La dernière maîtresse du Führer

J’étais encore pigiste à Valeurs Actuelles, en 2004, quand le patron Olivier Dassault m’a commandé d’aller interviewer chez elle Josepha Dumond, la dernière maîtresse encore en vie d’Adolph Hitler, laquelle s’appelait en réalité Josepha Dumensfald, comme l’ont définitivement prouvés les extraits d’états-civils de 1916 retrouvés à Prague par des Mormons.
 
Pour faire court, Adolph Hitler était un socialiste allemand (1933-1945) qui n’aimait pas les Juifs et qui a déclenché pour le coup le plus grand carnage de tous les temps, Olivier Dassault est l’héritier d’une dynastie industrielle franco-juive qui fabrique des avions de chasse et les vend dans le monde entier, quant à Valeurs Actuelles, c’est un journal de droite acheté toute les semaines par la classe supérieure française, qui perd de l’argent tous les ans mais qui sert de danseuse à notre famille d’ industriels juifs dont les membres fondateurs sont des rescapés des camps de concentration d’Adolph Hitler…. Même dans ses plus grands délires, le plus doué des coloristes parnassiens n’a jamais vu passer dans son crâne une toile de fond de cette envergure.

Josepha Dumond habitait Avenue Montaigne, à Paris. La première chose qui frappe l’esprit, quand on sort de l’ascenseur et que l’on est un tant soit peu doué du sens de l’observation, c’est que le judas de sa porte est placé à 70 centimètres du sol, juste au dessous de la poignée….. Après que j’ai sonné, elle s’est ouverte toute seule, j’ai pénétré dans l’appartement,  elle s’est aussitôt refermée dans mon dos, et la lumière s’est éteinte…. Avancez, jeune homme, m’a ordonné une voix nasillarde dans un hygiaphone…. J’ai tâtonné, je suis arrivé au salon,et là, une dizaine de lilliputiennes septuagénaires  se sont mise à me fouiller les poches avant de m’intimer l’ordre de m’assoir sur une bergère miniature dans laquelle j’ai tout juste réussi à enfiler mon cul…. Je vous jure que ça fout la trouille. Ces vieilles faisaient  toutes aux encablures de 0,90 centimètres, elles avaient l’air méchantes et elles s’affairaient autour de leur patronne, Josepha, laquelle était allongée sur un tout petit sofa…. Elle avait une espèce de micro accroché au cou qui lui donnait une voix de robot, et c’est elle qui m’avait donné les ordres, à l’entrée… On lui avait en plus arraché les cordes vocales, au monstre… La cigarette.

En 1863, dans un village de Bohème, dans l’actuelle Tchéquie, Pavel Dimensfal était né avec une taille presque normale, il a même grandi comme les autres jusqu’à trois ans passés, mais il s’est hélas arrêté là… Le Rabbin du coin a suggéré aux parents que c’était une honte, tout de même, qu’il fallait faire quelque chose, et c’est ainsi qu’ils ont eu l’idée d’en faire un nain de cirque et qu’il joue des spectacles sur la vie de Moïse…. Les débuts ont été difficiles, m’a expliqué Josepha, allongée sur son canapé… Il en a fallu, des tournées de galères, avant qu’ils atterrissent à la cour des Habsbourg, qu’ils fassent hurler de rire le premier ministre de l’époque et que la famille soit enfin couverte d’or…. A la cour, Pavel fut présenté par Sissi l’impératrice à une jongleuse Tatare d’1,10 m capturée à l’occasion d’une guerre contre les Turcs, ils se sont mariés à la synagogue, et c’est ainsi qu’est née la plus grande dynastie  lilliputienne de toute l’histoire du spectacle.

