J’insiste

Je vous le demande comme un service:  lisez ce blog .

Ici, vous trouverez l’intégralité des textes. Ca tient sur trois pages, ça ne vous prendra qu’une heure ou deux, et vous m’en direz des nouvelles.

 

Je suis un garçon doux, vraiment. Je me suis battu qu’une fois, une seule, et je m’en souviens encore, comme tous les gens qui me connaissent et les collectionneurs de faits divers du Parisien. Ca remonte à 5, 6 ans maintenant. On se permet même de me titiller avec ça: on me sort «non, me frappe pas à coups de batte, nonnn…!». Je dis rien. Je souris. C’est de l’histoire ancienne, comme on dit.

De ce temps là je traînais avec Guillaume, une vraie baraque. Il ne semblait s’intéresser dans la vie, en général, qu’aux voitures et aux femmes. Et dans le fond je le jalousais, car avec mes bouquins de Baudelaire et de Céline sous le manteau, c’est bien lui qui serrait, impressionnait les filles avec sa gouaille et sa belle gova. Quand une fille me disait « ouai, c’est bien de lire des livres » – moi, je rêvais de lui foutre le Voyage au bout de la nuit en pleine gueule, car entre un homme qui peut lui réciter Racine et un qui roule en Maserati, je connais le résultat : c’est Guillaume qui emballe.

Guillaume justement, il m’appelle un vendredi soir pour aller boire un verre sur les grands boulevards, ce qui veut dire qu’il va chercher à faire deux trois courses et rire à m’entendre flipper, puis consentir à aller boire une pinte tout en me parlant de moteurs V8. J’accepte, d’autant plus qu’il y a Sabrina qui vient. Une sacrée fille, elle. Je me demande encore comment un type pareil a pu la rencontrer- c’est sans importance, depuis cette soirée je ne l’ai jamais revue, ni elle, ni lui d’ailleurs.

J’y vais le mieux sapé du monde, il fait ses courses avec quelques cadres rentrant du boulot, il frôle les 250 km/h, je manque de vomir, de mourir pour son égo de beauf,  il rigole, m’assure qu’il contrôle tout, puis on se gare rejoindre Sabrina, et on va le boire, ce foutu verre avec cette marocaine pour qui moi aussi j’aurai pu rouler trop vite, pour la posséder, un peu, comme il le fera lui-même bien après.

On notera qu’à ce moment ci, posé dans ce bar faussement branché, je ne me doute pas le moins du monde que je vais me transformer en être abominable, violent, raciste dira le Parisien; non, je bois mon vin, j’alimente la conversion, je tente d’attirer l’attention de Sabrina; je passe une soirée tiède et agréable.

Au moment de regagner la voiture, on entend deux types qui nous interpellent. A la voix, je les reconnais, je les renifle: deux racailles qui vont nous faire chier, prétextant une clope pour humer si ça flippe, puis enchainer sur Sabrina, la complimenter de manière crade, voir si on réagit etc…car tout ça, les mille et une bastons de fin de soirée, ce n’est que de la frustration qui se libère, du ressentiment de mecs qui vont s’endormir seuls…si tout le monde chopait, l’alcool mauvais n’existerait tout simplement pas…donc deux cailles en fin de soirée la bave aux lèvres, c’est de l’acide dans un monde de dentelles….et tandis que je pense à ces vérités tristes ces deux noirs sont justement en train de nous demander où l’on va….et blabla…et puis vasi que je demande si Sabrina est célib, si elle est partante pour un plan à plusieurs et blabla…Guillaume s’énerve, bouscule l’un des noirs, l’autre me choppe au col, Sabrina tente de calmer le jeu…Guillaume va chercher sa batte dans le coffre, tout ça va virer au drame, les quelques passant accélèrent, feintent de rien voir : oui tout ça va virer au drame…puis le plus grand noir dégaine un couteau, un truc immense, et là Guillaume flippe, il se chie littéralement dessus, lâche sa batte, embarque Sabrina dans sa caisse et décampe à 180 sur les grands boulevards.

Je suis seul, donc, lâché comme une carpette à deux fauves ivres…et le grand noir ironise « ton pote a fait sa pute…viens maintenant, fais le bonhomme on va rire… »…je ramasse la batte, je tremble, il doit bien le voir, il s’approche avec sa lame et marmonne puis je le frappe aussi fort que je peux en pleine mâchoire, bang, home run….il s’écroule au sol et l’autre noir décampe…je me souviens avoir entendu crac, et vu une ligne de sang longue et rectiligne au sol…Ensuite les témoignages divergent : un serveur a déclaré m’avoir vu lui lancer une dizaine de coups de batte en proférant des insultes à caractère racial; moi, je me souviens juste l’avoir frappé en pleurant puis avoir couru la peur au ventre.

3 jours plus tard, en apprenant par Sabrina que Le Parisien relatait l’embrouille (il titrait en caractère gras Un jeune noir agressé en plein Paris), j’ai flippé et j’ai fait ce que toute personne équilibrée aurait fait: je me suis rendu au commissariat de police le plus proche.

Le grand noir s’appelait Cédric Goudiaby, se déplaçait désormais en chaise roulante, et portait plainte pour coups et blessures tout en étant soutenu par une foule d’associations anti raciste. J’étais mal, très mal, et j’ai passé plusieurs nuits à m’imaginer sous la douche à Fleury Mérogis, mon joli petit cul entouré de toxicos et multi récidivistes.

Heureusement mon avocat, Mr Lapoissière, un ami de mon oncle, l’a joué finement. Il a mis en avant le fait qu’un fils d’immigré comme moi, parfaitement assimilé, et ayant toujours respecté les lois de la république, ne pouvait avoir commis un délit à caractère raciste, mieux, il s’agissait d’un acte de légitime défense et il n’a pas omis de rappeler au juge le casier de dealer de Goudiaby. C’était là l’acte d’un jeune homme apeuré, étranger à la violence, qui par ailleurs s’avérait être un lecteur passionné de Flaubert et Maupassant (il a vraiment dit ça au juge, le con).

Je m’en suis tiré libre comme l’air: interdiction de me tenir à moins de 2 km de sa cité dégueulasse où je n’aurais mis les pieds, et 800 euros de dommages et intérêts que ma famille a intégralement payé. Cédric Goudiaby remarche, d’après ce qu’on m’a dit, difficilement mais il remarche. J’ai reçu depuis quelques menaces de mort sur ma boîte mail; Mr Lapoissière m’a dit que c’était classique, qu’il fallait attendre. J’ai attendu, puis plus rien.

Il y a une justice en ce bas monde. Je ne sais pas si elle marche continuellement, si elle a toujours besoin de tribunaux pour protéger les honnêtes gens, mais pas de doute pour moi: je suis béni, je n’ai plus d’excuse pour rater ma vie.

8 réflexions sur « J’insiste »

  1. ClockworkBlack

    Ca me rappelle qu’il y a quelques temps j’étais tombé, par l’entremise de votre blog, sur celui d’un type qui évoquait entre autres son quotidien de nabot laid et difforme, entre misère sexuelle et observation un peu désabusée de la société frônçaise. Je crois que le lien se trouvait dans la rubrique « actualité » sur le côté droit de la page. Si quelqu’un voit de quoi que j’cause, faudrait refiler le lien.

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