Certains d’entre eux, avec le recul du temps, se reprocheront d’avoir contribué à défendre un ordre qui n’était pas le leur. « Que Dieu nous pardonne, s’écriera Ernst von Salomon, ce fut notre péché contre l’esprit. Nous avons cru sauver le citoyen et nous avons sauvé le bourgeois. » (D. Venner, en conclusion aux Corps-francs allemands de la Baltique.)
Gave ou Keonig ? restructurer la dette ou tuer l’euro ?
Apparemment c’est un de ces débats dont les libéraux ont le secret.
Bien entendu l’idée d’une contrainte budgétaire qui empêcherait la croissance paraît assez curieuse : par quel mécanisme miraculeux jamais vu encore nulle part la dette publique créerait-elle de la croissance ? ou plus exactement de la richesse, le PIB étant un instrument de mesure très imparfait et trompeur. Me voilà d’accord avec les deux premières remarques de Charles Gave.
Pour ce qui est de tuer l’Euro, j’applaudis des deux mains.
Mais la question est alors : pour quoi faire ?
Personnellement je dirais : pour payer en métal. En grammes d’or et d’argent dont le paiement par carte bancaire transférerait la propriété du métal, gardé dans des banques et régulièrement contrôlé par des organismes privés et indépendants. C’est parfaitement faisable techniquement et juridiquement. Quitte à avoir en parallèle de la petite monnaie métallique pour les dépenses de peu de valeur.
Charles Gave préfère une autre voie : « Le problème n’est donc pas de restructurer la dette, ce qui ruinerait tous les épargnants Français, et aurait des conséquences secondaires inimaginables, mais d’en changer la dénomination en retournant aux monnaies nationales. »
On peut certes imaginer que dans un monde parfait où les hommes politiques seraient vertueux, les monnaies nationales soient réintroduites, que cette dévaluation – dont le taux serait imposé – fasse retrouver des taux de change plus proches de ceux qui seraient les bons (c’est à dire ceux d’un marché idéal où les monnaies seraient entièrement libres, marché impossible dans le cadre de monnaies nationales gérées par des banques centrales) et qu’ainsi tout aille mieux, pour le dire lapidairement.
Mais dans la réalité, on sait bien ce qui se passera : les hommes politiques ne veulent pas purger le passé ou apurer les dettes pour adopter une politique économique vertueuse et profitable à tous. Le voudraient-ils qu’ils ne le pourraient pas : il leur faudra toujours acheter des voix et alimenter la démagogie économique qui permet de se faire élire. Ce dont ils rêvent tous, sans exception de l’extrême droite à l’extrême gauche, c’est de retrouver une monnaie nationale qu’ils puissent dévaluer tous les 3 ou 5 ans pour échapper aux conséquences de leurs actes. Notons au passage qu’ainsi ils feraient non de l’inflation comme le croient naïvement bien des gens, mais de la hausse des prix sans la hausse des salaires qui sera empêchée par le chômage ; cela a un nom bien plus simple qu’inflation : c’est de l’appauvrissement.
Charles Gave répondrait peut-être que, l’idéal qui est l’échange métallique étant à peu près exclu dans l’état actuel des esprits, il vaut mieux le moins imparfait des systèmes imparfaits et donc mettre un peu d’huile dans les rouages bloqués, ce que le retour aux monnaies nationales reviendrait à faire.
La tentation est forte de le lui accorder. Techniquement c’est même hors de doute. Mais quant aux principes ?
Il est étonnant que les libéraux français, si prompts à agiter des principes philosophiques, voire religieux, pour justifier leurs positions, ne se tournent que si rarement vers des principes plus simples, moins sujets à caution, plus proches de la matière économique elle-même.
« Retourner aux monnaies nationales équivaudrait à un transfert de richesse massif des rentiers Français (fonctionnaires, retraités), ce qui serait en fait, mais non pas en Droit une restructuration, vers les entrepreneurs et la croissance repartirait d’elle même, puisque , comme l’a fort bien expliqué Schumpeter, la croissance ne vient que des entrepreneurs à l’origine du processus de la fameuse “création destructrice”. »
Tiens donc. Il y aurait des gens, qui, regardant l’économie d’en haut, forts de leur science, seraient à même de savoir comment allouer des ressources de manière à atteindre un optimum de croissance ? Là on déciderait de sacrifier les retraités et les fonctionnaires parce que l’argent serait mieux employé ailleurs ? Comment le sait-on, qu’il serait mieux employé ailleurs ? grâce à des calculs économétriques ? en faisant un joli tableau, lointain fils de celui de Fichte dans son État commercial fermé ? parce qu’on l’espère très fort ?
Soyons sérieux deux secondes : quoi de moins libéral que cela ? En quoi ce libéralisme est-il différent d’un dirigisme à coloration entrepreneuriale, et pour tout dire oligarchique et ploutocratique ?
