Le hussard sur le toit

 

Sylvie Giono, la fille, raconte à peu près ça, dans ses mémoires:

Dans le Hussard sur le toit, mon père faisait mourir sa ville dans des souffrances atroces, et ça l’apaisait… Les gens de Manosque, ceux qui l’avaient traité de collaborateur et se trouvaient à trois kilomètres du domaine, en bas, il les faisait crever par paquets de trois ou quatre cent,  à chaque séance de travail… le soir, quand il descendait souper, il nous disait en rigolant qu’ils avaient fait sur eux avant de rendre l’âme, et que du reste ils  puaient du cul bien avant, à force de se chier dessus, parce que c’est d’abord ça, le choléra … Grâce à tous ces meurtres, j’ai eu la chance d’être éduquée par le meilleur des pères, le plus détendu, le plus apaisé, le plus rigolard et le moins revanchard, monsieur de Télérama… C’est bien ça, je ne fais pas d’impairs, c’est bien Télérama qui vous envoie, connard?…

 

Ce que c’est que l’Art, tout de même… Sommes toutes, ça consiste à tuer des gens, mais à négocier la modalité de la mise à mort, car je vous jure que tous ces gens ont bien été massacrés par Giono, dans le Hussard, qu’il vous faut arrêter de lire si vous ne croyez pas à ce type d’évidences cardinales, un peu comme vous devez en urgence arrêter la messe si vous pensez que la communion des Saints, c’est de la blague… Moi, quand j’assassine un personnage, je  tue pour  de vrai, je fais en sorte qu’il le sache, qu’il est mort quelque part dans un coin de l’espace-temps, ce gugusse, que c’est moi le procureur, et je m’arrange pour le croiser, pour constater le décès dans son œil.

 

Serge, c’était mon frère, il est mort dans les  semaines qui ont suivi le 11 septembre 2001, sur l’autoroute, en scooter, près de Lyon… Comment vous expliquer ce qu’elle m’a fait pour de vrai, cette mort?

 

José Jovianni dit une chose indépassable, dans un documentaire… En substance, il explique que si l’on filme Jean Gabin ou Lino Ventura en plongée, de dos, en imperméable avec un feutre, rue Saint-Denis, en train d’aller d’une pute à une autre, le spectateur ne pensera pas la même chose selon qu’il s’agit du premier ou du second…

 

Si je filme Gabin, disait-il, le spectateur pensera qu’il relève les compteurs… Si je filme Ventura, il croira qu’il  évangélise les filles… Si tu veux comprendre pourquoi c’est comme ça, mon pote, je t’avertis que tous les livres écrits par les psy orange et citron  ainsi  que tous les ouvrages d’Art consultables en bibliothèques ne te seront d’aucun secours…  Mon pote.

 

Tout ceci est totalement indémontrable, en effet… Imaginez un tableau accroché à votre mur, au salon, un type de dos en imper, une pute de face, et selon la façon dont est dessiné le dos, celui qui fixe la dame est un criminel ou un bénévole catholique… C’est fascinant, on entre en métaphysique, n’est-ce pas…

 

Serge,  Il était gentil, les traits de son visage étaient correctement tirés, mais enfin, si Giovanni avait filmé  en plongée le garçon, le spectateur ce serait demandé pourquoi il existe, lui, parce qu’il y en a  plein déjà, des comme ça…. Pourquoi il existe, pourquoi Dieu a-t’il prit le temps de faire un truc pareil?… C’est une question fondamentale que se posent des cow-boys texans, dans un western dont le nom m’échappe, alors qu’un entrepreneur en spectacle leur montre un chameau, animal dont ils ignoraient l’existence… John, il faudra demander au pasteur pourquoi le Tout-Puissant a fait un truc aussi moche// Tu as raison Andy, regarde comme elle est affreuse cette bête, vlas t’y pas qu’elle me crache au visage, à présent// Tu veux que je la tue d’une balle dans la tête, John?//Vas-y Andy tire, je la tiens au garrot…//

 

Pour vous dire la vérité, j’avais souhaité qu’il crève, de tout mon cœur, et je l’avais même chopé entre quatre yeux pour lui parler du proverbe chinois, celui où l’on voit passer les cadavres de ses ennemis en s’asseyant au bort d’un fleuve…. Il s’était forcé à rire, bien entendu, pour me signifier que j’étais un poète et qu’il me ferait chier jusqu’à  ses 95 ans, lui qui en avait 24…. Tous les connards se forcent à rire, vous remarquerez, pour simuler le mépris, c’est l’une de leurs bottes les plus prévisible …

 

Pour se distraire, Serge s’amusait à enfoncer son doigt dans le cul des chats… Je lui avais expliqué qu’en vertu d’une jurisprudence invisible que je suis bien incapable d’expliquer, ça mérite la mort, ce genre de chose, si on la fait dix fois de rang  sans savoir qu’on fait le mal, je lui disais qu’il passerait pas les trente ans, et donc, un petit matin, la gendarmerie m’a fort logiquement téléphoné pour me dire qu’il n’en restait rien, de Serge…

 

Vous voyez ce que c’est, une balle de tennis? C’est à ça qu’était réduite sa petite tête à gifles, après que le camion lui soit passé dessus…. Vous imaginez ce que ça fait, trente tonnes qui écrasent un visage? Un visage écrasé par trente tonnes? Moi je ne vois pas, j’ai vu, les gens de la morgue ont soulevé le drap pour me montrer, et je m’y attendais assez pour comprendre ce qui venait de se passer vraiment.

