Que reste-t-il quand tout a disparu ? Voilà une question que ne risquent pas de se poser les lamentables critiques qui ont déposé leurs « papiers » sur le chef d’œuvre « Harry Brown » de Daniel Barber. « Nauséabond », « rance », « vomitif », « nauséeux », « outrancier », et j’en passe. Que l’on ne s’y trompe pas, les critiques positives, enthousiastes, existent également. Le point commun étant qu’ils affirment tous que la « face sociale » a été évacuée. C’est évidemment faux (mais ils ne risquent pas de l’admettre, étant donné que c’est bien l’absence de ce service public qu’est la sécurité qui pousse Harry à mener son expédition, eux si prompts à réclamer cet alibi pour les exactions des criminels). Mais ce n’est pas le problème.
Voilà le problème : alors que l’intégralité des médias se consacre exclusivement, jour et nuit, à ne produire que du discours moral, social, positif, progressiste, tolérant, compréhensif, s’indignant du manque d’indignation pacifiste, ils n’ont pas compris que le sujet de ce film, c’est eux. Non pas tant les médias, ou leurs rouages les journalistes, que le discours du Bien -auquel ils sont désormais identifiés et qui interdit qu’on les distingue les uns des autres- qu’ils propagent (1). Eux qui voient des victimes partout et s’offusquent qu’un tel film manque de nuances !
N’ayant pas compris qu’une civilisation n’existe que par la coexistence du Bien et du Mal, et les valeurs qui s’en dégagent, ils ne risquent pas de saisir que la violence nihiliste dite des banlieues n’est que la compensation de ce discours lisse et onirique d’un monde privé du péché originel et de tout ce qu’il suppose dans la construction d’un individu. En quoi un individu peut-il se distinguer de la massification d’un tel discours, appelé à juste titre discours unique ? Rien. Je veux dire par là rien en propre. Et lorsqu’un individu est privé de cette capacité à distinguer le bien du mal, il ne peut plus que faire appel au nombre pour identifier quelque chose, ce nombre étant incarné par les médias, c’est à dire l’écran. L’image. La télévision. Et qu’est-ce qu’il y trouve ? Le discours du Bien (2).
Absolument aucune des critiques que j’ai lues n’a relevé les cinq premières minutes de ce film, cette limpide scène d’ouverture. Deux délinquants à moto se filment avec un téléphone portable en train de tirer sur une mère qui promène une poussette. Plus tard, l’intrigue ne progresse que parce qu’un autre criminel a filmé un autre crime de la même façon. Un vieux lieutenant d’une misérable maffia locale en fait d’ailleurs le reproche à une de ces jeunes recrues. Le réalisateur ne fait là, par ces « détails » que relever ce qui distingue radicalement la criminalité d’autrefois de celle qui s’installe. Et donc de l’unique repère de ces jeunes (et de tout le monde). Point, justement, de social, d’économique, de déterminisme, de rousseauisme dégénéré. Il n’y a d’ailleurs, malgré le périple sanglant d’Harry Brown, aucunement l’idée qu’il n’apporte par l’autodéfense une quelconque solution pérenne. La paix est installée, mais on s’en doute, provisoirement. D’ailleurs, vers la fin, la conférence de presse, mensongère, rassurante, morale, tout en Bien solutionnant, s’entend alors que la caméra s’attarde sur des plans larges de la cité. Le discours onirique recouvre là encore le réel. Tout peut recommencer.
Une autre scène met la puce à l’oreille : le dealer qui se filme en train de baiser une junky, et ne semble trouver de la satisfaction qu’à se repasser les images sur sa télé. Il est loin, on le sait, d’être le seul à s’adonner à ce genre de pratique. La destruction de la distinction-dans tous les domaines- des hommes et des femmes ayant été opéré, leur coït ne produit plus le moindre plaisir, seul réside, comme preuve que quelque chose a eu lieu, l’image filmée puis projetée. le seul repère. C’est vrai puisque ça passe à la télé. La jouissance, la seule qui reste, est de faire passer sur un écran ce qui ne passe pas à la télé du Bien. Un événement immoral réel filmé. C’est le seul tabou encore valide. Alors on va créer du mal dans le seul but de le filmer et de le regarder via l’écran. La violence dite gratuite n’a pour but que ce viol de l’écran-discours du Bien.(3)
D’ailleurs, lorsque la télé lâche par mégarde un peu de ce réel entaché de mal, on s’en offusque. De la diffusion, pas du mal. Comme on a pu le voir cette semaine avec cette séquence la guerre en Irak dans un JT, dans laquelle un sergent de l’armée américaine perd ses jambes en sautant sur une mine. Courriers de téléspectateurs : il ne faut pas diffuser ça. La guerre, on est contre. Mais pas parce que c’est mal, parce que c’est réel et que ça peut être diffusé.