En 1933, les tournées Dumensfald sillonnaient toute l’Europe de l’Est, quand Hitler est arrivé au pouvoir…. Méthodiquement, Goering a commencé par les prendre en chasse, l’étau s’est resserré autour d’eux, mais heureusement, le Docteur Mengele s’est pris d’affection pour Josepha… Il était amoureux, ce malade mental, en fait, et c’est bien pour ça que toute la famille a été épargnée….Sans doute voulait-il faire des expériences sur les nains, aussi, comme l’ont souligné les biographes du Docteur, mais il était amoureux… En échange du droit d’aller de théâtre en théâtre et même de sortir du Reich pour se produire au Moulin-Rouge à Paris en vedette américaine du pétomane ou de Joséphine Baker et serrer la main de Léon Blum dans les coulisses, il a fallu qu’elle lui en fasse, des choses, à ce con, dans l’obscurité…. A quelques semaines de la fin de la guerre, il a même exigé qu’avec ses huit frères et sœurs et ses trente-quatre neveux, elle se rende au nid d’Aigle, chez le Fuhrer en personne, pour qu’ils jouent devant lui Bambi,  la pièce qu’ils présentaient alors à travers tous les territoires conquis…. 

Je ne saurais jamais ce qui s’est exactement passé entre elle et Hitler… Elle allait me le dire quand une sirène s’est mise à faire un boucan du diable et qu’un géant blond a surgi pour me dire que l’entretien était terminé….. Il m’a dit que Patrick Poivre d’Arvor était déjà dans le couloir, pour TF1, et que je pouvais m’estimer heureux de ne pas m’être fait bander les yeux, comme lui. 

Dans les jours qui ont suivi, à Valeurs Actuelles, j’ai croisé le boss, Olivier Dassault… Alors, votre article, qu’il m’a demandé d’un air rigolard.

Sources

8 réflexions sur « La dernière maîtresse du Führer »

  1. Lödni

    @ PDLL : « Naine et Juive , son centre de gravité doit être assez en avant »…

    … Excellent. On songe aussi à Toulouse-Lautrec (surnommé « La théière » par ces dames de petite vertu), mais là le surpoids était tout de même situé plus bas, donc moins déstabilisant.

    @ Crevette : « ce que XP fricote comme lecteur avec certains livres lus »…

    … Vu le résultat, la réponse est claire : il les fume.

    @ XP : « fabrique des avions de chasse et les vend dans le monde entier »…

    … Dans le monde entier ? Si seulement^^

    (bon, disons que c’était une coquille et que vous vouliez dire « fabrique des jets privés et les vend dans le monde entier », et là vous auriez eu raison)

    1. XP Auteur de l’article

       » ce que XP fricote comme lecteur avec certains livres lus »…

      … Vu le résultat, la réponse est claire : il les fume

      C’est exactement ça. Je les fume. Vous avez deviné aux lignes le tremblement de main de l’impressionniste^^

      Je rappelle au passage que cette histoire est au trois quart vrai. Et que ce qu’il s’y trouve de plus hallucinant, c’est ce que que je me suis contenté de recencer. Des clowns juifs et nains protégés par Mengele au moment de la shoah…

      Ce qui est fascinant, c’est la rencontre entre la mort et le divertissement, entre l’horreur et la bouffonnerie… Sans compter la survie de petits lutains grotesques au milieu des flammes de l’enfer, les aspirants maîtres du monde apparaissent comme des clowns s’ils croisent le chemin de clowns qui leur tendent un miroir (A.Arendt disait qu’Hitler était avant tout un clown) … Bref, si tout ça n’est pas de la poésie, alors je ne sais pas ce que c’est que la poésie.

  2. Lödni

    Le Point.fr – Publié le 20/01/2005 à 15:37
    La fantastique odyssée des nains d’Auschwitz

    Par De notre envoyé spécial en Israël Olivier Weber

    C’est une histoire de sept nains qui se déroule en enfer. Un conte d’horreur où des lilliputiens survivent dans le camp d’Auschwitz. Hommes et femmes de petite taille, ils étaient grands par le coeur. Leur témoignage est une leçon de vie où le principe d’humanité le dispute au désespoir.

