Lettre au dénommé « Alexandre Petit »

Eh voilà tout notre malheur ! Ca se prétend fasciste, ça prétend ne pas aimer la démocratie, aimer les têtes bien faites et bien pleines, et mis au pied du mur, à peine le premier coup de knout venu, ça se met à chougnasser.

Savez-vous au moins que je suis contributrice à Ilys et que vous me devez un respect supplémentaire dû à mon rang, comme aux autres ? – Làs, cela ne serait pas la première fois qu’on ne respecte pas les lois Bidoliennes lorsqu’elles tournent à mon avantage. Avec moi, parce que je suis gentille (au fond), l’on se permet tout.

Est-ce à dire qu’il n’y a que la méchanceté qui prévale vraiment en terre de fascisme ? Je croyais, moi, que l’absence de démocratie devait permettre aux meilleurs de se librement distinguer, et non pas seulement à la rouerie et la méchanceté d’encore et toujours prévaloir. Pour cela, seulement, il faudrait des hommes capables d’admiration véritable, et non pas une clique de médiocres accrochés comme des patelles à leurs petits privilèges, servis par des chiots courtisans incapables de faire leurs éloges ailleurs que là où on leur dit.

C’est à cause de gens comme vous, de gens qui ne savent pas apprendre à se taire au bon moment, manger leurs erreurs, ruminer leur honte, éventuellement se faire hara-kiri quand ils sont allés trop loin, c’est cause d’un peuple sans honneur qui déteste la force naturelle et le talent, qu’on en est réduit à accepter la morale de Churchill :

« La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres. »

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Les musulmans, les sauvages, cette marée noire de mentalités d’esclaves qui pollue la vie de nos cités, ne respecte que la force brute, la renommée et l’argent, et crache, ignorant leur prix, sur les pieds menus et fragiles des gentils pierrots lunaires autochtones.

Mais nous, qui sommes de culture chrétienne, qui possédons le meilleur et le plus grand des Dieux, et qui pourtant sommes devenus incapable de la moindre piété, que faisons-nous ? Nous ne brutalisons certes pas spontanément les estropiés ni n’écrasons systématiquement les faibles, mais, Ciel ! A quoi cela avance-t-il à présent que nous étêtons par réflexe tout ceux qui dépassent les autres en grandeur et en beauté ? Il y a une haine chez l’Occidental moderne, à l’égard de tout ce qui brille, qui égale en misère philosophique la haine du Nabab saoudien juste sorti de l’âge de pierre, pour tout ce qui ne brille pas.

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Croyez-vous qu’il est doux pour quelqu’un comme moi, qui suis fière et acharnée, d’admettre que les hommes qui m’ont appris, à force de brimades, à baisser la tête en signe de soumission lorsque je savais que j’avais tort, d’admettre que ces hommes-là, quelque effort de bonté ou de cruauté, l’une comme l’autre purement rhétoriques, que je fasse pour leur montrer leurs erreurs lorsqu’elles se présentent à mes yeux, je ne provoquerai jamais chez eux un dixième du doute philosophique qu’ils exigent de moi, et un centième de celui dans lequel ils m’ont effectivement plongée naguère ?

Savez-vous qu’en tant que jeune femme j’ai été amenée à pardonner chez autrui des vices que je n’avais jusqu’alors jamais eus ? Savez-vous que j’aurais pu continuer à ne les avoir pas, si j’avais tenu à me montrer impitoyable ; mais que j’y ai renoncé, jugeant la sainteté (qui accorde toujours son pardon sans jamais demander merci) par trop cruelle envers le simple pêcheur ? Savez vous que j’ai dû pardonner des offenses au simple motif qu’elles était la conséquences de causes que j’avais eues autrefois chéries, et que donc ses vices que mon agresseur me présentait comme le fruit de mon propre désir, j’ai finalement accepté de les considérer comme tels ? Non, les hommes de ma culture et de ma génération ne peuvent seulement concevoir qu’une telle sagesse, – même forcée par une condition servile – , soit seulement humainement accessible ! – non parce que les femmes comme moi sont surhumaines, mais parce que les hommes comme eux ne valent plus rien du tout.

Une telle capacité à mourir à soi-même au bénéfice du Doute cartésien et pour la joie d’obéir à la volonté d’un maître, dépasse foncièrement mes contemporains mâles qui ne sont que des pourceaux. Dans le temps, avant de claquer du bec et de se frapper sur la poitrine, même les hommes faisaient leurs classes : dans la Grèce ancienne les jeunes hommes étaient pour ainsi dire traités comme des femmes. Peut-être cela leur était d’un plus grand enseignement qu’on ne croit.