Je ne cherche nullement ici à excuser les petits caïds. Pour moi ce sont des merdes. Seulement voilà, la solution aux problèmes, si solution il y a, ne peut être entièrement contenue dans l’autodéfense, l’arrêt de l’immigration, la critique de l’Islam, la justice efficace ou la relance économique. C’est que les causes de ces maux sont à chercher de l’autre côté. Du côté de ce qu’est devenu le Bien. Ce Bien là est un nihilisme. Les critiques cinéma de gauche (pléonasme) peuvent bien réclamer du social, faire comme si tout le discours n’était pas déjà entièrement et totalement social, maternant, engagé, massifié, tolérant et maboul, ils sont l’incarnation de cet onirisme du Bien, ils sont la cause et la garantie, eux et leurs clones, de la perpétuation de ces crapules, leurs cousins en nihilisme.
Ils ne s’y sont pas trompés en voyant dans Harry Brown leur pire cauchemar.
(1) tout ceci est bien évidemment compris dans les thèses de Muray et de Baudrillard, dont les mauvais lecteurs refusent de faire le lien entre Paris-Plage (la déréalisation consentie comme victoire du Bien onirique) et les tournantes. Filmées, les tournantes.
(2) que ceux qui voient dans ce texte une volonté de faire de la télé une bonne télé me relisent : c’est exactement le contraire; de toute façon, la télé est déjà en train de crever d’elle-même, c’est bien, mais ça traine
(3) Les victimes, ainsi, aux yeux de leurs bourreaux, ne sont que des seconds rôles, voire des pitch, comme on dit, des opportunités de scènes, et plus elles sont effectivement faibles, ou déclarées telles par le discours du Bien, plus elles sont recherchées. Les racailles de chez nous déclarant d’ailleurs clairement qu’ils lynchent quelqu’un parce que « c’était une victime ».
NB : on complètera le visionnage d’Harry Brown par celui d’ « A very british gangster », sur le pathétique Dominic Noonan et ses mignons, dont le rêve n’est pas d’être un criminel, mais un criminel filmé, exactement comme cet autre braqueur franco-arabe qui a pondu un livre, et dont le rêve lamentable, par delà ses saccages, n’était que de rencontrer son mentor : Michael Mann, ou quand le réel recherche là encore l’adoubement par la fiction, une espèce de recherche en paternité virtuelle, autre signe des temps, tout autant symbolique…
Très intéressant ce faux-Bien créé ou plutôt relayé par l’écran, les médias.Cette illusion universelle du Bien qui aveugle tout le monde et qui explique mieux pourquoi tout le monde, à commencer par nos institutions ne luttent pas ou pire, sont complices de ces dérives ultra violentes. La perplexité de la jeune policière, tout le long du film est de ce point de vue éclairante : elle ne comprend pas ce qui se passe, la réaction d’un Harry Brown et la réaction de ses supérieurs. Elle cherche à sortir de ce discours unique sans y parvenir complètement.Elle veut croire qu’il y a des individus bons et d’autres mauvais mais tout le discours ambiant lui fait penser le contraire, à savoir qu’il n’y a que des victimes et pas d’individus mauvais et responsables de leurs actes.
Le retour du mal via les écrans (scènes de viols ou d’agressions ou de meurtres filmés par les criminels dans le film HB ou bien scène de la guerre réelle avec l’explosion d’un officier américain sur une mine au JT de TF1) crève alors la bulle d’illusion et nous fait retomber dans une réalité.
J’aimerais maintenant savoir comment on peut casser cette bulle onirique, ce faux-Bien, sans passer nécessairement par la création du mal filmé.
On peut crever ce faux-Bien, celle bulle onirique qui nous dévore tous, en brandissant la Croix. Ce Dieu sacrifié par Amour est pour tous les convertis les plus sincères et brûlants à ce faux-Bien, une plaie horrible, une boursouflure et la pire qui puisse être en raison de sa nature. La Passion du Christ est terrible, elle sépare le Bien du Mal, les Bons des Méchants, d’un grand coup d’épée. Ce n’est pas un hasard que le christianisme soit déjà la religion la plus persécutée sous l’emprise de ce faux-Bien, et ce n’est qu’un début, il est inévitable que les choses n’empirent à cet égard et tous les progressismes qui subsistent encore dans l’Eglise n’y changeront rien, n’adouciront en rien, cet acharnement à venir que bien peu là aussi comprendront.
