Souvenez-vous, dans le Larousse de notre enfance. Il y avait une pleine page de décorations. L’Éléphant blanc, le Grand Condor de Colombie (Jacques Chirac l’a eu, sans jeu de mots), le distingué et rare ordre japonais du Chrysanthème ou encore le mérite agricole qui écherra bien un jour à Fadela Amara, laquelle, en attendant le poireau, vient d’avoir la légion d’honneur (bien d’honneur, avec deux n).
Mais il y a plusieurs légions d’honneur. Au sommet de la hiérarchie, juste après le Mamamouchi étincelant Grand-Maître qui est le président de la république, existe une dignité particulière, bien au dessus des simples chevaliers : celle de grand-croix.
M. Ladreit de Lacharrière (ENA, promotion Robespierre, ça ne s’invente pas ; il démissionna de la fonction publique dès sa sortie de l’école pour devenir banquier chez Indosuez) vient précisément d’être décoré de cette dignité. Passons sur le côté ridicule de ces rubans et autres machins qui ne sont guère respectables qu’à titre militaire, et encore : pas toujours.
Qu’a donc fait M. Ladreit de Lacharrière pour mériter qu’on lui épinglât ça au derrière ?
Il dirige Fitch. Ou plus exactement, ce qui revient au même, il dirige la société qui détient 60% de Fitch Ratings.
« Fichtre ! » vous récriez-vous alors. Ou, si vous ne vous récriez pas, c’est que vous ne savez pas ce qu’est Fitch. Fitch est une agence de notation. Un peu comme Moody’s ou S&P. Disons que c’est quand même le cran en dessous, mais il reste que si c’est la plus petite, c’est la plus petite des trois grandes maisons, des incontestables, de celles qui notent la confiance financière qu’on peut accorder aux entreprises et aux États. Et dont dépendent donc en partie les taux auxquels ces entreprises et États empruntent.
— Tu veux dire, mon brave Nicolas que le patron de Fitch vient d’être décoré somptueusement d’un hochet à vanités format grand luxe par le président de la République française à laquelle, ô surprise, Fitch accorde sans ciller plusieurs fois par an la meilleure note possible quant à sa dette ?
— Exactement.
— Et personne ne l’a remarqué. Alors qu’il n’est question que de sévérité à l’égard des conflits d’intérêts ?
— Si, dans la presse financière principalement, la seule un peu honnête. Les autres journalistes ont fait semblant de rien, citant le rôle de M. Ladreit de Lacharrière dans divers domaines culturels quand ils ne pouvaient pas simplement regarder ailleurs. Le conflit d’intérêts n’est pas plus un délit quand la vanité y tient le rôle principal que quand c’est l’intérêt pécuniaire.
Mais il y a peut-être autre chose. Je ne sais si vous avez déjà croisé un grand-croix de la légion d’honneur. Ça m’est arrivé, j’ai croisé Pierre Clostermann plusieurs fois, à la faveur de rencontres avec des amis communs un peu âgés. Il était grand-croix, et lui l’avait un peu mérité je crois, disons en tout cas sans doute un peu plus que l’autre bankster de Lacharrière.
Sur la fin de sa vie il arrivait à Pierre Clostermann d’être très critique vis-à-vis de la politique française d’immigration. Et comme il ne semblait pas dans son caractère de le dire à mi-voix ou seulement en privé, il lui arrivait de le formuler en public. Dans le feu de la déclaration, ses mots dépassaient parfois les bornes qui sont à observer depuis que les lois Pleven-Gayssot-Fabius-Lellouche ont supprimé en France la liberté d’expression sur ce sujet. Au point qu’une fois, l’un de ses amis s’alarma de sa témérité. D’abord je crois que Pierre Clostermann s’en foutait, il était vieux et n’avait plus rien à prouver à personne depuis longtemps. Mais il mentionna malicieusement l’existence d’une disposition légale dont je n’ai jamais eu la curiosité de demander à des professionnels si elle est vraie ou toujours d’actualité, cependant je ne pense pas qu’il l’avait inventée : un grand-croix de la légion d’honneur ne peut pas être arrêté par de simples policiers ou gendarmes, il faut qu’il le soit par deux officiers de rang égal au sien. Ç’eût été en soi amusant de faire appréhender Pierre Clostermann, compagnon de la Libération, pour qu’il répondît devant un jugeaillon du délit d’incitation à la truc raciale. Mais le faire arrêter par l’abbé Pierre accompagné de Lech Walesa par exemple, cela eût confiné au grandiose.
M. de Lacharrière aura-t-il pensé, même fugacement, à cet avantage peu connu ? Je donnerais cher pour le savoir.
Jouissif !
Hélas…
Surement mon côté midinette mais j’aime les ordres de chevalerie et la part du bling qui s’en accompagne ; bien sur je déplore l’usage pitoyable qui en est fait (et ce presque depuis toujours) mais j’y reste attaché.
Après c’est sur que la Légion d’honneur c’est un peu moins glam que The Most Noble Order of the Garter…
Mais avouez que rien que pour ce genre de petits privilèges, la chose conserve son intérêt y compris quand elle dévoyée par la vermine.
Vous voulez dire que vous seriez honoré d’avoir le même pin’s qu’Enrico Macias ? ^^
Il va de soi qu’une Légion d’honneur (peu importe le rang) remise par l’actuelle République n’a guère plus de valeur qu’un autocollant au fond d’un paquet de choco…là n’est pas la question.
Je n’ai pas de respect pour l’ordre en soi…mais pour le principe ; y compris la partie bling et petits rubans qui semble vous exaspérer.
Ca doit mon petit fond royaliste ^^
« n’a guère plus de valeur qu’un autocollant au fond d’un paquet de choco »
c’est bien pire que ça, pour 99% de ceux qui l’arborent, la fatuité incarnée ajoutée à toutes les bassesses et servilités qu’on est en droit d’imaginer
La République peut se démener comme elle veut, toute les dignités,tous les décorations dont elle s’affuble finissent immanquablement dans le ruisseau.La Légion d’honneur a pu faire illusion un temps, elle n’est plus arborée que par la canaille.
Qu’on compare avec les hommes qui ont reçu la croix de Saint Louis, c’est quand même une autre race…
Certes , certes . C’est toujours intéressant cette habitude de la république de se débarasser de ce que la Royauté avait de plus Noble , et de garder les babioles , les institutions moisies , de se les approprier . La culture en temps qu’institution de gauche , la
C’est vrai qu’entre chevalerie civilisatrice et république bananière, il y a tout un monde.
Chaque fois que j’entends ou que je vois Pierre Clostermann, je pleure.
Je pleure sur le Monde.
Merci de mettre en lumière L de L , un personnage révélateur
du fonctionnement de notre belle République.
Quand il créa sa holding pour 20000 francs d’apport personnel les
banques d’Etat mirent au pot plusieurs centaines de millions .
Quant à Clostermann , c’est un des rares héros français.
Mais bon la WWII n’est qu’un détail de la Shoah.