Si vous avez besoin d’un livre pour ne pas vous ennuyer dans le TGV, alors vous n’êtes pas fait pour la lecture.
Un mauvais lecteur a besoin de mauvais livres, bourrés d’histoires et de personnages… Le mauvais lecteur s’ennuie, sans ses livres
Elles étaient assises l’une face à l’autre, et la jeune a fait tomber un truc…Bien avant l’autre femme la dévorait du regard, elle aurait largement pu être sa mère, elle devait la trouver jolie et sophistiquée, elle l’aurait voulu, être sa mère…Elle s’est empressée de lui ramasser et la jeune a pas pipé mot, pas un regard, pas une attention, ça été un drame, une déchirure, j’ai tout senti, j’ai vu la femme marmonner une insulte, détourner sa tête, elle aurait voulu bondir hors du train…Elle a dû faire le voyage avec son désaveu.
Un homme bien sapé. La trentaine s’est amenée à lui bien sournoise, par surprise, bien des saloperies ont eu le temps de lui retourner son visage d’ange, il la porte désormais sa gueule, il fait plus attention à elle. Une longue tige blonde s’assoit face à lui. Ils se regardent. Elle lui sourit. Il devient tout gêné, tout gamin, charmant…Il se réfugie dans son portable, tout comme il se réfugiait en pédalant plus vite, il y a longtemps, dans les ruelles de sa ville quand il sonnait chez la fille de ses rêves, et bien il y revient, 30 ans après c’est le même homme, la même gêne infantile et le même silence dont il ne sort pas, écrasé par son ventre durant tout le voyage.
Au fond du wagon des zouaves font un boucan effroyable. Tout le monde se tait, fixe le sol. A 6 ils tiennent en respect des dizaines de bonhommes dont une claque les renverrait dans les jupes de maman. C’est cocasse, tragique. Je parle fort, exprès, je veux qu’ils sachent qu’ils comptent pas. Une fille se lève et se fait interpeller, doudoune rose, qu’ils lui crient, elle les regarde avec défi, se dégonfle, fait comme si de rien…elle me fixe, je lâche pas, je veux lui faire savoir que ce sont pas des dangereux, qu’elle s’inquiète pas, je connais les genres, les degrés de saloperie, eux ce sont des mignons, je la regarde, calmement…je sais pas si elle a compris. Peut-être que je fus un de plus qui la matait, en plus civilisé…rien d’autre.
Elle est sortie, elle a repris sa marche et dans deux-trois ans personne se souviendra de rien, sauf moi.