Au sommet de l’église mais dans un recoin sombre afin de ne pas pouvoir être aperçu et reconnu, Pierre ********* observait la petite ville paisible de ****** qui se vivait comme un village depuis toujours.
Ses habitants n’auraient guère aimé être considérés comme faisant partie d’une aire urbaine selon l’INSEE. Mais, à cause de l’arrivée à l’Est de la commune de deux entreprises gigantesques de redistribution de colis chinois pour toute la France, créant une continuité urbaine avec la Grande Ville d’à côté, tout était remis en cause. Cette continuité n’était pourtant qu’un mince corridor bétonné dans la campagne, mais suffisant pour que leur village rejoigne désormais le statut de ville périurbaine.
Le maire apparenté socialiste soupira.
Cela signifiait également à coup presque sûr que le Front National ne tarderait pas à s’y implanter aussi.
Il essaierait alors de négocier avec le parti central une place dans la communauté de commune, ou le conseil département. Voire régional. Au besoin il menacerait de passer ouvertement au Front National afin d’obtenir son strapontin.
Ou bien il ferait comme tous les autres.
La politique, il l’avait compris depuis bien longtemps, était l’art de se laisser remplir par ses administrés. A l’électeur devait pouvoir déverser en lui ses préoccupations et ses marottes quand il le croisait. Son rôle de bon politique étant de se laisser remplir sans la moindre réticence apparente quelque soit le contenu. Ce ne sont pas que des mots. Chirac démontrait ça très bien en bouffant toute la nourriture qu’on lui présentait sur les marchés. Ou bien on pouvait aussi parler d’une écoute attentive -comme on disait dans les séminaires de formation de son parti.
Alors, si la sociologie de son village en voie de périurbanisation devait changer, il faudrait simplement écouter attentivement les récriminations xénophobes et racistes des petits blancs ayant fui la Grande Ville et son cortège de violences dites urbaines et ressemblant à s’y méprendre à des violences raciales. Il écouterait. Prêterait une oreille attentive. Et expliquerait ensuite qu’il avait bien compris le message et qu’il ferait ce qu’il faut pour que ce problème soit réglé ou, plutôt, qu’il n’arrive jamais jusqu’ici.
Au pire, pour crédibiliser, il se ferait photographier un jour avec Chevènement -ou sa dépouille momifiée.
Une réputation de crypto-fasciste honteux se bâtissait plus rapidement de nos jours qu’une bretelle d’accès à une nationale.
Cela devrait plaire également à son électorat de droite traditionnelle.
Qui ne voyait toutefois pas d’un bon œil l’arrivée de ces employés primo-accédants.
Il faut comprendre se disait-il intérieurement alors qu’il quittait discrètement l’église. Jusqu’ici, c’était la campagne. On pouvait presque imaginer des résidences secondaires au bord du petit étang. Ou une maison de famille avec la grand-mère à l’année, accueillant à chaque vacances scolaires ses enfants et petits-enfants.
Or, désormais, cela devenait un lieu de relégation sociale pour une population chassée par des bobos et des immigrés.
Des gens qui n’ont même pas été foutus de conserver leur chez-eux…
Tout ceci n’augurait rien de bon.
Si ces cocus éternels de l’histoire, employés de bureau aujourd’hui et ouvriers hier, débarquaient chez lui c’est que le bordel n’allait pas tarder à arriver. Il avait même attrapé deux ou trois adolescents de cette immigration de-souche mais récente dans le village en train de faire des « quenelles » épaulées sous l’abribus de ramassage scolaire.
La nuit semblait plus noire aussi.
Il fallait se rendre à l’évidence.
Les heures les plus sombres de notre histoire s’abattaient sur la commune.
Mais non, enfin, les heures les plus sombres c’est pas du tout ça, voyons!
Là comment pourrait on dire…les heures les plus merdeuses, peut être?
c’est mes yeux ou bien la très séduisante delphine baltringue leur fait un salut nazi ?
genre quenelle ascendante….