Le manifeste conservateur de 1950

Son [Atlee] gouvernement était vraiment réformateur, et aujourd’hui bien plus qu’à l’époque, on s’aperçoit que le Manifeste travailliste de 1945 était très à gauche. Juste après la guerre, les discours sur la planification et le contrôle d’État faisaient écho à la rhétorique de guerre, si bien qu’on n’en comprenait pas toutes les implications. En fait c’était un assaut global contre les affaires, le capitalisme et l’économie de marché. Il fondait son analyse sur l’idée suivante : « Sauf en temps de guerre, je doute que nous ayons jamais utilisé la totalité de nos capacités de production. Cela doit changer. » Seul l’État serait habilité à juger des ressources qui devaient ou non être utilisées dans l’intérêt national. Ce n’était pas seulement sur un terrain social qu’il parlait de nationalisation et de planification, mais également sur un terrain économique. Pour lui, les monopoles ne se créant que dans le secteur privé, la nationalisation du fer et de l’acier se justifiait par ce principe : « Ce n’était que si le contrôle d’État remplaçait les monopoles privés que l’industrie trouverait toute son efficacité. » L’attitude du parti travailliste se révélait surtout radicale vis-à-vis de la terre et il était clair que si les collectivités locales achetaient frénétiquement les terrains disponibles, c’était bien parce que le parti « croyait à la nationalisation des terres et œuvrerait en ce sens… »

Le gouvernement travailliste avait fait preuve d’audace pour appliquer les mesures annoncées dans le Manifeste. Personne n’avait rien à lui reprocher de ce côté-là, mais c’étaient les conséquences économiques du socialisme — dévaluation, retour de l’inflation qui donnaient prise aux attaques. Avec les énormes dépenses publiques, la part des prélèvements obligatoires était restée la même ou presque que pendant la guerre : 9 shillings par livre. Le contrôle étatique fut encore amplifié — le rationnement toucha le pain en 1946 et les pommes de terre un an plus tard. Lors de la campagne électorale de 1950, il devenait donc possible de se battre sur les thèmes les plus dangereux qui soient pour un gouvernement en place, mais sur lesquels je me sentais le plus à l’aise: un cocktail de principes idéologiques et de problèmes plus terre à terre du style « beurre dans les épinards ».

Le Manifeste conservateur de 1950 était un document très habile associant une critique des théories socialistes et une liste de mesures prudentes pour y mettre fin. Il insistait sur les dommages de l’inflation, sur la mauvaise gestion gouvernementale et le gâchis imposé par la bureaucratie. J’étais particulièrement satisfaite de cette déclaration sur les affaires étrangères : « Le socialisme a toujours été le rempart le plus fragile qui soit devant le communisme, et il s’est souvent effondré devant lui en Europe de l’Est.
Nous ne sommes pas prêts à considérer les États et les nations tombés sous le joug soviétique comme perdus à jamais. »

Les conservateurs prirent la précaution de ne pas promettre la fin immédiate du rationnement, ni de lancer des idées sujettes à controverse sur les prestations sociales et les services de santé. Il y avait également une allusion rassurante au mouvement syndical décrit comme « nécessaire au fonctionnement économique et à l’activité industrielle ». Nous connaissions tous notre vulnérabilité dans trois domaines : le chômage (les électeurs se souvenaient du taux élevé des années 30 mais avaient oublié qu’il avait commencé à monter sous un gouvernement travailliste et à baisser sous le gouvernement d’Union nationale) ; les régimes sociaux (qu’on nous soupçonnait de vouloir démanteler) ; et notre prétendu « esprit belliqueux » (la ligne dure du gouvernement travailliste risquait de faire passer la rhétorique de Churchill sur la guerre froide pour une idée extrémiste et non un pressentiment fondé). Je dus moi-même aborder toutes ces questions durant les campagnes de 1950 et 1951.

Margaret Thatcher, Les Chemin du pouvoir, Mémoires II, Albin-Michel, p. 72-73.

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À propos Nicolas

« Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur la toit, et qu'il faillait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu'il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu'au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l'avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice, toujours fou,  eut l'idée de jouer le rôle du diable, et qu'il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait semé des sequins sur le plancher de sa chambre, et qu'il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre. »

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