Surtout : en quoi de telles propositions sont-elles de nature à faire changer les choses ? S’il faut moins de fonctionnaires ou s’il faut sortir du ruineux système de retraites par répartition, il faut alors licencier des fonctionnaires et organiser le changement du système de retraite, pas espérer qu’un tripatouillage monétaire fait par des politiciens corrompus jusqu’à l’os ait un peu les mêmes effets heureux.
Charles Gave doit d’ailleurs s’en rendre obscurément compte, qui ajoute :
« La France a, certes, le droit d’avoir 40 % de fonctionnaires de plus que l’Allemagne, mais cela veut dire qu’elle ne peut pas avoir la même monnaie… »
Je caricaturerais à peine le propos en disant que si l’on se fait violer avec une monnaie qui tient lieu de lubrifiant au lieu de tenir lieu de gravier, l’opération paraît moins désagréable. Mais est-ce bien là l’ambition d’un libéral ?
Si bien que malgré les arguments de Charles Gave, je me dis que la solution de Gaspar Koenig a peut-être le mérite paradoxal d’être moins douce au prétendu modèle français.
Au total, on a l’impression que le débat se tient entre deux libéraux réformistes : « comment la vache à lait française doit-elle être traite pour faire le plus de beurre possible dans les conditions actuelles de l’étable ? » L’un prétend que la traite par la restructuration de la dette est la meilleur solution. L’autre que la traite par le retour à la monnaie nationale sera plus profitable.
Aucun des deux ne semble demander : profitable à qui ? Ni ne semble se rendre compte que les hommes ne sont pas exactement des vaches.
Il n’y a aucune raison pour que les libéraux s’interdisent de penser hors de ces cadres vermoulus en posant la question qui semble de plus en plus actuelle : celle du régime, de son oligarchie quasi-héréditaire illégitime, de ses abus contraires à toute liberté.
J’ai du mal à comprendre votre article.
Il me semble qu’au contraire, Gave est un des rares parmi les libéraux médiatiques à remettre l’Euro en question et ayant une véritable approche politique du sujet.
A considérer l’Europe technocratique de Monnet comme le mal principal. En cela, il se démarque des Madelin, Sorman et autres libéraux consensuels de l’UMP, qui « passent bien à la télé ».
Dans un autre article, il s’attaque à la constitution française et à l’attachement de plus en plus important qui est fait par toute la classe politique pour l’Egalité au détriment de la Liberté.
J’apprécie chez Gave ce lien qu’il fait entre économie et politique, lien que ne font pas la plupart des autres, dont Koenig.
Ben oui, mais revenir au Franc en avouant que ça permettra avant tout aux hommes politiques français de continuer à avoir 40% de fonctionnaire de plus qu’il ne serait nécessaire (et le reste du même ordre), et donc de continuer à voler les producteurs de richesse pour payer ces fonctionnaires inutiles, est-ce bien judicieux ? Dans la perspective de Charles Gave lui-même, d’habitude mieux inspiré amha, est-ce bien cohérent ? Est-ce bien le rôle des libéraux de se retrouver dans la position de promouvoir les solutions les plus faciles – à commencer par la solution de la dévaluation – pour prolonger encore un peu l’acharnement thérapeutique social-démocrate à l’œuvre sur le quasi-cadavre du collectivisme français ?
La démarche qui consiste à adapter la monnaie à la faillite en cours me semble douteuse quand on la présente comme une solution à la faillite elle-même. Sauf à avoir la naïveté de croire qu’une fois la monnaie dévaluée les hommes de l’Etat arrêteront de voler pour se faire élire.
Je suis foncièrement hostile à une Europe qui ne soit pas Thatchérienne et à l’Euro. Reste que dans la passe actuelle, remettre la monnaie entièrement dans les mains des politiques français et de leurs complices de la sphère administrative et syndicale ne pourrait guère amener qu’une suite de calamités économiques aux proportions bibliques. Ou alors qu’on veuille bien me dire quelles garanties l’on aura qu’ils ne feront pas n’importe quoi avec la monnaie, ou a minima quelles garanties l’on aura que ce n’importe quoi sera un moindre n’importe quoi que celui de Super Mario.
Aucune garantie
Soit vous leur laissez les mains libres
Et c’est la cata
Soit les marchés régulent ça à leur façon
Et c’est AUSSI la cata
Dans les 2 cas, on l’a dans le cul
La politique est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux politiques
Mais c’est un truc qu’on se dit après…. lorsque ça foire intégralement
Le problème, si problème il y a, c’est l’absolue lâcheté des hommes à qui on laisse les clés de la maison….
C’est aussi leur connivence avec les solliciteurs de tout crin qui amplifient les dépenses publiques dans des proportions encore jamais vues
Solutions ?
Couper le lien politiques/syndicats ?
Aligner tout ce beau monde contre un mur ?
Décider de ne pas honorer ses dettes ? à la façon islandaise ?
