Pourquoi il ne fallait pas aller voter (mais c’est trop tard)

Nicolas le disait, nous ne sommes pas des étatistes.

Et, cela tombe bien, en cela nous sommes infiniment modernes.

Précurseurs ? A peine.

Futuristes ? Tout juste.

Car le roman national et son indissociable communauté nationale qui trouvent aujourd’hui leur incarnation et leur sublimation parfaite dans l’élection présidentielle n’existent déjà plus. Comme le dit Elisabeth Lévy, le soir de l’élection, à 20h, voilà bien le seul moment où la France est unie. Comprenez que le reste du temps… Bref, nous assistons aujourd’hui aux derniers soubresauts de la République française qui, tout à fait morte en vérité, convulsionne encore pourtant deux fois tous les cinq ans et les soirs de coupe du monde de football gagnée.

La mondialisation, c’est à dire l’explosion des frontières pour les hommes et leurs capitaux ont transformé notre système comme on ne l’avait jamais vu depuis des siècles. Et elle continue à le faire. Tout comme la RDA est tout à fait morte lorsque de toutes petites brèches permettant aux allemands de l’Est de commencer à s’enfuir se sont ouvertes ici et là, la mondialisation et sa fin de toutes les frontières sonne le glas de la République française.

A quoi cela sert-il de disserter comme le font certains, j’en ai vu encore hier, sur l’interdiction de l’avortement dans un pays qui autorise à chacun de sortir à tout moment se faire avorter ailleurs ? A quoi cela rime-t-il de prétendre vouloir plus taxer les riches dans un pays qui permet à ceux-ci de partir vivre n’importe où sur le globe ?

Soit on ne vote pas, parce qu’on est déjà dans le monde d’après et que, dans ce monde d’après, voter pour une sorte de Reine d’Angleterre ne fait pas grand sens.

Soit on vote Sarkozy ou Hollande, parce qu’on considère que cela défend ses intérêts de retraité et/ou de fonctionnaire.

Soit on vote Mélenchon ou Marine Le Pen et leurs prétendues pulsions protectionnistes avec l’idée de conserver encore un peu plus longtemps le monde d’hier.

Si on croit à leurs promesses.

Et tout en sachant que, même s’ils les tiennent, on ne fait simplement que repousser un peu l’échéance.

Mais, encore hier, ces questions qui me sont tombées dessus lorsque j’avoue que je ne vote pas, que je n’ai jamais voté et ne le ferais jamais.

Alors qu’est-ce qu’on fait ? Puis cette question de militants du XXème siècle : Qu’est-ce que tu fais pour que ça change ? Ou vas-tu militer ? Descends-tu dans la rue ? Fais-tu des assemblées générales ? Pourrais-tu sortir de tes postures ?

Mais il n’y a pas de posture.

Pas plus qu’il n’y a de devoir à aller voter.

D’ailleurs, je suis stupéfait du nombre de gens qui aimeraient le rendre obligatoire. Car voilà d’évidence, avec ou sans réforme concernant alors la dite reconnaissance du vote blanc, une nouveauté qui démontrerait de manière parfaite que le vote n’est plus qu’un colifichet qui ne change rien. Une sorte de démonstration par l’absurde.

Non, pas de posture, ce n’est juste pas politique comme on l’entendait il y a un siècle et comme certains l’entendent encore aujourd’hui…

Ces zones qui se créent de facto autour de nous et dont chacun comprend bien que leur logique ne répond absolument plus au mythe de la communauté nationale.

Ces stratégies d’évitement (fiscal et autres) qui sont de plus en plus pratiquées par une partie non négligeable de la population, au point que l’Etat multiplie les tentatives de récupérer ce qui existe en dehors de lui, que ce soit avec la médiatique chasse aux exilés fiscaux en Suisse ou avec la création du statut d’auto-entrepreneur.

Ces départs à l’étranger qui concernent de plus en plus de gens autour de vous. En cinq ans, combien en ais-je vu partir, plus ou moins longtemps et certains ne jamais revenir ? Chaque semaine, j’apprends qu’une connaissance s’en va ou tente de le faire activement.

Et je compterais internet aussi, formidable outil de liberté intérieure pour des Manuel Venator sans inspiration.

Citoyen du monde.

L’expression paraît ignoble à beaucoup. C’est pourtant vers cela que l’on se dirige. Inéluctablement.

Cela ne signifie pas non plus, comme je l’entends parfois, la fin de toute solidarité, l’essor irrésistible d’un individualisme ignoble et la loi de la jungle pour parachever le cauchemar. Non. Mais cela signifie l’essor du communautarisme et de toutes les solidarités infra-étatiques, des rassemblement entre des gens partageant de mêmes intérêts, croyances et tout ce qu’on veut.

