« Fronde bretonne : l’alerte des RG au gouvernement ». Les RG n’existent plus, c’est justement tout le problème. Dans cette grande débâcle d’un État qui s’occupe de réglementer la vente des cigarettes électroniques mais plus de surveiller quoi que ce soit d’important, où les flics sont tout farauds de montrer aux caméras de télévision leurs radars embarqués mais se révèlent incapables de faire régner même un semblant d’ordre, les RG n’ont été remplacés par rien, rien d’efficace du moins. Une partie de leurs fichiers ont même été détruits, mais ça fait toujours vendre de parler des Renseignements généraux, semble-t-il. Ou du moins cela fait-il cliquer : même les journaux se cassent la gueule dans l’impalpable.

L’extrême gauche, l’extrême droite, nous explique doctement le journal, et entre les deux de bons bretons qui troquent leurs chapeaux ronds contre des bonnets rouges, souvenir de 1675. Là où Houellebecq recopait Wikipedia, les journalistes la résument, la digestent, résument en quelques mots. Colbert, révolte fiscale, bonnets rouges, Bretagne. Au delà de quatre points le lecteur perd le fil.

« C’est bon pour nous », m’écrit un correspondant. J’ai toujours eu du mal avec le nous. J’écoute Lou Reed avec un peu de Knockando tout en lisant ici et là.

S’il y a des gens qui méritent ce qui leur arrive ce sont bien les Bretons. Indécrottables de sociale-démocratie-chrétienne, puis de socialisme, gavés par toutes les jeunesses catholiques possibles, JAC, JOC, JIC, JUC, JOUC, JONC peut-être ; bien crétinement de centre-gauche et européistes, votant pour leurs bons franc-macs depuis des éternités – historiquement il y a eu peu de régions de France plus verrouillées par les franc-macs que l’ouest catholique et singulièrement la Bretagne, Vatican II y a été une sorte de divine surprise : l’union du buste maternel de Marianne et du petit Jésus devenu socialiste et tiers-mondiste sur fond de subventions infinies. Don Camillo et Peponne réunis dans le lisier épandu, les sermons pour le CCFD et les aides européennes. Ajoutez fanatiquement antiracistes, mais que de la gueule et alors qu’ils sont les moins envahis. Alors forcément, quand le seul volailler du coin ferme et qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses pour leur verser des aides, ça tourne aux punks à chiens vaguement écolos revenus de Notre-Dame-des-Landes, à la révolte brouillonne et à l’incompréhension. Ils ont toujours bien voté et on les prive. Ils ont le sentiment que le contrat n’est pas respecté…

De l’autre côté, en rangs serrés pour protéger le portique à écotaxe, des flics. La seule chose plus désespérément idiote qu’un Breton révolté c’est un flic qui a des ordres. Imaginez : des types qui acceptent, de propos délibéré, par avance, d’abdiquer leur propre jugement pour obéir à des ordres. Pour faire ce qu’on leur dit, ce que leur disent des gens qu’ils protègent. Et même pas pour des sommes importantes ou un peu de vrai pouvoir hein, pas des prétoriens, juste des bons flics qui peinent à joindre les deux bouts et qui se feraient hacher sur place pour protéger un ministre ou même un sous-préfet qu’en toute logique ils devraient tabasser avec entrain s’ils avaient la plus petite idée de leur intérêt de classe ou même un très vague sens moral.

Non, non : là-dedans, moi, je suis neutre. Suisse. Tyrolien. Je ne sais pas, Liechtensteinois. Moralement je me sens un truc comme ça. Ces types qui se flanquent un bonnet rouge sur la tête, qui ont toujours voté socialiste, qui ont élu dans l’enthousiasme général leur gros sac-à-merde de Hollande sur l’air du « Moi-président-je-vous-promets-que-ça-va-durer », il suffirait qu’ils soient contre une taxe – d’ailleurs minime et anecdotique – et je devrais les embrasser ? Alors même que tout ce dont ils rêvent c’est qu’on me taxe moi sans les taxer eux, pour subventionner un peu plus leurs bateaux et leurs cochons et leurs algues vertes ? Parce que c’est bien ça le fond de l’affaire : ils sont incapables de remonter un peu aux causes. Le portique à écotaxe, on le démonte. Mais comprendre pourquoi leurs poulets sont si chers qu’il vaudra bientôt mieux les importer du Brésil que de les élever en Bretagne pour les vendre à Quimper, ça ça dépasse leur jugeotte. Ajouter un et un pour comprendre que si leur travail est trop cher et leur salaire trop faible c’est qu’il y a entre les deux la sécu et la retraite par répartition qui font la différence, ça c’est au delà de leurs capacités. Ce qu’ils savent faire c’est tout casser pour que l’État pique de l’argent aux autres et le leur donne à eux, exactement comme les pires racailles qui brûlent une maison de la culture Nelson Mandela. Pas de chance ces autres qu’ils rêvent de faire taxer à leurs politiciens pour que tout reparte comme avant, c’est aussi moi, et je commence à ne plus être d’accord du tout.

Ils l’ont voulu Hollande ? ils l’ont. Demain, ils éliront Marine sur le même malentendu, sur la même promesse qu’il y aurait quelque part un trésor caché, une manière de faire repartir toute la machine pour quelques tours de piste, une richesse merveilleuse qu’on pourrait dépenser sans la créer : en empruntant à 0% auprès de sa banque centrale, en égalant l’euro à la roupie balouchistanaise sans appauvrir personne, en fondant la prospérité sur de la monnaie faible et dévaluée tous les six mois, en mettant des droits de douane de 190% sur le filet de merlu et la grillade de porc… n’importe quel bobard de ce genre et ils voteront.

Alors les Bretons comme chair à canons anti-fiscale contre Hollande et Moscovici, sans doute. Allez-y les mecs ! Encore ! Mais tant qu’ils n’auront pas mis un peu d’ordre dans les motifs de leurs actions et un peu de raison dans leurs revendications, tant que tout cela ne sentira pas autre chose que les émeutes de l’écroulement de l’Etat-providence, bref tant qu’il s’agira d’une bataille entre voleurs parce qu’il n’y a plus assez d’argent à (entre autres : me) voler, rien de plus. Et surtout pas de sympathie pour ces Bretons à bonnet rouge.