J’élève mon enfant seul.
C’est moi, moi seul qui ai foutu Valérie à la porte aux 6 ans de Brian. Elle n’a même pas fait semblant de réclamer la garde, de même qu’elle ne savait pas faire cuire un simple steak, et peut être y a t-il un rapport de cause à effet avec son incapacité de faire autre chose que gouzi gouzi à la face somptueuse du fruit de mes entrailles. On finira par importer les mères de nos gosses, bientôt…
Les 30 dernières années de féminisme ne suffisent à expliquer mon instinct de géniteur.
Je me fais un devoir de quitter le taff en secret pour aller le chercher. La pensée de dépenser de la thune pour qu’il serre une autre main que la mienne m’est trop douloureuse, assassine. Bouffante. A vrai dire, je vis dans la douleur depuis que mon sang coule dans ses yeux… Ce n’est pas du bavardage: lorsqu’il se fritte avec un autre gamin, je suis ce dernier, je débarque et tabasse la famille, le chien, je pisse dans le frigo, je leur signifie que leur ombre a froissé la mienne pour des temps indéfinis.
Brian a une intelligence limitée (je ne suis pas sans lucidité sous prétexte qu’il est mon fils). Je ne m’en plains pas. Il n’y a que les parents stupides pour rêver d’un gamin avec intelligence hors normes, alors que celle-ci condamne, isole, toujours les mêmes gamins prennent les glaviots dans la cour, et je m’endors en sachant que le mien se prélasse dans les choses de son âge. Que de déceptions accumulées faut-il, pour rêver d’un enfant exceptionnel.
Je ne lui parle pas d’Heidegger, ni de religion; si il est fait pour ces choses, il s’y amènera seul, avec ses petits pieds et ses longs cheveux que je caresse pendant des heures, jusqu’à sentir ma propre faiblesse au bout de ma main. Jamais je n’aurais pu penser trouver un corps à ce point formidable, sans pour autant le désirer le moins du monde. Il me tarde qu’il devienne grand et invivable. Je ne veux plus m’éprendre d’un corps sans pouvoir m’y soustraire en le baisant, en le renvoyant à ses lourdeurs, ses défauts, sa réalité non négociable. C’est une torture, et je le dis la conscience vierge devant le Seigneur: j’avalerais ses cheveux, si le bon sens me faisait défaut.
Dans le salon je n’hésite pas à mettre un film de boules. Il passe, regarde, mime parfois les scènes avec ses action man. Je veux qu’il ne rougisse pas, lorsque les filles de demain lui réclameront des faciales, insultes salaces en anglais, objets divers dans la chatte avec pénétration anale. Les temps changent. Je veux qu’il en profite. Il faudra qu’il tâtonne ce qui restera d’humain dans un gonzo sans caméra. Y arrivera-t-il ? J’aimerais être à ses côtés, dans ces moments, lui murmurer que rien est grave, vanité pour vanité baiser pour un spectateur imaginaire, ça se défend…
Hier une grande cruche, assistante sociale ou une connerie du genre est venue m’expliquer que les oreilles de Brian étaient rouges de sang, et qu’à défaut d’avoir un chien je devais être un beau salopard. Je lui ai répondu calmement que je les lui tirais souvent, c’est vrai, lorsque il ne se tenait pas droit, manquait de prestance, je lui ai sommé de regarder mon fils et de voir qu’il déambule comme Delon dans ses meilleurs jours…sur les boulevards nous ressemblons à deux généraux sans le moindre officier, et c’est le moins naturel au monde, la plus belle récompense d’une éducation que de renvoyer sa veulerie aux 4 murs de sa chambre.
Elle n’a pas pipé grand chose, la grande cruche, et a louché durant tout l’entretien sur le film du salon…
A ses 15 ans je le foutrais dehors, coup de pieds au cul comme avec sa mère. Il m’aura rongé 15 ans de ma liberté; ce sera à son tour, d’aller conquérir la sienne. Elle ne se lègue pas, cette volonté d’être responsable de soi-même, ni ne se déploie ailleurs que dans une vie de dingue bafouillée par un ivrogne. Je la lui souhaite d’ailleurs longue et pleine de grâce, puis sans pépins de santé. Au pire il pourra aller voir comme on se fait chier avec maman.