Le plus grand drame dans tout cela est l’effondrement de la Raison. La policière qui a encore du bon sens mais n’est plus en mesure de comprendre ce qui se passe. Nous ne sommes déjà plus très loin du point où il deviendra impossible de raisonner sur le sujet. Par exemple la « réacosphère » est un des lieux où l’on peut encore voir d’un point « non contaminé » l’avancée de la bulle du faux-Bien. Mais ce lieu se rétrécit, il devient accessible et compréhensible à de moins en moins de personnes, et un jour une quelconque milice de ce faux-Bien viendra crever ce qui restera de la réacosphère parce que ce lieu est devenu une insupportable anomalie.
Je vois un lien évident et parallèle de tout ceci avec l’islam. Cette bulle du faux-Bien en réalité, c’est l’islam, ce lieu totalisant d’où la Raison est absente. Ce sont une et même chose. Tout est lié.
« Mais ce lieu se rétrécit, il devient accessible et compréhensible à de moins en moins de personnes, et un jour une quelconque milice de ce faux-Bien viendra crever ce qui restera de la réacosphère parce que ce lieu est devenu une insupportable anomalie. »
Je pense plutôt que le risque qu’encourt la réacosphère est de s’auto-détruire en adoptant la dialectique du Faux-bien, en cédant à la tentation de le contrecarrer selon ses propres termes (en ce point sensible où Soral et Finkielkraut se rejoignent). Justement parce que cet onirisme du Bien ne peut répondre qu’à ce qu’il conçoit dans sa totalité, l’erreur de la réacosphère est de s’intégrer dans cette totalité en nourrissant l’espoir futile de produire de l’effet. En acceptant de parler son langage, elle se laisse contaminer par son point de vue.
Ca n’existe plus vraiment, la réacosphère. Quelques blogs qui en faisaient partie continuent, mais ce sont plutot des ex de la réacosphère.
…. et c’est justement ce qui permet de ne pas tomber dans le risque décrit par rudolf hoak : seules quelques individualités peuvent contrer le nombre.
(Le lien pour le documentaire sur « A very british gangster « ,dernière note du Sorpasso : http://www.fdesouche.com/176810-a-very-british-gangster)
Avant celà , pouvoir dire « nous les civilisés , eux les barbares » serait déjà un grand pas en avant .
Les journalistes, le plus souvent de gauche, ne peuvent accepter que la société qu’ils ont contribué à créer, en votant mais aussi en relayant « l’information », puisse faire émerger une telle violence, gratuite et inutile.
La gauche, en général, et la droite étatique n’arrive pas à comprendre que ces sauvages sont leurs création.
Il est pathétique de voir que l’extrême gauche et l’extrême droite, si elles ont plus ou moins compris ce qui se passe, sont également incapables de proposer des solutions qui ne soient pas noyées dans leurs idéologies respectives.
Autodéfense est elle une solution ? à très court terme peut être….
Shit ! Le lien de « Harry Brown » – Part 01 a été supprimé ! Vous avez un plan B ? 😀
ça fait deux jours que je les tanne ces pignoufs d’ilys mais ils n’en rament pas une… Au lieu d’aller vanter le bouquin de Soral sur Amazone, vous feriez mieux de faire quelque chose pour Harry!
^^
(c’était la minute « underground » pour le blog d’élite)
Torrent : http://thepiratebay.org/torrent/5399609/Harry_Brown%5B2009%5DDvDrip%5BEng%5D-FXG
Il y a des sous-titres anglais inclus.
Je l’ai regardé hier, et une des premières choses auxquelles j’ai pensé fut « Quel français aurait les couilles de faire un film pareil ? et qui subventionnerait ça en France ? Personne. »
Ce film est un réel chef d’oeuvre. Sans revenir sur le fond car l’article de Sorpasso est excellent, j’ai également été frappé par la qualité de la forme. Mise en scène, cadre, lumière, montage, on voit de suite que le film ne joue pas dans la même catégorie que toutes les productions françaises bisounours. D’ailleurs, ce style, ce rythme entre poésie et ultraviolence nihiliste me semblent très proches des meilleurs Kitano. En tout cas, le parallèle formel avec les films étendards du « tout-beau-tout-bien » me fait penser à un texte de XP qui disait il me semble que le génie artistique était très souvent du côté de la droite. Je ne veux pas réduire ce film à un discours de droite, car le cinéma n’a heureusement pas vocation à transmettre un discours politique et social, mais il me semble qu’il est un bon exemple de ce gouffre des sensibilités artistiques avec les bisounours.
Thanx… mais le torrent ne fonctionne pas après être resté de longues heures in Ze Machine. No sharing !
Anyway… thanx again !
