé d’adopter une ligne de conduite de gentleman, mépriser les gens méprisables et donc depuis plus d’un an je n’avais aucune nouvelle et je m’en portais plutôt bien.
– Mes condoléances, même si je n’en pensais pas un traître mot. Et on a des pistes pour savoir ceux qui ont fait le coup.
– Non, dit-il et là, des larmes coulèrent sur ses joues de type fracassé par le chagrin.
– J’avais rencontré plusieurs fois ce monsieur, du temps où Jérôme et moi étions potes, c’était un type sympathique. Et ce qui me paraissait bizarre fut qu’un type sympathique comme lui ait engendré une ordure comme Jérôme.
– Et qu’est-ce que j’ai affaire là-dedans, si vous me croyez responsable, je peux facilement apporter la preuve du contraire.
Mon côté paranoïaque reprenait le dessus.
– Non, rassurez-vous, je sais que vous n’y êtes pour rien et je sais également que vous ne vous fréquentiez plus depuis un an.
– Exact, et de plus ce que je vais vous dire ne vous fera pas plaisir mais pour moi Jérôme est mort depuis un an alors l’annonce de son décès ne me fait ni chaud ni froid. Je sais bien que quand une personne meurt, on est censé en dire du bien mais là ce n’est pas possible. Votre fils était une sale ordure, raciste, un parasite, inculte sans aucune valeur morale sans aucune espèce de notion de gratitude. Bref, c’était une sale raclure égoïste qui ne pensait qu’à sa gueule, au fric et aux femmes. Enfin, bon, si vous aviez toujours des illusions sur votre gamin, désolé de vous les enlever mais c’est la vérité.
– Je suis au courant de ce que vous dites et même si ça ne me fait pas plaisir, je sais que c’est la vérité. Néanmoins c’était mon fils.
– Certes mais qu’attendez-vous de moi ?
– Voilà , je vous paye pour que vous retrouviez la trace de ceux qui ont fait cela.
– Vous savez, si vous payez des impôts, c’est pour que la police fasse son boulot et pourquoi moi ?
– La police s’en branle, et ne mettra pas la main sur les coupables avant plusieurs mois et puis ils feront 12 ans de prison avec un gouvernement de gauche et 15 avec un gouvernement de droite.
– Écoutez, je ne suis pas votre homme et qu’est ce que je peux faire de plus que de les retrouver, les tuer ? dis-je en riant.
Là, il abaissa ses lunettes fumées de maquereau sur le retour, sortit une enveloppe en papier kraft de la poche intérieure de sa veste et me la tendit.
– Je sais que Jérôme vous deviez 8000 euros, vous pouvez les compter ils sont là. Je solde ses dettes. Maintenant vous avez 50 000 euros pour consacrer un mois à rechercher les fils de pute qui ont fait cela, 50 000 de plus si vous les trouvez et 100 000 euros en plus si vous leur faites la peau.
D’un coup, tout se chamboula dans mon crâne encore embué des vapeurs d’Absolut. 58 000 euros d’un coup, et peut-être 150 000 de plus. J’avais des dettes de jeu qui couraient avec des marlous à qui il ne fallait pas la faire à l’envers, une ardoise chez mon dealer, diverses factures et une banquière pas très compréhensive quant à ma situation actuelle.
– Très bien, j’accepte et pourquoi moi ?
– C’est très simple, Jérôme n’avait pas d’amis et c’est avec vous qu’il a le plus d’expériences communes, je me disais que vous étiez le mieux placé pour rechercher les salauds qui ont fait le coup.
Je lui tendis la main, il la prit. Le marché était conclu.
– Attention et pas d’entourloupe.
– Aucun problème.
Il régla l’addition. On alla à sa voiture et il me tendit un attaché-case Vuitton avec 50 000 euros et un dossier concernant la mort de son enculé de fils.
Je rentrais chez moi apaisé, assez ravi de la situation. L’enculé de Jérôme, une vraie barre de fer de son vivant, allait enfin me rendre ce qui m’appartenait et bien plus encore.
Je feuilletai le dossier, un vrai roman d’Ellroy ces pages. On l’avait retrouvé en bordure d’une route départementale, mutilé et la queue coupée dans la bouche. De plus il y a plusieurs impacts de balles dans son corps. Une bastos dans le cul et une dans le bide. Il avait dû sacrément souffrir l’enfoiré. Les analyses toxicologiques montraient qu’il avait un taux d’alcool de 3g/l de sang et des traces conséquentes de cocaïne.
J’en déduisis qu’il s’était fait alpaguer en sortant d’un bouge ou dans une boite et que le monde de la nuit allait être ma piste à suivre pendant ce mois.
Jérôme était un fêtard compulsif. Une fois, il m’avait dit qu’il était sorti 32 soirs de suite à Paris. C’était une vraie performance, car trouver des endroits intéressants un lundi soir n’est pas chose aisée.