Remettre leu peupleu au travail ?si c’est pour que le politique continue à détourner 56% du PIB vers sa clientèle, ça le fait moyen…
« Aligner tout ce beau monde contre un mur ? »
Je vote pour ça. Métaphoriquement au moins. Et si possible en le laissant faire par d’autres pendant que nous c’est pop-corn et soda.
il est à craindre que l’on manque de murs…..
on leur fera construire avant..et bien droits hein..et hauts..et intelligemment placés tant qu’à faire
c’est marrant en fait, le keynésianisme..
je veux dire, le jour venu
Je n’ai pas du tout votre lecture de ce qu’a écrit Gave.
A travers cet article et tous ceux récemment écrits.
Il parle de sortie de l’Euro ET de réduction massive du nombre de fonctionnaires. La sortie de l’Euro étant le coup de masse facilitateur. C’est ce qu’il écrivait déjà dans son bouquin « Des lions menés par des ânes ». Et dans toute une série d’articles dont certains qui proposent des choix raisonnables d’optique libérale qu’ont fait d’autres pays avant nous comme la Suède.
Je suis 100% d’accord avec vous sur une Europe Thatchérienne et hostile à l’Euro. En revanche, je pense comme Gave que la sortie de l’Euro est un préalable nécessaire aux réformes libérales. Rester dans l’Euro, c’est politiquement rester liés aux choix des technocrates et rendre impossible toute réforme majeure.
Mais qu’est-ce qui va empêcher des politiciens français à qui vous redonnez la gestion de leur monnaie, à eux directement ou à leurs affidés inspecteurs des finances d’une hypothétique néo-Banque de France, de faire payer la note de la perpétuation de l’Etat-providence français aux épargnants par la dévaluation régulière, et cela de manière presque indolore si on la compare au vol qu’ils seront obligés d’effectuer sans avoir les mains libres dans le tripatouillage de la monnaie ?
Ça reviendrait à enfermer un junkie dans un appart rempli d’héroïne en lui ayant fait la morale et en s’attendant à ce qu’il en sorte sevré. On lui évite certes la crise de manque…
Ils en rêvent tous : dévaluer régulièrement pour que les entreprises retrouvent à chaque fois un fugitif et illusoire avantage compétitif, et qu’ils puissent ainsi augmenter le smic et se faire réélire encore 20 ans en faisant indéfiniment de la dette en monnaie pourrie et fondante.
Si préalable il y a c’est celui du régime : la démocratie représentative française tournant à la démagogie d’opinion téléguidée par des élites incestueuses qui verrouillent tout n’est simplement plus tenable. Avant de refaire le plan Rueff, il faut refaire l’opération Résurrection : 1958 avant 1959-60.
« Politique d’abord ! » 🙂
Bravo, ça fait plaisir, pour une fois, de lire des choses sensées sur la question. Il faut être fou pour confier des affaires aussi sérieuses à des politicards comme ceux qui nous infestent depuis quarante ans.
C’est la démocratie et son corollaire la démagogie qui nous mettent dans le pétrin, on ne va pas leur donner des armes supplémentaires, tout de même.
Jugulons d’abord l’infection…d’accord, c’est pas gagné…
« Reste que dans la passe actuelle, remettre la monnaie entièrement dans les mains des politiques français et de leurs complices de la sphère administrative et syndicale ne pourrait guère amener qu’une suite de calamités économiques aux proportions bibliques. Ou alors qu’on veuille bien me dire quelles garanties l’on aura qu’ils ne feront pas n’importe quoi avec la monnaie, ou a minima quelles garanties l’on aura que ce n’importe quoi sera un moindre n’importe quoi que celui de Super Mario. »
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La France est engoncée dans une telle idéologie que même la pourtant ultra-détestable Bruxelles apparait comme apporteuse de quelques garanties à côté.
Aux britanniques, je n’ai qu’une seule chose à leur dire: qu’attendez-vous pour vous enfuir à toute jambe de cette galère? Partez donc, dénoncez tous ces traités à la con et faites votre vie, ça ne pourra être que meilleur!
Mais ici, absolument rien ne garantit en effet que l’UE et l’euro ne soient pas les derniers remparts à Montebourg, Mélenchon, Dupont-Aignan et que sais-je encore…
C’est aussi une question d’Etat d’esprit. Aussi détestable que puisse être l’UE, il est important, voire primordial que tout le monde comprenne en France que Mélenchon peut vociférer autant qu’il veut, ce n’est pas lui qui fait la loi, et qu’il ne la ferait pas non plus s’il faisait 51% au second tour de la présidentielle… On est quand même dans un pays où l’on assimile les fraudeurs fiscaux à des criminels, et ceux qui sont très légalement des résidents étrangers à des fraudeurs fiscaux…. On est dans un pays où lorsque l’on interroge un syndicaliste de l’EN sur les disfonctionnements de l’EN, il répond « manque de moyens, évadés fiscaux »…
On peut trembler en pensant à ce que ces gens feraient dans le contexte d’un retour à la souveraineté nationale.
Parler de de sortie de l’Euro ET de réduction massive du nombre de fonctionnaires, c’est raisonner dans le vent.
Malheureusement, je crains que l’UE ne nous protège en rien de Mélenchon.
Et de toute manière, l’idéologie détestable qui règne en France n’offrira de porte de sortie ni avec l’UE, ni sans.