Tout va bien.

Ce n’est pas grave si ce n’est plus l’Etat qui s’en occupe pour vous au sein d’une fantasmée communauté nationale.

Et comment voudriez-vous faire autrement avec le processus de mondialisation, qui détruit le fondement même de notre vieille communauté nationale, c’est à dire la quasi-impossibilité de s’y soustraire ?

Vous voudriez faire comme Julien C., dégommer du TGV pour récréer des solidarités obligatoires de proximité ? Mais c’est la même chose. On est en dehors de l’Etat. Enfin… La même chose en décroissant et en liberticide.

C’est d’ailleurs bien la seule chose qui pourrait contrecarrer le processus actuel, un renchérissement insupportable des déplacements. Sinon…

Mais j’en vois, parmi les libéraux même, qui se battent pour savoir s’il conviendrait que ce soit Sarkozy ou Hollande qui s’impose. Mais qu’est-ce qu’on s’en fout ? On est retraités ou fonctionnaires, c’est à dire encore largement préservés du processus de mondialisation ? Non ? Alors quoi ? Il faudrait vraiment prêter main-fort à ces deux populations pour que l’un ou l’autre l’emporte ?

La fiscalité ne sera pas la même selon le président élu ? Vraiment ? Vous pensez que ça changera vraiment ? Et quand bien même, et alors ? Ceux qui lisent ILYS sont ceux qui sont en capacité de se barrer demain.

Vous êtes attaché sentimentalement, presque charnellement diront peut-être certains, à votre pays, votre territoire, vos amis, votre famille ? Vous êtes certain que votre mode de vie ici ne pourra pas être répliqué là-bas ? Certain ?

Bon.

Voilà pourquoi nous sommes encore, pour peu de temps, des précurseurs. Tant mieux. Mieux vaut être parmi les premiers.

Et puis c’est quand même un peu plus excitant.

La voilà donc notre grande aventure collective.

Elle ne se fera plus comme les vieux l’entendent, Stéphane Hessel et compagnie, avec de l’indignation, des grandes messes populaires organisées, des utopies plein la tête et des hommes politiques à la baguette. Non, tout reposera sur nous. Personne ne sera là pour nous dire ce qu’il faut faire ou non. S’il faut construire à plusieurs un lance-flamme ou devenir bénévole dans une association.

Sarkozy ne serait pas libéral ? Hollande non plus ?

Bien sûr qu’ils ne le sont pas.

Mais ce n’est pas comme s’ils pouvaient faire autre chose que de seulement préparer retarder l’avènement du monde de demain.

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À propos Blueberry

Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère… Et le gouvernail est là qui ballote. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu alors qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire "oui" ou "non", de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’était peut être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a pas de nom. Et toi non plus, tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu comprends, cela ? Créon, Antigone, Jean Anouilh.

10 réflexions sur « Pourquoi il ne fallait pas aller voter (mais c’est trop tard) »

    1. XP

      Ce n’est pas tellement tel ou tel candidat, qui est désuet ou à côté de la plaque, dans cette élection, c’est l’élection elle même et l’importance que tout le monde fait semblant de lui prêter.

      Et c’est ce qui fait paradoxalement son succés. C’est le syndrome « tournée âge tendre ». Une sorte de show vintage. On fait semblant de croire que la fumée blanche va sortir a 20 Heure précise pour nous annoncer l’élection du nouveau Pape, alors que ce n’est pas le Pape, mais René Coty, et qu’on a les résultats depuis 18 Heures…. Mais ça fait un joli spectacle de télévision. La preuve, on a tous regardé en manfeant des cacahuètes, hier soir.

  1. UnOurs

    Je me demande combien de temps la notion de « citoyen du monde », et plus généralement tout ce qui tourne autour du libéralisme hors-sol, qu’il soit sociétal ou économique, survivra à la raréfaction progressive de l’énergie fossile aisément accessible ?

    P.S : une petite expérience personnelle de l’esprit « libéral » (je suis évidemment pour la libre-entreprise et l’état faible, là où c’est à la nation d’être forte) : m’être fait jeter du forum des Pères Fondateurs, il y a quelques années, parce que, suprême audace, j’avais osé reprendre un discours d’Angela Merkel (célèbre national-communiste d’Outre-Rhin) qui disait qu’une « société multiculturelle ne pouvait fonctionner » 🙂

    1. Paul Hodell-Hallite

      J’ai pourtant l’impression que les libéraux ont investit en masse la mouvance survivaliste . Comme quoi … ^^ Le retour à la terre comme roue de secours .

