Le plus souvent pour ses contempteurs le matérialisme désigne le « culte de la marchandise », la soif de possession, d’ostentation, le consumérisme, tout cela au détriment de la spiritualité qu’on peut assimiler à la croyance en Dieu, ou chez les gauchos la foi en des idoles telles que la Terre-Mère.
Alors que si l’on observe nos contemporains, en comparaison de nos ancêtres, on remarque qu’ils sont bien peu matérialistes. Ils se moquent des choses qu’ils achètent. Ils les entassent, ils les jettent, mais ils ont bien peu d’affection pour elles. Ils ne leur vouent aucun culte. Le grand combat dans la modernité ce n’est pas celui de la possession. Dans un pays où pour la plupart des gens l’arbitrage budgétaire se fait sur la destination vacances, entre les Maldives et la Tunisie, la possession est un enjeu assez mineur. Nous sommes rassasiés de biens matériels, ce qui en fait en contrepartie qu’ils n’ont jamais eu aussi peu de valeur aux yeux de leurs contemporains. Je connais fort peu de Français qui veulent faire carrière, qui sont des bourreaux de travail, qui sont comme ces Chinois prêts à se tuer à la tâche pour atteindre la prospérité. Ces Chinois sont dans une logique matérielle de possession, d’ostentation, d’œuvrer à la prospérité de leur famille pour être respectés. Car pour eux le respect se lie à l’argent, à la prospérité. Ce qui fait qu’ils travaillent dur et qu’ils construisent leur réussite, car c’est LE moyen de la reconnaissance sociale.

Les Français, les Occidentaux pour beaucoup, n’ont pas ces valeurs. Pour eux le grand combat quotidien est celui du social. C’est ce que nous disent toutes ces séries, qui à la suite de Friends, mettent en scène la vie de groupes d’amis. C’est aussi ce que nous dit Facebook, Twitter, les smartphones, le web 2.0, ect… Elles sont révélatrices d’un changement de mentalité. Autrefois les sitcoms se concentraient sur la vie familiale, mais la famille a éclaté. Elles se sont alors déportées sur ces trentenaires éternels adolescents, dont l’idéal de vie n’est pas du tout dans la possession, le matériel, mais au contraire dans l’immatériel. Ce qu’ils cherchent ce n’est pas la prospérité, l’affichage de leur réussite sociale, mais des choses complètement immatérielles : l’amour, l’amitié, le bonheur, l’épanouissement. Ce qui distingue un gagnant d’un perdant dans notre société, ce n’est pas l’épaisseur du compte en banque, mais le nombre d’amis sur Facebook. C’est pour cela que nous ne construisons plus rien, parce que n’avons plus cette volonté de bâtir, de transcender les siècles, mais seulement d’être aimés.

Il en va très différemment dans les sociétés moins favorisées. Bien que Benoît XVI décrive, en reprenant les clichés racistes et gauchistes, l’Africain sous son arbre à palabres comme un parangon de sagesse et de spiritualité, vivant dans en équilibre avec la nature, et rejetant le culte de la marchandise, la réalité en est évidemment toute autre. Si le tee-shirt à quatre sous est devenu le costume standard de l’Occidental, au contraire l’Africain porte sa richesse sur lui. Des pompes en croco, aux bijoux en or plus ou moins exubérants, en passant par les costumes aux couleurs parfois chamarrées, c’est un véritable festival. Le paraître, les signes apparents de richesse, sont tellement importants que le costume fait l’homme. C’est sur cette constatation que les sapeurs, comme pour conjurer les complexes, organisent des compétitions de mode masculine. Ils peuvent bien vivre à 20 dans des dortoirs miteux, n’avoir pas le sous, pourtant ils s’achètent des costumes, des pompes et accessoires, et s’adonnent à des exhibitions rappelant Bill Cosby dans le générique du Cosby Show, se trémoussant devant un public qui attribue la victoire au plus élégant.
