Je fais des efforts pourtant. Je lis avec attention et sans presque soupirer le président de l’Union Syndicale des Magistrats. Je veux y croire. Je veux croire que, contrairement à ce que les policiers ou les gendarmes pensent, ces magistrats ne sabotent pas leur travail pour des raisons idéologiques. Je veux croire qu’il s’agit de droit et seulement de droit.
Mais tel n’est pas le cas.
Et ce n’est pas en agitant grotesquement le dépôt d’une plainte pour outrage à corps constitué qu’ils feront taire quiconque observant leur iniquité.
Qu’on me comprenne bien.
René Galinier, par exemple, a tiré sur ses deux cambrioleuses. Il n’y aucun doute là-dessus. Il a reconnu d’emblée en être l’auteur et n’a jamais cherché à paraître autrement que comme l’auteur des tirs.
Moncif Ghabour, le deuxième braqueur de Grenoble, lui, nie les faits. Il prétend avoir un alibi. Des témoins en sa faveur. Bref. Comprenez que la présomption d’innocence joue donc pour lui aussi bien dans la forme que dans le fond de l’affaire.
Le premier est maintenu en détention provisoire alors qu’il présente toutes les garanties. Le second, braqueur, multirécidiviste, est soumis à un simple contrôle judiciaire malgré plusieurs semaines de cavale.
La détention provisoire ne peut être ordonnée que si elle constitue l’unique moyen :
– de conserver les preuves ou indices matériels nécessaires pour la manifestation de la vérité,
– d’empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes mises en examen et complices
– de protéger la personne mise en examen,
– de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l’infraction ou de prévenir son renouvellement,
– de mettre fin à un trouble exceptionnel ou persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou de l’importance du préjudice causé.
La remise en liberté sous contrôle judiciaire de Moncif Ghabour ne répond à pratiquement aucune de ces demandes. Il y a de grandes chances pour que sa remise en liberté aille de pair avec des pressions sur les témoins (sa simple remise en liberté est déjà, dans le contexte de Grenoble, une véritable source d’inquiétude pour les témoins), une éventuelle seconde cavale, cette fois judiciaire, voire d’un possible renouvellement de l’infraction, car sait-on jamais de la part non pas d’un simple accusé de récidive, mais d’un multirécidiviste avéré…
La détention provisoire serait donc juridiquement amplement justifiée.
Pourtant, Moncif Ghabour n’est pas en prison. Moncif Ghabour est libre.
La raison ? L’agence de presse Reuters croit savoir que cela tient à
une analyse divergente des éléments à charge entre le parquet et le juge des libertés.
Divergence qui peut exister. Mais qui n’a rien à voir avec le sujet d’une détention provisoire. Le juge des libertés n’a pas à examiner au pifomètre le taux d’indice de culpabilité de celui qui lui est présenté pour décider, ou non, d’une détention provisoire. D’autant plus qu’il statue juste après la décision de mise en examen par un juge d’instruction qui, a priori, si les charges contre Moncif Ghabour n’étaient pas sérieuses, se serait justement abstenu de le mettre en examen.
Maintenant, dans les faits, la décision de ne pas maintenir quelqu’un en détention provisoire, est parfois l’expression d’un doute existant sur sa culpabilité. Même si on poursuit la machine judiciaire par manque de courage ou par l’existence de divergences fortes entre magistrats sur un dossier, c’est un signe fort qu’on envoie à une cour lorsque, pour des faits graves, l’accusé comparait libre.
Toutefois la détention provisoire, royaume de l’arbitraire, représente également un moyen pour la magistrature de passer outre le jury populaire. René Galinier est sans doute conservé à l’ombre parce qu’on craint qu’un jury ne se montre trop compréhensif plus tard. Moncif Ghabour conserve peut-être sa liberté parce qu’un magistrat est en désaccord avec la politique pénale menée par le gouvernement et qu’il sait, par ailleurs, que notre braqueur partira bientôt en prison pour de nombreuses années.
Mais il ne s’agit pas d’un simple équilibrage mathématique abscons ou d’une poussée de fièvre gauchiste. Il existe une raison plus profonde qui explique que René Galinier croupisse en prison pendant que Moncif Ghabour s’endort dans son lit.
Et cette raison c’est le trouble à l’ordre public.
On pourrait croire, naïvement, que c’est la détention de René Galinier qui engendre un tel trouble. Et que c’est la remise en liberté de Moncif Ghabour qui déclenche le scandale et le trouble à l’ordre public. Cela est vrai en apparence.