 

Bientôt, comme chaque année, ils vont donner une messe pour le cher disparu, les gens de sa famille… Normal, ils enfoncent tous des doigts dans le cul des  Chats, pour se distraire.

 

Ils le font sans témoin, je fiche mon billet qu’ils jureraient  de bonne foi qu’ils ne font pas ça, eux, mais Dieu les voit, et moi aussi.

7 réflexions sur « Le hussard sur le toit »

  1. kobus van cleef

    en dépit du fait qu’il était pacifiste et/ou collabo ( mais qui ne le fut pas ? même notre défunt et aimé président hanchois premier le fut , alors….) giono était un formidable auteur et le hussard est un des livres que j’emporterais avec moi
    peut être pas sur une île déserte
    mais si je devais refaire mon service militaire, par exemple
    y avait la suite aussi , le bonheur fou
    pour le cul des chats , je sais pas , j’ai jamais essayé
    ceci dit , menacer les gens de malemort dans un bouquin n’a jamais empéché quiconque de commettre des horreurs au regard de l’auteur du bouquin, sinon , vous pensez bien que tous les financiers, tous les notables et tous les possédants de vronze se seraient chié de trouille en lisant manchette, quadrupani et autres fred vargas ( et je parle pas des leroy)
    remarquez, faudrait déjà qu’ils les aient lus
    ce qui est délicat , au vu de la pesanteur des auteurs sus cités
    moive, par exemple, je lis en ce moment un recueil de romans noirs de manchette
    en fait c’est un modèle
    un anti modèle
    c’est exactement l’illustration de la façon dont il ne faut pas écrire
    je dirais pas que c’est comme leroy car oncques n’ai lu leroy, mais c’est pesant , pataud , sans surprises , sans atmosphère
    le seul truc , ce sont les patronymes
    les méchants ont des patronymes provinciaux , genre émile ventrée , les brave sont soit espanches soit youtrons, bref , ce qu’on est convenu de désigner par « victimes de l’histoire qui n’acceptent plus leur condition de victime »
    manchette ayant bienheureusement defunté depuis les 80, il n’y a pas encore des beurs ni de n’haîgres mais ses suiveurs n’en font pas l’économie

    dans un prochain post , je vous expliquerais pourquoi cette littérature de hall de gare est , malgré tout, salutaire

  2. kobus van cleef

    la photo qui illustre l’article est pas bien cadrée et trop contrastée
    on voit pas bien ce que ça représente
    un scooter après le gadin?
    l’équipement ( champs, ancillaires,microscope opératoire…) du chirurgien plasticien, spécialisé dans la réparation du cul des chats?

    sinon , manosque, c’est très beau comme bled

    enfin , maintenant , il y a plus que des embourquassées et des barbichus en plus des bouseux d’origine
    pas que je déteste les bouseux autochtones , au contraire, je les aime
    mais le mélange avec les barbus et leurs embourquassées , ça provoque des tensions, des conflits intérieurs qui vont finir par les rendre bien pire que les contemporains de giono si l’occasion s’y prête

    1. XP Auteur de l’article

      Vous avez raison.

      J’ai remis une photo plus dans l’esprit du texte, du travail de Giono et du « Hussard… »

      Je voulais évoquer le merveilleux concept de « justice immmanente », et je crois que ce cliché illustre mieux mes propos^^

    1. XP Auteur de l’article

      La vraie haine est totalement invisible, c’est le rôle des écrivains de montrer ça, de « sauvegarder les phénomènes »…

      C’est aussi le rôle des écrivains de montrer qu’elle esat punie quelque part, dans le cadre d’un orde ionvisible.

      L’existence et la mort de ce Sege témoignent parfaitement de ce que la justice divine est partout^^

      Et puis la vraie haine est complètement liée à la populace, c’est presque la même chose…

      1. kobus van cleef

        ha je suis pas sûr de vous suivre sur ce point là

        la haine ne connaît ni frontières ni classes ni sexe ni race ( qui n’existe pas )ni âge

        ce sont les manifestations de la haine qui connaissent des degrés ou des seuils ou des plafonds

        la haine en groupe et chez les bas de plafond , cette haine, chez ces gens , donc , est souvent lyncheuse , car d’une façon générale , la foule est lyncheuse , lyncheuse et certaine de son impunité sauf si les lynchés ripostent ( voir ce qui se passa lorsque en 2002 , deux troufions chouifs furent lynchés par des gentils palestoches à ghaza – prononcez « gheuzeu »- et qu’après des mois d’enquètes , de soudoyage de témoins, de pressions et de tortures – forcemment extrajudiciaires- les coupables furent retrouvés et enchristés sans autre forme de procès )

        la haine, lorsqu’elle étreint les gens civilisés et pas violents, comme vouzémoi , peut se reveller encore plus féroce , elle devient alors recuite ….elle ne s’éteint pas, voyez , comme le chagrin , elle se multiplie( special dédicasse à fidel c )

        j’arrive à haïr , froidement , méthodiquement , quasi scientifiquement , toute une tripotée de bas fumiers auxquels je ne pardonnerais jamais

        je pourrais donner des noms

        ce ne serait pas digne du sentiment que je porte

        vous me demanderez comment un chrétien peut il haïr ?

        parce que je ne suis pas chrétien…

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