Matérialistes nous le sommes excessivement peu. Et on peut le déplorer car tout en découle. Il suffit de nous comparer à la société traditionnelle d’avant les années 60. C’était une société d’ordres, les individus ne sont pas considérés par rapport à leur « merveilleuse » personnalité, mais par ce qu’ils possèdent. Chacun doit jouer le rôle que lui assigne la société, avec le costume d’étoffe dont il est tributaire, l’habitation, le mode de vie et la considération. Ainsi c’est encore en ordres qu’on rentre à l’église et dont on occupe les bancs, selon les marques de distinction que la société vous gratifie, selon la place que vous occupez en son sein. Et tout est à l’avenant. C’est une société où bien plus qu’aujourd’hui on respecte l’argent. C’est une société du paraître où l’important est de tenir son rang.
Aujourd’hui au contraire un individu habillé en haillons peut aussi bien être clochard que millionnaire. Le commercial à Darty porte le costume comme le PDG, tandis que les hommes puissants s’habillent en t-shirt. Les différences s’estompent. L’intérêt se porte sur le social, et non plus sur les marques de distinction.
Ce qui éblouit c’est l’opulence, l’abondance de nos sociétés. Il y a globalement beaucoup plus de marchandises, mais cela ne signifie pas que les cœurs soient sous leur charme. Je dirai même au contraire. La marchandise est tellement présente, que nous en sommes blasés. Là où elle hantait fiévreusement les rêves de nos anciens, nous lui opposons le plus souvent l’indifférence. L’abondance nous paraît naturelle car nous l’avons toujours connue. La meilleure preuve est que nous n’avons jamais autant investi dans l’humain, alors qu’autrefois on investissait dans la pierre. D’un côté l’humain, le social, le périssable. De l’autre la pierre, la construction, une volonté d’éternité. C’est pourquoi les siècles passés nous ont tant légués, et que nous laisserons si peu de choses dignes d’intérêt.

Jamais l’humain n’a eu autant de valeur, jamais il n’avait dominé la pierre ; c’est le propre de notre époque. Nous préférons verser des aides sociales pour remplir les estomacs et les salons, que de construire des cathédrales, des palais, des monuments de marbre, et multiplier les dépenses somptuaires. Nous sommes dans le périssable, dans le jetable, le court-terme. Dans la sacralisation de l’humain, « de la vie », diraient les cathos fin de race qui se sont convertis au gauchisme. Si nous étions en 1930, Bill Gates ne dilapiderait pas par centaines ses millions pour guérir les Africains des maux qui les inondent, il se ferait construire tout un arsenal de monuments gigantesques portant son nom.
Si l’Eglise était matérialiste, comme elle l’était à la Renaissance, elle laisserait crever les pauvres et construirait à la gloire de Dieu des cathédrales éclipsant celles du passé. Si aujourd’hui nos églises tanguent esthétiquement entre bunkers et silos à grains, c’est parce que l’Eglise n’a pas l’audace d’y mettre de l’argent. Aussitôt les catholiques outragés, en furie, hurleraient que cet argent serait mieux employé pour venir en aide aux indigents et aux immigrés. C’est l’abbé Pierre qui a gagné.
Si nous dépensions seulement le dixième de ce qu’a coûté n’importe quelle cathédrale, rapporté à notre PIB, et avec les techniques modernes, la plasticité du béton qui offre des possibilités assez phénoménales, nous pourrions édifier des merveilles. Mais pour cela, il faudrait vouloir en mettre plein les yeux.
Passer de l’église de bois à la cathédrale de pierre ne s’est pas fait sans résistance. Au Moyen-Age les matériaux avaient leur symbolique. Le bois était symbole de vie, de chaleur, tandis que la pierre et le fer étaient froids et considérés comme dotés de peu de qualité spirituelle. Pourtant la pierre et le fer se sont imposés partout, des murs aux piliers, jusqu’aux voutes et aux écrins de pierre pour les vitraux. Les églises sont devenues des monuments minéraux pour permettre d’atteindre des hauteurs inédites, et dresser les flèches des clochers dans un geste d’ostentation, qui dépasse de très loin le besoin d’espace nécessaire à une messe.