Mais en réalité, l’ordre public est bien plus troublé par l’acte de René Galinier que par celui de Moncif Ghabour.
Le braqueur, même le braqueur qui tire sur la police pour s’échapper, fait partie du paysage de la criminalité française. Il a sa place dans les prétoires, où il est condamné avec constance, comme sa place au chaud dans nos prisons. Il est connu par les services de police. Fiché. Suivi parfois. Ses motivations sont connues et simples, se faire de l’argent, rapidement, facilement.
René Galinier, lui, sort de nulle part. Pas de casier. Pas trop de crédits à la consommation. Membre d’une association. Etc. Le français moyen. L’honnête citoyen qui finit simplement un jour, exaspéré, par sortir sa pétoire pour se défendre.
René Galinier, je le redis, est mille fois plus dangereux pour l’État que Moncif Ghabour.
Parce qu’il y a cent mille fois plus de René Galinier que de Moncif Ghabour. Que ces René Galinier ne doivent jamais avoir l’impression qu’ils peuvent se passer de l’État pour assurer leur défense. Parce que le jour où ils pourront s’en passer, ce jour-là, l’État ne sera plus qu’un oppresseur fiscal. Une association de voleurs.
Alors il faut matraquer René Galinier. Et les magistrats le font avec d’autant plus de célérité qu’ils sont des agents de l’État et parmi les premiers qui seraient touchés si jamais ils laissaient faire. D’où la déclaration, absurde théoriquement, du procureur expliquant dans l’affaire Galinier qu’on ne saurait accepter qu’un homme se fasse justice tout seul. Cette déclaration n’a de sens que si on comprend que le magistrat est un représentant de l’État assurant avant toute chose la pérennité de celui-ci.
Le principe d’une légitime défense très restreinte n’a pas pour objectif de protéger la population de l’arbitraire, de la jungle et des voyous qui peuplent celle-ci. Elle vise à assurer la prééminence de l’État dans le règlement des conflits par l’infantilisation de la population. Elle vise à assurer au chef des voleurs, l’État, ses revenus quotidiens.
Celui-ci s’accommode donc très bien de Moncif Ghabour. Ce sont les Moncif Ghabour qui permettent à l’État de continuer à protéger et, par là, à rançonner sa population. René Galinier, par contre, mérite d’être matraqué judiciairement comme jamais. Malgré les risques politiques.
Car le trouble à l’ordre public, contrairement à ce qu’on dit, ne s’occupe pas de votre trouble, c’est à dire du trouble du public. Le trouble à l’ordre public, c’est en vérité le trouble à l’ordre étatique.
Ne vous fiez pas aux déclarations politiques dans l’affaire Moncif Ghabour. Elles ne sont là que pour conserver l’illusion. Il faut regarder les actes. Et les actes sont éloquents. La justice, qui travaille (magistrats du siège compris même s’ils justifient leur attitude par du gauchisme ou que sais-je encore) gentiment pour que l’État conserve tout pouvoir, relâche un braqueur et maintient en détention provisoire un grand-père.
MAJ
Le juge des libertés et de la détention responsable de cette mascarade, Yann Cattin, se défend dans le JDD. Il se défend en laissant sciemment entendre que le dossier est vide,
J’ai pris ma décision en toute indépendance, au vu des éléments du dossier. Les articles 143-1 et 144 du code de procédure pénale évoquent « des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure ». L’examen de ce dossier contradictoire m’a conduit à estimer que les critères n’étaient pas remplis pour procéder à un placement en détention.
Notre JLD donne ici, sans l’air d’y toucher plus que ça, un autre sens à l’article 144 du CPP… Cela donne le niveau de foutage de gueule auquel la magistrature nous habitue depuis quelques années et notablement depuis Outreau.
On va donner le contexte de la phrase sortie de l’article 144 du CPP par le JLD afin de comprendre,
La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique
Autrement dit, le JLD ne regarde avec attention les éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure que pour décider de l’opportunité de mettre le mis en examen en détention provisoire au regard des points que j’ai cité plus haut dans le post (pression sur les témoins, rester à disposition de la justice, etc.). C’est tout. Qu’il existe un doute, que le dossier soit « tangent », comme l’a dit un autre magistrat grenoblois pour défendre maladroitement son collègue, n’a pas à rentrer en compte pour le JLD. Les éléments circonstanciés et précis qu’il évalue ne sont pas l’épaisseur des charges retenus contre le mis en examen ou le niveau de doute du dossier. Ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas sa mission.
Et c’est heureux pour les justiciables.
Mort aux cons !
Mort aux lois !
Vive l’Anarchie !