Je commençais par les endroits que nous avions l’habitude de fréquenter. Ainsi le premier week-end de mon activité, je fis tous les bars de Saint-germain et interrogeait l’air de rien les serveurs de ma connaissance. Rien d’intéressant n’en sortit. On n’avait pas vu Jérôme depuis deux semaines. Néanmoins Gaétan, le gérant d’un bar salsa situé rue Monsieur le Prince et appelé L’escale me confirma l’avoir croisé le soir où il avait disparu et il s’étonna même que nous n’étions pas ensemble. Effectivement, avant notre embrouille on allait souvent boire des mojitos là-bas. Gaétan m’apprit également qu’il était en compagnie d’une jeune fille brune d’une vingtaine d’années typée méditerranéenne. J’en conclus qu’il avait dû rencontrer la poule au bar du marché, rue de Buci, et qu’il l’avait emmenée ici. Le gérant du bar me confirma aussi qu’elle n’était pas française car il les avait entendu parler Anglais. J’optai donc pour une italienne ou une espagnole, Jérôme détestait ouvertement les Arabes et n’aurait pu concevoir de coucher avec une beurette aussi belle qu’elle fut et bien qu’il aima la chatte, c’était dire son aversion envers les musulmans qu’il appelait en privé les mahométans mais rarement en ma présence car il savait que je combattais toute réflexion raciste. Non pas que j’étais politiquement correct, mais je ne comprenais rien au racisme et ça me paraissait stupide, c’est tout, c’était dans mon éducation, refuser la bêtise la combattre et pour moi le racisme était une ânerie au même titre que le protectionnisme économique ou l’altermondialisme.
Donc j’avais une piste, mince mais j’allais la remonter. Afin d’imaginer le parcours de Jérôme, il fallait me mettre à sa place. Facile, la seule chose qui l’intéressait était le cul de la jeune fille et pour niquer il fallait qu’il la fasse boire et qu’il lui en mette plein la vue. La conclusion me semblait évidente, il avait emmené la poule au CAB, une boite située rue de Rivoli, vaguement people, mais franchement beauf. Enfin bon, il était connu là-bas alors il avait ses entrées, et c’était sûr qu’il voulait jouer de cela pour conquérir la belle brune.
Gaétan m’offrit un mojito et j’embarquai une jolie argentine et son amie vers le Cab. Je serrai la pince du physionomiste qui me demandait si j’avais vu Jérôme ces derniers temps, je lui répondis que non. Il me confirma alors ce que je pensais, Jérôme était venu ici il y a une semaine, et il devait sûrement faire profil bas car il s’était embrouillé avec des gitans qui étaient tout le temps là. Je notai l’information.
En bas, je commandai un magnum de champagne réglé rubis sur l’ongle grâce à l’avance du père de Jérôme. Lâchant, un gros pourboire au serveur, je lui demandai de m’installer à une belle table. Il m’assit à côté de trois types à la mine patibulaire. Ils étaient complètement défoncés à la coke. Je leur offris une coupe de champagne chacun et ils me remercièrent.
– Merci, gadjo, c’est sympa, il y a tellement de connards qui essaient de taper des verres.
– Oui, dis-je, mais ce n’est pas mon genre.
– La semaine dernière, il y un enculé qui nous a piqué notre bouteille sans nous demander, mais ce con ne savait pas sur qui il est tombé.
– Ah ouais, criai-je pour couvrir le bruit de la musique, sans pour autant paraître m’intéresser à ce qu’il venait de dire.
– D’ailleurs on l’a bien dérouillé cet enculé.
Son pote lui donna un coup de coude lui intimant de se taire. D’ailleurs après ce rappel à l’ordre, il changea de sujet, se rendant compte que l’alcool lui avait délié la langue et qu’il en avait dit plus qu’il n’aurait voulu.
Maintenant, j’en étais persuadé, je tenais mes lascars.
Au moment de partir, je les saluai et leur dis à bientôt. Ils me répondirent qu’ils étaient à cette table tous les jeudis, vendredis et samedis soirs.
Après avoir plus qu’entamé le magnum de champagne, je ramenais les deux argentines chez moi qui partagèrent bien plus que mon lit. Au réveil, l’une avait préparé le café et me l’apporta et se glissa à nouveau sous la couette. Nous sortîmes du lit à 17 heures, elles m’embrassèrent me firent promettre de venir les voir à Buenos Aires, je leur promis mais leur dis qu’avant cela j’avais une affaire urgente à régler.