Pour prier on n’a certainement pas besoin d’œuvres d’art, pas de cathédrales, pas de décors richement sculptés. Au contraire cela éloigne du but premier : la prière, le recueillement, pour en faire un lieu de promenade. Je crois que ce sont les Cisterciens qui prescrivaient la plus stricte sobriété dans leurs monastères, justement pour éviter le matérialisme. Les premiers Chrétiens priaient les uns chez les autres et non pas dans des catacombes (où ils se faisaient enterrer comme tout à chacun). Les Amishs prient dans leurs granges en suivant la simplicité des premières communautés chrétiennes. Si les évêques, les bourgeois des villes, les papes ont construits des monuments aussi coûteux, aussi gigantesques, y mettant toute la technologie et leur savoir-faire de leur temps, se livrant à des compétitions puériles de hauteur, donnant lieu à ce qu’on appelle des querelles de clochers, ce n’est certainement pas uniquement par spiritualité. La spiritualité n’exige rien de tout cela. C’est au contraire par matérialisme. J’ai une grosse église, richement ornée, avec nombre de reliques, qui attirent le touriste et le pèlerin, donc je suis. Ce sont des monuments à l’orgueil des hommes qui les ont fait construire. Un orgueil démesuré engloutissant des fortunes. Nous, tout cet argent, nous le consacrons à notre prochain. Si ces prélats et bourgeois avaient moins voulus faire dans l’épate, le bling-bling, l’ostentatoire, ils en auraient fait autant.
Si on veut vraiment être étonné, voir jusqu’où pouvait aller le goût pour le paraître, il faut s’intéresser aux poulaines. Mode totalement farfelue du XIVème siècle qui a entrainé un allongement démesuré du bout des chaussures selon l’échelle sociale de son propriétaire. Les victimes de la mode – de rudes chevaliers – allant jusqu’à l’adopter sur leurs armures. Image-t-on quelques chose d’aussi peu pratique pour aller à la guerre ? Ces coquets allant jusqu’à faire confectionner des poulaines de fer (des solerets allongés), que les autres guerriers pourraient voir, pour signifier leur rang, leur position sociale. L’équivalent aujourd’hui serait moqué, et considéré comme de la démence, car nous privilégions presque toujours le pratique, l’utilitariste au matérialiste.

Au XVIème siècle, lorsque l’Inquisition demande des explications à Véronèse sur sa Cène, qui ne correspond pas à la sobriété de la scène des Evangiles, que répond-il ? Il répond que l’art du peintre consiste à ornementer les scènes, ce qui justifie pour lui les nains jongleurs et la multitude de personnages exotiques qui s’agitent autours du Christ et des apôtres. S’inspirant d’une scène mineure des Evangiles, La Cène devient alors Le repas chez Levi pour complaire à l’Inquisition. Le « réalisme » des scènes s’efface devant le goût pour le luxe.
De la même façon je suis convaincu que cette propension à représenter le Christ en croix est une vue d’artiste qui privilégie l’esthétique au sens. Que le Christ soit crucifié, cela n’a rien d’extraordinaire, c’était un châtiment commun dans l’Antiquité. Ce qui justifie la « bonne parole » c’est que le Christ soit ressuscité. Loin d’illustrer le sens des textes, ce qui aurait donné une scène assez plate, les artistes se sont laissés envahir par leur art pour créer des scènes douloureuses et magnifiques. Une tragédie visuelle, où les membres torturés et les chairs martyrisées sont sublimés dans les teintes de la douleur. La force de ces représentations surpassent le sens et masquent la Résurrection. Celle-ci n’est que peu représentée dans le catholicisme, au contraire des Christs tout puissants de l’Orthodoxie.
Un peu plus proche de nous, Versailles c’est le contraire de la sobriété. Un goût bling-bling, clinquant, où les surfaces sont massivement recouvertes de feuilles d’or jusqu’à la nausée. Des peintures sur des décors, posés sur des boiseries, et une couche d’or. Encore une. Ce palais si révéré par les Français est une apogée de l’ostentation dans un goût presque kitsch, où la monumentalité de l’architecture dorée sert la mégalomanie de son souverain. On peut s’en satisfaire, mais il devient alors difficile de décemment moquer le goût de Sarkozy pour le Fouquet’s.
