Dîner en ville

« T’es prêt, Cherea » criait-elle, à travers tout l’appart’, encore à se faire belle, voulant à tout prix gagner la compétition de la pouliche la mieux sapée, parfumée, maquillée de la soirée. Il y aurait trois autres candidates à ce titre officieux. Quasiment une plombe que j’étais prêt, zappant la télé tout en surfant sur le net, à lire les dernières bilets d’ILYS et toute une autre liasse de sites internet, beaucoup traitaient d’économie et d’internet.

– Ça fait une heure que je suis prêt, je n’attends que toi.

– Et bien va acheter un truc, une bouteille de vin ou de champagne, me répondit-elle.

Sûrement que j’allais leur acheter une bonne bouteille, la dernière fois que j’avais agi de la sorte, ils l’avaient remisé par devers eux, une bouteille que j’avais payée 30 € chez Nicolas. Ils ne l’avaient même pas débouché. J’optais pour des fleurs achetées chez l’arabe du coin, un bouquet sans charme mais certainement pas moche.

Ma régulière fit un peu la tronche à la vue des fleurs que j’avais achetées, et devant mon impassibilité, déposa les armes. Dans l’ascenseur, elle me rappela quelques règles de bienséance…

– Alors, tu ne bois pas trop et puis tu ne parles pas du conflit au Moyen-Orient, ni de politique, ni d’argent et surtout pas de football…Tu as bien compris?? me fit-elle en redressant une dernière fois le col de ma chemise.

– Et je peux parler cul?

– Tu m’as bien compris, tu ne parles d’aucun sujet qui fâche…

– Ok, je ne lancerai pas les hostilités, mais si on me provoque, sache que je relèverai le soufflet…

Elle souffla, renonça à commenter ma dernière répartie puis sonna à la porte.

Pour l’instant tout se passait bien, aucun souci majeur…faut dire que je venais à peine de poser mon manteau et de saluer la maîtresse de maison. J’entrai dans le salon, ils avaient un verre à la main, me servirent du vin que j’acceptai. Nous nous saluâmes. Le maître de maison était pieds nus et me dit que si je le désirai, je pouvais faire de même. Je ne répondis pas à son invitation. Il m’expliqua que son vin était un vin bio qui venait tout droit du Chili et que lui avait conseillé son caviste habituel et qu’il y avait un label écolo. Elle me regarda avec ses gros yeux. Je me mordis les lèvres pour ne pas lui expliquer que c’était débile de faire venir un pinard de l’autre bout du monde pour avoir une étiquette écolo. On me servit un deuxième verre, d’un Bordeaux bien de chez nous cette fois. La discussion tutoyait des sommets de superficialité et de platitude, ce qui ne pouvait que ravir mon adorée. On passa enfin à table.

Je sentais qu’on allait enfin causer de sujets plus sérieux où je pourrais enfin m’exprimer surtout après le troisième verre.

– Non, mais tu sais, j’ai grand espoir qu’Obama réussisse à faire la paix au Proche-Orient, après tout, ce n’est pas pour rien qu’il a obtenu le prix Nobel de la paix, dit invité nº1.

– Oui, c’est sûr, il est temps qu’il mette la pression sur Israël et sur cette armée qui ne respecte aucune des conventions de Genève, rebondit celui qui nous recevait.

Ma chérie me lança un regard suppliant, presque plaintif. Je l’ignorai superbement.

– Tu peux me rappeler ce qu’il y dans la convention de Genève, en quoi ça consiste concrètement parce que moi j’en sais rien. J’entends toujours les conventions de Genève, mais il y a quoi dedans, rebondis-je.

– Ben, tu sais bien, c’est les règles de la guerre, tenta un peu surpris, celui qui nous recevait…

– Ah oui, il y a quoi dedans, tu dois faire la guerre sans armes, tu ne dois pas tuer…les gens.

– Bon écoute, ce que je dis, c’est que Obama va essayer de mettre de l’ordre et contraindre Israël à négocier, fit invité 1.

– Négocier quoi? Faut que tu piges un truc, c’est qu’il n’y pas de négociation possible quand des peuples et des États veulent la disparition d’un autre. Tu ne négocies pas ta propre survie.

– Mais qu’est-ce que tu racontes? fit celui qui nous recevait.

– Que le Hamas, le Hezbollah et cie…veulent tout simplement détruire Israël mais qu’ils ne le peuvent pas car ils n’ont pas les moyens militaires et technologiques alors qu’Israël a les moyens militaires et technologiques de détruire des États ennemis et ne le fait pas. Elle est de quel côté maintenant la raison.

Un long silence ponctua mon monologue. Nous revînmes à des sujets plus consensuels.

– Tu sais que Théo a intégré l’équipe de foot des poussins, fit invité nº1. Il joue en équipe première…

– Bien, répondis-je, et il joue quel poste?

– Il est attaquant, il marque beaucoup de buts et il forme une très belle paire avec Oussama.

– Avec qui? Répondis-je, interloqué.

– Avec Oussama, répéta-t-il, c’est le deuxième attaquant.

– C’est une blague, fis-je?

– Non, pas du tout, dit-il sans comprendre ou je voulais en venir.

– Rassure-moi, dis-je, ton fils, il joue en poussins, il doit avoir 8 ans, donc son copain Oussama, aussi fis-je.

– Tout à fait, et qu’est-ce qui te surprend là-dedans?? demanda-t-il sincèrement étonné par mes questions.

– Rien du tout, à part que des parents appellent leur gamin Oussama…

– Et pourquoi cela?

– Quand je te dis Oussama, qu’est-ce qui te vient tout de suite à l’esprit…

– Ben Laden, fit-il, de but en blanc sans toujours capter de quoi je lui causai…

– Et toi tu trouves ça parfaitement normal que des parents appellent leur gamin Oussama à peine un an après le 11 septembre, que ces gens-là qui vivent en Occident nomme leur môme d’après le chef de celui qui a déclaré la guerre à l’Occident…ou ce sont des gens qui par idéologie partagent le combat de Ben Laden ou bien ils sont complètement cons…

– Tu vas loin, là, c’est juste un prénom.

– Pas dut tout, si tu avais eu un gamin dans les années 50 en France ou en Israël, est-ce qu’il te serait venu à l’idée de l’appeler Adolphe, après tout c’est qu’un prénom aussi….

12 réflexions sur « Dîner en ville »

  1. XP

    Vous plaisentez, Skandal? Moi, j’ai décidé de ne plus jamais me trouver dans ce genre de diner. Parce qu’à terme, vous avez le choix entre avoir chroniquement une conduite asociale (si vous l’ouvrez) et ressentir une profonde déprime (si vous la fermez). Dans les deux cas, vous perdez, ils vous épuisent et vous bouffent, ces cons.

    Ce qu’il faut faire s’est snober, mépriser. Les seigneurs dans leurs chateaux et les manants dans la pleine, appartheid à tous les étages! C’est d’abord ça, être de droite: le mépris et un sentiment de supériorité assumé.

  2. pinuche

    Ça ressemble trop à la soirée rêvée du réac’ de base, votre truc. Deux ou trois bobos faire-valoir qui vous tendent la perche avec des épisodes parfaitement calibrés pour vous permettre de dérouler un contre-argumentaire dans les meilleurs conditions possibles. Vous êtes sûrs que vous l’avez pas rêvé, votre soirée 🙂 !

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