    Un matin de 1944, les sept nains juifs Ovitz et leur mère sont pris dans une rafle dans le petit village de Rozavlea, perdu au fin fond de la Roumanie. Rozavlea, c’est un petit paradis pour cette famille de gnomes. Dans la maison paternelle où tout est sur mesure, les Ovitz s’adonnent à leur passion : la musique. Ils interprètent des morceaux traditionnels juifs et donnent l’aubade en cinq langues lors des mariages, des fêtes et des naissances. Dans les années 20, le père, Shimshon Eizik, est déjà connu dans toute la contrée pour ses talents de virtuose. Il ne dépasse pas 1 mètre mais représente une figure haute en couleur. Ce maître de cérémonie se révèle hautement spirituel, avec sa verve passionnée qui émeut aux larmes les invités des mariages puis les plonge dans le rire quelques instants plus tard. Déroutant bouffon dont les enfants ne le sont pas moins. Sur dix d’entre eux, sept ont hérité de son nanisme. A sa mort, en 1923, les sept nains prennent le relais et fondent leur propre troupe de vaudeville. Bien vite, ils ont le monde des grands à leurs genoux. C’est un succès inouï qui dépasse les frontières. Dans les années 30, la troupe lilliputienne se produit jusqu’en Hongrie et en Tchécoslovaquie. En tenue d’apparat, veste et noeud papillon pour les hommes, robes bouffantes couvertes de rubans et de dentelles pour les femmes, les sept frères et soeurs, de Rozika à Perla, d’Avram à Elizabeth, servent dans l’esprit de Dieu et entonnent des chansons à succès telles que « J’ai perdu mon coeur à Hawaii ». Guitare rose à quatre cordes, violons, violoncelle réduit de moitié, orgue aux pieds raccourcis : leurs instruments de musique sont minuscules mais leur renommée ne l’est pas.

    Quand éclate la guerre en 1939, le village de Rozavlea se replie sur lui-même. La troupe lilliputienne est coupée du monde mais continue ses tournées dans les parages. Les Ovitz, eux, continuent d’espérer, jusqu’au 15 avril 1944. Ce jour-là, des nazis hongrois crient des slogans dans la rue. Les juifs sont sommés de rejoindre sur-le-champ la synagogue. Alors, la mort dans l’âme, la fratrie des musiciens et comédiens quitte illico la petite maison, emporte quelques instruments et est déportée à Auschwitz.

    « Quand on a débarqué à Auschwitz, on ne savait même pas que des juifs y étaient exterminés. On a cru à un camp de travail » , dit Mordechaï Slomowitz, l’ami de la famille, qui avait alors 19 ans, montrant son bras tatoué du matricule A 1439.

    Enfants et parents sont triés comme du bétail. Mais les sept nains s’accrochent à leur mère. Et celle de Joseph et Mordechaï Slomowitz parvient à les garder près d’elle. Tandis que les familles se séparent dans les cris et les pleurs, Perla Ovitz aperçoit deux grandes cheminées et demande à un homme à la tenue rayée : « C’est quoi, ce feu là-bas ? – Tu ne sais pas où tu es ? Ce n’est pas une boulangerie, c’est Auschwitz, Kever Israël, le Tombeau d’Israël, et toi aussi tu finiras bientôt dans le four ! »

    Pétrifiés, les nains attendent sur les quais. C’est alors que surgit un officier de 33 ans aux gestes gracieux, Josef Mengele. Terrible entrée en scène qui signifie aussi la vie sauve pour les nains. Mengele, c’est le généticien des camps, l’expérimentateur qui cherche ses proies dans les files d’attente de la solution finale. Volontaire SS, il est fasciné par l’étude des races et se spécialise dans l’étude des malformations : becs-de-lièvre, bossus, hydrocéphales. Quand il aperçoit les sept nains, il les fait embarquer sur-le-champ, avec les Slomowitz, pour se les approprier. « Notre mère a réussi à le convaincre que nous étions de la même famille parce que le nanisme n’est pas héréditaire » , dit Mordechaï Slomowitz. Pour Mengele, qui veut percer les mystères de l’hérédité, cette prise est de choix. Le chasseur de monstres a enrichi d’un coup son cirque humain.