Aujourd’hui nous devons notre relatif confort à l’effondrement du coût des équipements. Ils nous sont accessibles car produits en Asie, et seule la mondialisation nous le permet. Les gens achètent cela, car ils n’ont pas les moyens de faire de plus grosses dépenses. Car une très large part de leurs revenus va au social par les mécanismes de redistribution, encore et toujours la charité publique. L’humain contre l’ostentation.
Excellent!
Qu’on soit d’accord ou pas d’accord (moi je le suis globalement),c’est ce qui s’appelle ne pas écrire pour ne rien dire. C’est ce genre de propositions iconoclastes, originales, qui manque temps à la (non)pensée réac.
Mine de rien, dans un texte comme ça, il y a plus de choses vraiment digne d’être publiés que dans tous les essais ou articles d’un Richard Millet, et peut-être même d’un Renaud Camus.
Traitement original de la question, très bon.
Peut-on dire que cette passion de l’Autre, du social, du bonheur personnel (avec ou sans l’aide de drogues), de la quiétude, sont finalement incompatibles avec le progrès technique, et peut-être même, sur le long terme, avec la prospérité économique ?
L’idéologie du bonheur (sans autre paramètre associé) m’a toujours paru mener à la décroissance, personnellement.
Excellent.Quand vous regardez les règlements des villes italiennes médiévales , le luxe de l’habillement des femmes était codifié et réglementé car sinon les bons bourgeois auraient claqué toute leur fortune dans l’habillement de leurs courtisanes.
A propos des cités italiennes médiévales, ce qui est frappant c’est de voir que les plus belles églises et les plus gros clochers et baptistères (je pense à Florence) ont été édifiés par des marchands (les Médicis)et des financiers. C’est vrai que là, le « spirituel » était plutôt réduit à une compétition acharnée entre cités.
Il est assez impressionnant de constater à quel point on trouve ici autant d’articles qui remettent en cause avec brio les idées préconçues, les lieux communs et autres pensées formattées. Bravo pour ce texte, qui fait voler en éclat une des principales armes de la gauche bien-pensante.
« ce texte, qui fait voler en éclat une des principales armes de la gauche bien-pensante. »
De la gauche, et de la droite! L’un des intérêts de ce texte, c’est de montrer qu’elles sortent du même moule.
Je me faisais la réflexion, avec un ami: le Panthéon est inutile, pompeux, et superbe.
A l’inverse, la rue Tolbiac est parsemée de bâtiment utiles, économes, et hideux.
Merci pour ce texte.
Sans parler de la cerise sur le gâteau : l’inénarrable « Centre Pierre Mendès-France (rien que le nom…) dans lequel je suis encore (plus pour longtemps hopefully) enfermé : trois tours de béton nu de vingt étages chacunes, irriguées par des ascenseurs en fer des années 70 et squattées par des punks à chiens et autres aspirants profs d’histoire encartés au Front de Gauche. Une plongée quotidienne dans l’URSS à la française. L’enfer à l’état pur.
Intéressant et pourtant moyennement convainquant quand on prend du recul.
Par exemple, nous sommes d’accord que le commercial de chez Darty porte un costard et son PDG probablement un survêtement; cela signifie juste que le costard n’est plus un signe d’appartenance à une classe sociale supérieure.
Mais il est tout aussi probable que le survêtement du PDG doit coûter bien plus cher que le costard du commercial. On en trouve maintenant pour 3 fois rien.
De plus, quand je vois les ruées vers les apple store lors de la sortie de leur dernier gadget (et le culte religieux voué d’ailleurs à son défunt patron) ; quand je vois les débuts des soldes qui ressemblent à la ruée vers l’or ; la concurrence exacerbée dans les cours de récréation pour posséder le plus beau survêtement (encore lui !) ou le dernier smartphone, je me dis que le matérialisme a encore de beaux jours devant lui.
Enfin, paradoxalement, il me semble que le matérialisme peut s’étendre à l’amitié et à l’amour. L’autre peut être réduit à l’état d’objet : Il suffit de se mettre en mode célibataire sur facebook pour jeter sa petite amie…. comme une boite de conserve.
