La guerre des clercs

Le bouffonnerie sarkozyste, celle qui inclut les déclarations sécuritaires venteuses et les saintes vociférations résistantes degauches (serait-ce l’ensemble de cette comédie que l’on nomme sarkozysme ? à défaut d’autre chose, il faut le croire) avait déjà bien animé mon été. Comme d’habitude, des camps se sont dessinés à chaque tirade d’élus, ce qui donne d’emblée une idée de l’enjeu, avec leur cavaleries boiteuses de slogans antivichystes, leurs infanteries manchotes d’indignations fumeuses, leur batteries d’inepties débitées en grosses tranches poisseuses. On n’avait pourtant pas encore tout vu. Voilà que le Pape, s’exprimant à l’intention une délégation de pèlerins français à Castel Gandolfo, parle « d’accueillir les légitimes diversités humaines » et d’élever les enfants dans la « fraternité universelle ».

Quoi de nouveau dans ces déclarations papales ? Absolument rien. Mais voilà qu’au même moment, dans un sursaut de virilité à trois poils, on expulse de France quatre Roms. Ô Saint-Pierre, voilà qu’on entend soudain sonner tes cloches ! Ni une, ni deux, les anodins propos de Benoit XVI deviennent des « exhortations » lancées au gouvernement français à « changer immédiatement de politique ». On titre « Roms : le Pape s’oppose aux expulsions » alors qu’aucuns de ces termes n’a été employé par le souverain pontife. Ce n’est pas grave, on n’est pas à une infaillibilité près, dans la presse, elle savait Dieu avec elle, elle s’offre les voix du Seigneur, traduction maison. Voilà qui est trop beau pour une gauche en phase terminale : balancer à la figure de la droite ses paradoxes moraux ! Dieu ou César ? L’amour du prochain ou la scandaleuse politique d’expulsion du Royaume de France ? Cette même gauche qui rangeait il y a encore cinq minutes, avec une frénésie jamais démentie jusqu’alors, le catholicisme du côté des fléaux, Benoit XVI avec les ex-nazis, trafiquant de pédophiles et ne citait sans une moue dégoutée l’Eglise misogyne, homophobe et intolérante. Cette gauche se trouve donc, non pas un allié de choix, il ne faut pas exagérer, mais un saint diviseur de la droite. Il va enfin servir, le fameux glaive ! Le Vatican revient du même coup, puisqu’il est contre Sarkozy, dans le camp du Bien, pas de manière permanente, bien sûr, mais dans une espèce de purgatoire condescendant doublement provisoire. Rédemption ! La Gauche absout les péchés ! Grosse braderie ! Elle en a le pouvoir ! Et tout le monde y croit, à commencer par ces droitards réformés sans le savoir, à qui trois expulsés, ni plus, ni moins qu’avant-qu’avant qu’on leur à donne à voir et à dire-leur suffisent pour se ranger derrière leur leader maximo- contre l’Eglise (et goûtant du même coup à l’autoérotisme des Lumières à basse consommation)-hier encore suspect d’inaction. Les radotages d’un Eric Besson, répétant à qui veut l’entendre qu’on accueille et qu’on arrête pas d’accueillir comme jamais, preuves à l’appui, n’y font rien dans ce camp-là non plus.

A l’opposé, des catholiques, pas les derniers à gober les gros titres de journaux avant d’écouter les déclarations vaticanes, se révèlent un peu plus musulmans chaque jour, et prennent à la lettre les propos rapportés, trop contents eux aussi de confesser leur amour abstrait du lointain prochain et d’entrer ainsi dans le royaume de ce monde, quitte à rejoindre ainsi ceux qui leurs crachent au visage chaque jour et à se mettre à quatre pattes en direction de Rome avec Le Monde en tapi de prière. L’époque joue à l’Histoire comme les enfants jouent aux petits soldats. Voilà qu’un ministre, de l’agriculture, rappelle que l’Eglise et l’Etat ont été séparés ! Aubaine ! Aubaine ! On ne rêve pas. Tout aujord’hui, absolument tout, est régenté par la masturbation ostentatoire anticatholique qui, bien que faisandée depuis deux siècles, n’en finit pas de séduire les narines de nos politique en mal de vulve révolutionnaire légitimisante. Ce n’est pas tous les jours qu’à droite on peut enfin se laisser aller à jouir contre le retour de l’obscurantisme, vibrer à rappeler les heures les plus glorieuses de la République contre la pieuvre vaticane, relever une demi-molle lorsqu’on emprunte à la gauche un de ses hochets favoris laissé trainé cinq minutes. Quand la « gauche milliardaire » tend la mains aux mitrés repentis, voilà nos fiers destructeurs de camps de Roms dans le camps des résistants à Rome, une occasion pareille, ça ne se laisse pas passer. « L’Église prend des positions qui sont dictées par la morale, par ses propres règles, nous, nous sommes les représentants de l’Etat, nous sommes là, le président de la République, le Premier ministre, l’ensemble des ministres, pour faire respecter la règle de droit sur le territoire » interdit de rire ! Non, jamais, ô grand jamais, l’Etat ne s’est laissé aller à « faire la morale » ou à dicter d’une façon ou d’une autre ce que le citoyen doit penser, dire ou faire. Jamais l’Etat n’a envisagé d’écraser les libertés individuelles devant les impératifs du Bien Public ! Jamais il ne fait appel à une quelconque honte, fierté ou autre délire collectiviste à haute teneur lacrymale. Le Droit, rien que le Droit ! On ne laisse pas aller aux inconséquences de Gauche, à Droite, prière de laisser à César l’apanage des pieds sur terre et à Pompée les Shadoks.

Pour compléter le tableau de cette nef prométhéenne, dans la zone sinistrée des hommes d’Eglise et des femmes de marins, un crétin de prêtre confie prier pour que Sarkozy ait une crise cardiaque. Voilà que Dieu lui-même est invité à prendre parti ! Au cas où on l’aurait oublié celui-là, il n’y pas de raisons qu’il n’entre pas dans la grande farandole ! Pour qui il se prend, à faire tapisserie ? Et ce prêtre de renoncer avec la même ferveur à son Ordre National du Mérite, s’il fallait encore un exemple de l’état de délabrement mental généralisé, pour mesurer à quels niveaux se croisent les servitudes, les croyances et les résistances. Le secrétaire du conseil pontifical pour les migrants lui-même déclare que « les expulsions en masse de Roms vont à l’encontre des normes européennes » et d’avouer par là de quels évangiles il se nourrit et à quelles doctrines il se réfère désormais.

Bref, la confusion des débiles s’étend comme un bouchon sur les autoroutes surchauffées d’un 15 août; on se jette ses excréments à la figure, on se défend du bouclier putassier de l’ennemi d’hier, on scande les cris de guerre du camp d’en face jusqu’à que l’acte de propriété de ses hennissements devienne le motif de la bataille et on se décalotte le gland par grands vents sur l’air de Braveheart. Tout va bien.

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