« Le principe d’une légitime défense très restreinte n’a pas pour objectif de protéger la population de l’arbitraire, de la jungle et des voyous qui peuplent celle-ci. Elle vise à assurer la prééminence de l’État dans le règlement des conflits par l’infantilisation de la population. Elle vise à assurer au chef des voleurs, l’État, ses revenus quotidiens. »
Très très intéressant.
Je ne suis pas toujours les idées des contributeurs d’Ilys… Du coup, pour une fois que je suis 100% d’accord, je poste un commentaire pour dire bonjour et merci d’écrire ici.
« le magistrat est un représentant de l’État assurant avant toute chose la pérennité de celui-ci »
Rien à ajouter. Il est (humainement) impossible de ne pas être « juge et partie ».
Votre meilleur article depuis longtemps. Clair comme de l’eau de roche, vous avez malheureusement raison.
Lieutenant Blueb : vous n’êtes qu’un bleu de mes deux. Vous n’avez rien compris au truc (c’est vrai que dans ce bordel…) : le récidiviste Monslip Machin est aussi pur que ses vierges promises dans son cul de l’au-delà. Il n’y a rien contre lui, pour l’heure et il a un bon mobile. On le laisse donc en liberté car on sait qu’un de ces jours, il ne va pas s’empêcher de cracher dans (et sur) son mobile (volé ou pas) à droite ou à gauche. De toute façon, il est mort. Galinier, non, pas encore, il a de vrais potes, lui. Rompez.
Parfait. Rien à redire. Nous sommmes tous des René Galinier. Et nous n’avons de pire ennemi que cette République apatride qui nous rançonne et nous oppresse. Marianne, reine des putains, au poteau !
A propos de légitime défense, il n’est pas superflu de rappeler Hobbes (1588-1679) qui nous rappelle aussi que tout a déjà été dit :
« L’obligation des sujets envers le souverain s’entend aussi longtemps, et pas plus, que dure la puissance grâce à laquelle il a la capacité de les protéger. En effet, le droit que, par nature, les humains ont de se protéger eux-mêmes, quand personne d’autre ne peut le faire, ne peut être abandonné par aucune convention.«
Ah, ça fait plaisir comme commentaire. Ce post n’a effectivement jamais été conçu autrement que comme un essai d’application de Hobbes au goût du jour. Avec une tentative de démonstration de ce que cela contient aussi de calcul cynique de l’État dans cette protection qu’on imagine un peu trop souvent, dans notre bel Etat providence, comme bienveillante. Mon vieil ami Chitah sera peut-être d’accord. Sinon, parfois je me dis qu’il y a quelque chose d’anarchiste de droite dans Hobbes.
Ah, Blueberry, comment ça va?
Sur le même sujet, voici le commentaire que j’ai laissé chez h16 :
Si papy René est en prison, c’est parce qu’il concurrence la police. Si ces jeunes sont relachés (ou presque puisque des peines de prison ont été transformées), c’est parce qu’ils donnent du travail à la police.
Les « clients » de la police française (au sens de l’ensemble des gens qui créent l’activité) ce sont ces jeunes de banlieue, pas les simples citoyens.
Voir ici : http://h16free.com/2010/08/19/4040-comparaison-nest-pas-raison
Article linké sur FDS…… pour info…
Pour celles et ceux qui n’auraient rien de prévu le 16 septembre, un jeudi,
Viendez tous gueuler dans la rue à Tours :
http://voxpopuliturone.blogspot.com/2010/09/manifestation-tours-liberez-papy.html
« une poussée de fièvre gauchiste »?
Comme le relate très bien sa fiche sur wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_de_la_magistrature
Le Syndicat de la magistrature fondée en 1968 représente 32,1% des magistrats au terme des élections qui se sont tenues en juin 2010 .
IL n’a pas été avar de déclarations les plus gauchisantes possibles, allant jusqu’à conseiller d’interpèter (détourner) les lois.
Mais votre texte démontre clairement que le but véritable reste, en faite, que l’État conserve tout pouvoir.
Bravo et merci.
Avec le recul un des meilleurs article qui a été publié sur Ilys depuis le début.
Le raisonnement est ORIGINAL, et l’on devrait tous se fixer une règle absolue:ne pas se demander si ce que l’on veut dire est vrai, mais si par hasard ça n’aurait pas été dit au moins une centaine de fois, et le plus souvent en mieux…. Parce qu’une vérité répétée mécaniquement finit toujours par se transformer en mensonge.
l’une des premières mesure prise par Hitler, ça été d’interdire la détention d’armes à domicile.