« De plus, quand je vois les ruées vers les apple store lors de la sortie de leur dernier gadget »
Je me demande si ce n’est pas un phénomène parisien. Je suis passé à l’Applestore du Carré Sénart quelques jours après le lancement de l’iPhone5, la table des téléphones était à peu près déserte.
On ne saurait dire si ce texte est une éloge du matérialisme ou non, ce qui veut déjà dire que c’est un bon texte.
Le matérialisme donc, l’attachement à la pierre, a fait réaliser à l’homme occidental des choses magnifiques. Aujourd’hui, alors que l’homme africain tente de s’intéresser à l’apparence avec ses moyens et avec le retard qui est le sien en général, l’homme occidental se concentre sur les « valeurs », la « morale », « l’humain d’abord », comme s’il pensait aller à l’essentiel. Ça n’est pas sans rappeler Nietzsche, le christianisme qui finira par abattre ses propres cathédrales, ses propres rites païens et matérialistes, pour en arriver à l’essence, à l’idée dépouillée de toute matière, à la mystique juive par excellence. À un état qui fait que l’homme se rapetisse et ne bâti plus rien de plus grand que lui-même, un état qui comme disait le moustachu « fait désirer sa disparition ».
C’est intéressant car ça entre en contradiction avec les quelques textes d’XP à ce sujet, aussi intéressants, qui affirme que cette extinction des symboles est une chance, car supprimer les repères de la beauté n’est pas supprimer la beauté, car la beauté n’est pas quelque chose que l’on peut supprimer, elle devient juste plus difficile à trouver, plus abstraite, réservée aux gens les plus sensibles et donc les plus spirituels, comme une sorte d’élitisme terminal.
En filigrane de tout ça il y a la question de l’art contemporain dont parle ce texte :
lien
L’auteur de ce texte irait plutôt contre XP en rappelant que la beauté n’existe pas sans l’esthétique, que le sens seul, le concept, ne suffit pas, et que c’est précisément le propre de l’homme de s’attacher à la pierre, puis de la sculpter, de construire contre la nature, en se disant que le souffle de la vie et sa beauté sont indissociables des constructions humaines. Et je serais plutôt d’accord avec ça, moi qui ne supporte pas les gosses qui hurlent et qui courent, mais qui peut être ému aux larmes devant The Tree of Life de Malick et des scènes de l’enfance qu’il réussit à capter avec sa caméra, des plans qui ne sont rien d’autre que des cathédrales sur de la bande vidéo, enfin numérique, peu importe.
Un bâtiment ne doit pas simplement servir à l’homme à aller bosser le matin, il doit lui rappeler pourquoi il se lève le matin. Sans quoi effectivement la beauté ne sera plus accessible qu’aux plus sensibles, une infime minorité, qui sera happé par la lourdeur, l’inertie des masses nihilistes qui l’entoureront.
Un beau comm.
Ça me travaille depuis un moment, mais je crois qu’il y a une contradiction majeure dans les thèses de XP à ce sujet. À la hache : d’un côté, une conception élitiste de la beauté, réservée depuis toujours et pour toujours à une minorité; de l’autre, une réjouissance devant le « taux de spiritualité » de notre époque, taux de spiritualité dû à la dissolution des repères, mais qui en même temps, doit rendre folle la majorité, puisque donc, la majorité ne sera jamais capable de supporter une telle perte des repères.
Evidemment, on peut dire qu’on s’en fout, de cette majorité; mais, outre le fait que l’élite risque en effet d’être « happée » par la masse, ça laisse aussi beaucoup de gens au bord du chemin. Hum, j’espère que cette dernière phrase ne fait pas trop socialiste.
Il n’y a aucune « contradiction majeure » dans les « thèses » de XP, dans la mesure où XP ne s’est jamais réjoui ni n’a fait l’apologie de quoi que ce soit, mais s’est toujours contenté de décrire, de « peindre » comme il dit.
Sur la tombe de cete époque, on écrira qu’elle était aussi passionnante qu’invivable.