    Un rapport étrange avec Mengele

    Dans le décor du camp de la mort va se jouer une histoire incroyable où le sordide se mélange à l’espoir. Devant Mengele tout en joie, les Ovitz réalisent que tous lui doivent la vie. Les deux familles sont logées dans des baraquements, traitées avec soin. La tenue rayée leur est épargnée et ils reçoivent vêtements et paillasses sous le regard de SS qui craignent les foudres de Mengele. Celui-ci est un maniaque qui porte des uniformes impeccables et arbore des ongles soignés. Avec les nains, ses cobayes choyés qui parlent l’allemand, point d’injures ni de cris. Mais les lilliputiens apprennent peu à peu qu’avec les autres le « roi de Birkenau » devient hystérique à la moindre contrariété. Eux, les Ovitz, lui donnent du « Votre Excellence » et, à son image, essaient de s’habiller avec élégance, comme pour se prouver que le monde n’est pas à l’agonie.

    Au fil des jours, les nains et leurs compagnons de baraquement découvrent un univers hallucinant dans les laboratoires de Mengele, tout à côté des chambres à gaz. Au bloc 32 du camp tsigane, l’adresse de la clinique de Mengele, des substances toxiques sont injectées aux détenus sélectionnés. Des firmes pharmaceutiques commandent des tests pour leurs produits. De jeunes déportés sont opérés à ventre ouvert sans anesthésie, d’autres castrés. Des membres humains sont expédiés à l’institut Kaiser-Wilhelm, tandis que des yeux sont prélevés sur des familles entières de Tsiganes. « Mengele était vicieux avec tout le monde, sauf avec nous , se souvient Joseph Slomowitz, 13 ans en 1944. Quand un officier a sélectionné 3 000 enfants pour les exterminer, en les tuant d’un coup de marteau sur la tête, Mengele à nouveau nous a sauvés. »

    S’ensuit une étrange relation, une sympathie des victimes pour leur bourreau dont ne se départent pas aujourd’hui les deux frères, comme si un syndrome de Stockholm exacerbé les reliait encore au monstre d’Auschwitz. Malgré les sévices et les prises de sang tous les deux ou trois jours avec une énorme aiguille, malgré les prélèvements de moelle épinière pour l’Institut d’hygiène des SS installé au bloc 10 et toutes les humiliations subies.

    Avec la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, les nains gagnent Israël, pour connaître le goût amer de l’abandon dans de sinistres baraquements à Haïfa. Malgré les souffrances, le souvenir du mal absolu, l’horreur sans nom et le complexe du survivant émergeant d’une légion de fantômes, les sept nains ont recomposé en 1949 leur troupe en Israël. Ils sont morts en terre promise, et Perla Ovitz fut la dernière à s’éteindre, en 2001. C’est ainsi qu’un couple de journalistes israéliens a eu vent bien plus tard de cette incroyable odyssée. Sabras – nés en Israël – de parents d’origine polonaise, Eilat Negev et Yehuda Koren, intrigués par une phrase dans un livre d’histoire, ont remonté la piste et sont parvenus à repérer Perla Ovitz, la seule naine survivante, qui avait coutume de dire, avec une ironie teinté de désespoir : « Mon handicap est le seul moyen que Dieu ait trouvé pour me maintenir en vie. » Leur livre est une minutieuse enquête dans le monde de l’horreur et dans deux familles accrochées à la vie. Un travail rigoureux qui a brisé un tabou en Israël : chaque témoignage, chaque parole ont été vérifiés, « ce qui est nouveau s’agissant de survivants des camps » , dit Yehuda Koren, fasciné par la relation des Ovitz au malheur et au divertissement. Il en résulte une somme troublante, faite de tragédie et de joies, de petits bonheurs dans un enfer indicible. Avant de mourir à Haïfa, à des années-lumière du petit village de Rozavlea, la très coquette Perla Ovitz avait pris soin de préparer son épitaphe : « Ici repose la dernière de la famille des nains qui a souffert chaque jour de sa vie. »

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