Bizarre, il y a près de 200 seeders, et je l’ai dl en 5 min hier avec ce lien. Sûrement un problème d’ouverture de port pour le logiciel de torrents que vous utilisez, ou quelque chose dans le genre.
Enfin ce n’est pas trop grave comme je vois en dessous que vous l’avez pris en français au final ! Je n’aime pas la VF la plupart du temps, mais alors en plus pour un acteur tel que Caine, qui a une voix extraordinaire, c’est un peu dommage 🙂
Je ne sais pas, toutes ces conneries me dépassent… et de loin. J’utilise BIts on Wheels et là ça fonctionne pas. La procédure se lance… mais c’est comme si il n’y avait aucun partage de fichier. Et puis j’ai deux mains gauches et deux pieds droits en informatique… et de toute façon je survivrai. 😉
Du coup, la version française, au bout de quelques minutes se bloque et le chargement n’avance plus. Et comme je suis pas du genre à insister… J’y survivrai aussi. Tout cela n’a qu’une importance secondaire…
Ah ! A l’instant ma grande fille me dit qu’elle a lancé l’affaire de son côté. C’est une dealeuse experte en téléchargements divers, ma grande fille, nous allons voir…
VF pour ceux qui préfèrent:Harry Brown.
Merci… me suis rabattu sur la version française. Qui vivra verra. Merci à nouveau.
Je n’ai pas vu le film donc je me ferai ma critique plus tard mais voilà ce que j’ai pu lire:
Petit florilège de critiques presse trouvé sur Allociné
http://www.allocine.fr/film/revuedepresse_gen_cfilm=139050.html#pressreview19946341
Le Monde
Jean-François Rauger
L’émotivité de son personnage coïncide d’ailleurs avec une sorte d’emphase formelle qui décrédibilise toutes les situations filmées. Ce contre-emploi signe l’échec de ce « Harry Brown », épaisse fiction sécuritaire, jamais à court d’une outrance (…).
L’Humanité
Vincent Ostria
L’alibi du réalisme – décor sordide à souhait, filmage chaotique (et images au téléphone portable) – ne tient pas. Si l’on y regarde de plus près, chaque élément de ce pseudo-polar social est complètement factice.
Libération
Bayon
(…) Kenloacherie socio-thriller où l’antijeunisme primaire remplacerait l’anticapitalisme rouge.
Interview vidéo de Barber par des connards :
http://cinema.fluctuat.net/daniel-barber/interviews/12025-Entretien-avec-Daniel-Barber.html
Une autre
http://www.cinefuzz.fr/?p=3303
Une autre, écrite
http://toutelaculture.com/2011/01/interview-de-daniel-barber-cineaste-dharry-brown-avec-michael-caine/
« Le casting pour sélectionner les jeunes a été long et difficile. Avec mon directeur de casting nous avons au départ pris beaucoup de jeunes. Je cherchais vraiment des gars avec des vraies personnalités et proches du vécu des garçons dans le film. Au fur et mesure nous avons réussi à en garder quinze , tous doués d’une forte personnalité et pour certains d’un lourd passé. L’un des jeunes Jamy se prostituait à Londres juste avant de tourner le film. Je l’ai tiré de là et pris pour qu’il tourne ce film. Il avait le rôle en lui. Et pour moi , le choix des acteurs était vraiment important, je voulais à tout prix avoir cette authenticité. Ne jamais trahir leur vie pour en faire un simple film de fiction.
Cette expérience de tournage a été pour moi d’ailleurs extrêmement intéressante. J’avais parfois l’impression de faire un film et un documentaire. J’avais le script mais je passais plus de temps à les écouter et à les observer. Lors de la scène de la garde à vue, je les ai laissé faire. Ils avaient déjà tous eu auparavant des démêlés avec la Police. Je n’avais aucune raison de les diriger. Et je pense que le plus drôle a été leur relation avec Michael Caine. Elle montre cette contradiction ou cette émulation qui s’était soudain installée entre la réalité et le cinéma. Aucun des jeunes n’a reconnu Michael Caine et ils lui ont tout le long du tournage porté peu d’attention. Mais je pense que finalement c’était mieux pour le film et puis cela a donné lieu à une expérience vraiment intéressante. »
La « meilleure » critique est à mon vis celle de Rue 89, qui avoue :
1-ça ce passe en effet comme ça en Angleterre
2-Chez nous aussi -sic
3-sauf que chez eux c’est des blancs, chez nous des afro-maghrébins (re-sic)
4-et donc, ce n’est pas ethnico-racial, mais social
Ils ne peuvent dire des vérités qu’à condition que ça aboutisse sur un mensonge.