      Bah , le libéralisme hors-sol est surtout symbolique , pas besoin de bouger son cul en 747 à Singapour pour acheter des aspirateurs . Un transfert des usines de Chine jusqu’en Europe de l’Est , dans le pire des cas . C’est déjà ce qui commence à se produire , et pas seulement en raison du coût du transport .

      Oui , le dogmatisme des libéraux « purs et durs » , leur espèce de tabou autour de l’immigration est assez agaçant . Probablement une volonté de montrer patte blanche , au moins sur ce point . Ou leur culte du mythe américain . A moins que ce ne soit un désir de se différencier à tout prix de la droite telle qu’elle est percue par une certaine gauche …
      Beaucoup d’angélisme , certainement .

    2. Paul Hodell-Hallite

      A propos :

      Robert Marchenoir

      Je recolle ce que j’ai écrit chez Vincent Bénard, salopard ultra-libéral certifié :

       » J’ai été parmi les premiers à dénoncer le socialisme forcené de Marine le Pen. Je voterai néanmoins pour elle pour une raison très simple : tous les candidats sont anti-libéraux, avec des nuances qui relèvent de la cosmétique.

      Un seul candidat est réellement opposé à l’immigration, Marine le Pen.

      Or, si cette dernière se poursuit, le peuple français disparaîtra, victime de génocide ethnique par substitution.

      Ce jour-là, le débat entre libéraux et anti-libéraux sera devenu sans objet. Discuter des modes d’organisation politique d’un peuple disparu n’a pas de sens.

      Je vote donc pour la survie du peuple français. C’est prioritaire par rapport au sujet du libéralisme.

      D’ailleurs, dans la discussion théorique et futile qui consisterait à envisager l’organisation politique que voudraient bien se donner nos envahisseurs, colonisateurs et génocideurs une fois parvenus à leurs fins, le libéralisme est exclu d’avance.

      Le libéralisme est une doctrine et un mode d’organisation politique qui n’est possible que dans une société d’origine européenne, blanche et de culture chrétienne. C’est dans une telle société qu’il est né, et il n’a jamais existé ailleurs.

      L’islam est fondamentalement anti-libéral, et les théoriciens musulmans le disent explicitement. Pour s’en persuader, il suffit d’observer les sociétés islamiques.

      Les Africains noirs sont incapables d’une organisation politique autre que tribale : il suffit d’observer l’Afrique et les municipalités noires aux Etats-Unis.

      Et si Marine le Pen est empêchée de se présenter, eh bien je voterai blanc, ou j’irai à la pêche. Ou à la chasse.  »

      Incidemment, j’ai été très surpris par les réactions à cette prise de position. Se déclarer opposé à l’immigration et adopter des positions réalistes sur la question raciale parmi les libéraux français, c’est comme péter à la messe. En général, je m’en prends plein la gueule.

      Eh bien, là, il y a eu une espèce de long silence, suivi seulement des caquètements d’un enfant socialiste de passage (ce qui ne compte pas), et de l’approbation bruyante d’un facho également venu d’ailleurs (ce qui ne compte pas non plus).

      Parmi les libéraux qui squattent l’endroit, en gros plutôt sérieux, intelligents et rationnels, rien du procès en nauséabonderie habituel dans ce milieu en pareil cas.

      Donc, soit ces gens ont eu un accès de politesse subit, et ont fait semblant de ne pas remarquer que quelqu’un avait pété, soit… eh bien… ils se sont mis à réfléchir. « 

      1. Nicolas

        Euh, vous savez que ce texte a été écrit AVANT le premier tour, et que la candidate pour laquelle il explique qu’il faut voter a été elle éliminée — avec un bon score, d’une manière qui lui permet des espoirs futurs, c’est entendu, mais elle ne sera pas président de la république cette fois.

        Je veux dire, en plus du fait qu’un article précédent était en grande partie une réponse à ce texte…

        Ou vous avez la tête dans le sable ? (ce qui vous mettrait le croupion en l’air)

        1. Paul Hodell-Hallite

          Je l’ai posté en réaction à ça , faut suivre …

           » une petite expérience personnelle de l’esprit « libéral » : m’être fait jeter du forum des Pères Fondateurs, il y a quelques années, parce que, suprême audace, j’avais osé reprendre un discours d’Angela Merkel qui disait qu’une « société multiculturelle ne pouvait fonctionner »

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