Ah merde ! On la connaît la rengaine, hein. M’oblige à picoler, outre navarraise.
m’oblige pas – merde !
« outre navarraise »
Je bois pas, je suis musulman.
C’était rapport à tes kilos en trop, ivrogne basque.
Aucun kilos en trop, il n’y a pas autant à manger qu’en occident dans mon pays.
Tiens, et d’ailleurs je ne suis pas basque, ni albanais.
J’espère sincèrement que tu n’es pas obèse sinon je vais être gêné de ma blague 😆
Enculé.
Moldave ?
Non, je ne suis pas obèse, rassurez-vous.
Non, je ne suis pas basque ni albanais parce que c’est vrai. Je suis un affabulateur pathologique et je n’ai raconté que des histoires depuis le début, même sur mon âge.
J’avais envie de soulager ma conscience.
Vous affabulez là, quand vous dites que vous affabulez ? 🙂 Night !
Oui, en partie, parce que je n’ai jamais vraiment affabulé.
Tout ce que j’ai raconté est vrai mais…un peu déformé, entendu de l’oreille d’un autre qui l’a vécu à ma place, et dès fois vécu moi-même mais raconté autrement…
Par exemple sur mon âge, j’ai menti de deux ans, comme ça ça fait crédible…deux ans de plus ou de moins? Je ne préciserai pas.
Mais c’est important, je ne suis ni basque ni albanais.
Mais c’est trè grave ce que vous me dites là. Je vais demander au politburo d’ilys une procédure d’exclusion et à la Crevette de vous donner une fessée.
L’humour thérapeuthique c’est vraiment pas drôle.
Merci.
Mais je ne vois pas trop la contradiction que vous prêtez à XP.
Sinon, je pense qu’XP tente surtout de trouver de nouvelles voies, d’autres interprétation que la fin de l’Occident. Par cette conclusion en amène aussitôt une autre : la mort. Je veux dire, un être humain rejette une idée souvent non parce qu’il ne la comprend, mais parce qu’il la comprend tellement qu’il ne peut s’y résoudre.
Si l’on arrive au bout de notre raisonnement, on arrive à cette sentence, l’Occident a fait son temps, il est aujourd’hui mort et doit donc être remplacé par des civilisations pleines de fougues adolescentes. Alors on a vite fait de désirer la disparition de l’homme occidental, et précisément, en désirant cela on offre un spectacle qui fait également désirer la disparition de l’homme occidental, et ainsi de suite.
Je crois tout simplement qu’XP veut prouver que la vérité a tort, veut stopper la contagion. Il veut dire que ce qui ressemble à la fin n’est qu’une étape de plus, qu’on aurait tort de laisser submerger par des civilisations qui finalement ne montreront qu’une copie de ce que nous avons déjà fait, aussi vigoureuses soient-elles. On dit que le verre est vide, que notre nectar est évaporé, qu’il doit donc se remplir d’un autre. XP prend ce verre et l’utilise comme une loupe pour vous montrer ce qu’on ne voyait pas à l’oeil nu avant, il propose une autre utilisation de ce verre car nous n’avons plus besoin de boire.
Il suffit de lire son dernier texte pour comprendre que les arguments sont des détails, que ce qui importe c’est la pulsion qui est dessous, et celle d’XP est une formidable pulsion de vie cachée sous un optimisme tout sauf niais. « Vous pensez que le film est terminé et vous quittez la salle obscure, mais vous allez manquer les meilleures scènes », c’est ce que nous dit XP, et peu importe qu’on soit d’accord ou non, c’est assez admirable je trouve.
Parce que cette conclusion en amène…*
non parce qu’il ne la comprend PAS*
Que d’oublis.
Merde, ce comm est encore plus admirable que le précédent. Et je suis d’accord, d’autant plus que je suis moi-même très enclin au pessimisme et au bourrinage réac, et que XP est dans ce marigaud (qu’on se concocte nous-mêmes, comme vous l’xprimez parfaitement) un véritable souffle d’air frais. Mais il y a quand même, au bout du bout, des « thèses » chez XP, même si le terme « thèse », trop réducteur, n’est dû qu’à mon manque d’imagination.
