The Killer inside me

Joël, je m’appelle.

J’ai 67 ans, je suis bénévole à la fédération française d’athlétisme, et c’est ma gueule, qu’on voit dans les spots qui incitent les vieux à faire de la gymnastique, à la télévision…

Je suis veuf, mais j’ai toujours mes deux filles, deux bombasses noueuses comme des lianes, des professeures d’EPS, du genre qui peuvent vous couper la quéquette en quatre, si vous les attendez au coin du bois pour les violer, quand elles courent, à Fontainebleau… Liliane et Josy, qu’elles s’appellent, les deux… En plus, j’aide au Secours Catholique, je livre des boites de conserve avec ma fourgonnette, et si vous dites du mal de moi en ville, vous allez vous faire défoncer la gueule, autant que vous soyez informés…

J’assassine des vieilles, l’après-midi.,, Je ne m’en fais pas une par jour, mais tous les jours je tourne, je repère, je prends des notes, je vole des cartes magnétiques, je retiens des visages, des noms, des chiffres j’endors la cliente en faisant croire que j’attends quelqu’un, devant sa porte, et ce travail de terrain me permet de tourner à deux femmes par mois…. Sur trois ans, ça nous fait un petit charnier, tout de même, faites le calcul, les petits ruisseaux font les grandes rivières.

Je m’emmerde, dans la vie, si sous saviez, j’enfile de plus en plus souvent mon short qui moule mes burnes pour taper dans mon sac, avant de m’envoyer la tête contre le mur… J’ai même fini aux urgences, un jour, et j’ai sorti une histoire abracadabrantesque aux infirmières, un scénario de dingue, avec des asiatiques drogués surgis du XXème arrondissement de Paris qui m’auraient tapé pour que je donne le numéro de ma carde Gold… N’importe quoi.

Je m’emmerde car je suis vide, parce que j’ai rien dans le cœur, c’est le psychiatre Jean-Patrick Naouri, qui m’a expliqué ça… Il est sérieux, il passe à la TV, mais il a peur de moi: il sait tout depuis la première vieille, et selon les lois françaises, il est complice, il aurait dû me balancer…

Je suis un garçon creux, un sac d’air, il est formel, Naouri…. Un jour, il m’a tellement cassé le moral que j’ai demandé une contre-expertise, l’avis d’un prêtre, et il m’a envoyé chez le Père Jean-Baptiste Dubois, qui a confirmé le diagnostic de l’autre: si je fais du bénévolat depuis quarante ans, si je m’intéresse tant à l’Autre, c’est parce qu’il ne pousse rien dans mon jardin, qu’au mieux j’aimerais voler ses fruits, au pire saccager son for intérieur pour me consoler.

Je vais me dénoncer à la police lundi soir, en leur priant de venir me chercher à Cognac sur Rivière, l’endroit où je réside en ce moment, en compagnie de Delphine, une institutrice en retraite que je projetais d’assassiner….. Le matin, en taule, je ferais de la gym, et après le déjeuner, je travaillerais sur cette histoire de vide intérieur… J’essayerai de comprendre pourquoi je suis une merde, et dans la foulée, je tenterais de te l’expliquer à toi, lecteur… Je serais à nouveau un type qui explique comment il faut faire, qui s’occupe du cul du voisin plutôt que du sien, un peu comme lorsque je donnais des cours de gymnastique et que je disais levez, baissez…