J’appelai Philippe Chevoul et l’invitai au restaurant. Je lui racontai que j’avais retrouvé les probables assassins de son fils et il me demanda quel était leur mobile et comment cela s’était passé. Je répondis assez froidement pour un mec qui venait de m’allonger encore 50 000 euros. Je lui racontai l’histoire par le menu détail puis une fois qu’il avait bien ingurgité la chose, je résumai « Votre fils est mort comme il a vécu, il a volé de l’alcool aux types à qu’il ne fallait pas chercher d’embrouilles, à des types qui tuent gratuit et qui volent des poules depuis la nuit des temps, voila c’est tout. Je pensais bien qu’il finirait dans un caniveau mais pas pour une malheureuse bouteille de vodka, mais pour une arnaque avec des enjeux financiers plus importants ». Une fois que j’eus fini ce court monologue, il me fixa d’un regard haineux mais il savait bien que je lui avais dit la vérité.
– Très bien, répliqua-t-il, encore 100 000 euros pour la peau des trois gitans, vous êtes partant .
– Oui, mais c’est 50 000 d’avance et vous venez avec moi quand je ferai le coup. Il faut que nous soyons tous les deux mouillés, je ne peux me permettre de vous faire confiance sur une chose de cette importance »
– Très bien, ça aura lieu quand, et vous allez procéder comment ?
– Ça, c’est mon affaire, et je vous appellerai quand ce sera ok .
J’avais mon plan en tête, super simple et au-dessus de tout soupçon.
J’allais au Cab seul et commandai une bouteille de champagne, on m’installa à la même table que précédemment, les gitans étaient à mes côtés et me reconnurent puis m’offrir un verre d’Absolut que je ne refusai point. J’allai sur la piste de danse, j’essayai d’attirer l’attention de quelques bimbos et réussis à ramener à ma table une blonde décolorée sans intérêt. Sur le coup de cinq heures, la boite se vida et mes amis gitans furent sur le point de mettre les bouts. Ils m’interpellèrent :
– Gadjo, à bientôt,
– Oui, on se voit la semaine prochaine.
Et alors qu’ils se levèrent, je pris le bras de l’un d’eux.
– Et les mecs, vous n’allez pas me laisser seul avec le reste de la bouteille.
Je servis à chacun une coupe, qui contenait du GHB a.k.a « drogue du viol ». Les effets sont assez immédiats et font pénétrer celui qui l’ingurgite dans un état d’inconscience avancé et la beauté de la chose est qu’il ne souvient plus de rien.
Chacun la but en tendant la coupe à mon endroit et me remercia chaleureusement. Je me levai et les suivis au vestiaire. Le voiturier leur amena leur Porsche 944, je continuai mon chemin leur faisant un signe de la main et Philippe vint me chercher avec une vieille Saab 900. Je pris le volant et nous les suivions de loin, puis une fois en dehors de Paris, alors qu’ils conduisaient à plus de 120 km/h, je me positionnai sur leur droite, toux feux éteints et donnai un coup de volant les percutant de côté, ce qui les envoya contre un arbre.
Nous rentrâmes gentiment sur Paris comme si rien ne s’était passé et Philipe m’invita à boire un verre chez lui, il me remercia et me remit encore 50 000 euros.
Je passai une bonne nuit pleine de bons rêves et sans remords. Dans ma douche, j’entendis à la radio, « Trois jeunes gens sont morts dans un accident de voiture en sortant d’un célèbre établissement de nuit de la capitale, l’alcool et la vitesse excessive sont la raison de ce drame selon un gendarme ».
Enfin, je m’habillai, préparai ma valise et filai à l’aéroport direction Buenos Aires.
Dans mon siège première classe, je réfléchis à la suite à donner à ma vie et hésitai entre tueurs à gages et détective privé.
Je lançai la pièce en l’air, ce fut face.
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Je n’ai bien sûr pas remporté ce concours.
L’influence crado-new-yorko-bas-fondo-jazzique est de toutes manières beaucoup trop forte dans le polar , au point que la frontière entre le génial et le commun devienne très poreuse .
Cette attirance pour le crade et le glauque où la beauté tâche mais survient est parfois lassante , comme si trouver un polar où le héros (anti-héros ?) ne fréquente pas les putes , n’a pas la gueule de bois , n’a pas quitté la police après le viol de sa fille par des ratons-laveurs , ou la population n’est pas composée à 90% de junkies , putes , maqueraux et dealers relevait de l’exploit .
Un peu comme les films de zombies , où l’on ne peut que faire des clins d’oeil aux classiques du genre , et pas de neuf . Ou alors la pure parodie .
Je sait , ce n’est qu’un cadre , affrontement entre bien et mal , plongée aux tréfonds de l’âme humaine , toussa , mais quand même .
Mais je doit avouer que celle-ci est rafraichissante , distrayante , sans relever de la pure parodie , ou de la simple transposition de New-York à Paris , les clins d’oeils sont nombreux sans être exessifs , les codes du genre sont respectés avec décontraction , agréable .