« marigot » je crois que c’est mieux.
Ça va encore plus loin que le fait de contredire la vérité, de stopper une contagion et vous le dites d’ailleurs que ça va plus loin que cela en précisant : « il propose une autre utilisation de ce verre car nous n’avons plus besoin de boire; »
Dantec dit -et quelque part c’est ce travail de recréation que je trouve dans un texte d’XP (toutes proportions gardées) ou d’autres qui écrivent:
« La littérature n’est pas le plus « immatériel » de tous les arts, tout au contraire; elle ne s’impose pas selon les métriques d’une transcendance platonicienne bien cadencée une fois pour toutes, comme si l’écrivain se contentait de « découvrir » des vérités éternelles et ultimes sous le jeu des apparences du monde matériel; l’écrivain d’aujourd’hui, et depuis longtemps, doit de toutes ses forces recréer la vérité, c’est-à-dire ne pas se contenter de reproduire sous des formes plus ou moins cachées une vérité préexistante à l’oeuvre, mais faire de l’oeuvre même le terrain d’une expérience menée sur la vérité, comme disait Nietzsche, faire surgir de son travail à l’origine purement mental un monde métaphysique susceptible, non seulement de prendre racine dans le réel, en le contaminant de manière terminale; c’est pour cela que l’écrivain doit impérativement soumettre l’Homme à la question, il doit torturer la mémoire de l’humanité et déjà pour commencer celle du XXe siècle afin de lui faire accoucher ses projets secrets concernant le futur, c’est-à-dire notre présent, il doit faire de même avec la réalité présente, afin de lui faire avouer ses plans occultes pour l’avenir, et il ne doit pas avoir peur d’interroger directement cet avenir, qui, seul, bien sûr, contient l’explication du passé. »
Quand le spirituel est la plus matérielle de toutes les réalités!!
Le matérialisme a toujours été lié au spirituel. Il l’est toujours. Lorsque la spiritualité était riche et solide ça donnait les cathédrales. Lorsque la spiritualité (valeur, croyance) est à durée déterminée, changeante, atomisée-et donc totalement envahissante-, ça donne l’iphone qu’il « faut » changer tous les 6 mois et les comportements qui vont avec.
Bill Gates est allé vers les petits crèves-la-dalle d’Afrique, l’humanitaire c’est comme windows : c’est relativement classique, pratique et fiable, mais faut en changer de modèle tous les 5 ans, et une version peut être foireuse, mais ça sera encore là dans 100 ans.
L’acheteur d’iphone est plus aventurier, dans un sens, avant-hier contre le racisme, hier pour la parité, aujourd’hui pour le mariage gay, sa foi de converti est à chaque fois virulente, ostentatoire et dans l’air du temps mais il s’en lasse vite. Il est fidèle à sa marque- lutte contre les discriminations- à la pointe de la modernité, il ne change que de modèle, mais le fait souvent.
Quand vous voyez quelqu’un qui change de mobile tous les 6 mois, ce n’est pas quelqu’un qui ne croit en rien, c’est quelqu’un qui croit en (presque) tout, et c’est bien là le problème.
Le matérialisme ne peut que perdre. Du moins dans les foules. Il n’est pas du côté de l’universel, qui est spiritualiste.
Le matérialisme est dans le particulier, dans l’attention à soi, dans la discrimination des plaisirs.
C’est seulement pour un individu que le matérialisme peut, dans un retournement inattendu, devenir consolateur ; pas dans une Église.
D’ailleurs, comme me le répétait un bon prêtre qui me faisait le catéchisme, et qui devait avoir déjà décelé en moi une certaine répugnance, « on n’est pas chrétien seul, on est chrétien dans la communauté ».
L’occident crève ? peut-être. Que ce soit d’un spiritualisme tourné humaniste assez grotesque n’a pas beaucoup d’importance. Ni même que tout cela soit sorti d’un christianisme dévoyé. Mais c’est pour cela qu’il faut relire Épicure : « le sage ne se préoccupe pas de ce qu’il adviendra de sa dépouille après sa mort ».