Un vieil article d’Acrimed, déniché par mon nouveau meilleur ami Al-Kanz, évoque la tuerie d’Oslo d’Anders Behring Breivik.
J’étais pourtant convaincu qu’après la découverte du fait que le tueur de Toulouse et Montauban se prénommait Mohammed Merah et qu’il se revendiquait d’Al-Qaïda, l’hypothèse Breivik serait durablement écartée.
Mais elle revient.
Par le balcon de la fenêtre aurais-je envie d’écrire.
Oui, la couverture médiatique, celle qui jusqu’au 20 mars 2012 n’osait dire clairement (par racisme) que les soldats étaient d’origine maghrébine et qui après le 21 mars osait mettre en avant l’origine maghrébine du tueur (par racisme toujours), serait un parfait exemple du deux poids, deux mesures.
Entre deux tweets rageurs d’Al-Kanz, dont un qui incrimine Patrick Buisson pour quelque chose qu’il aurait fait quand il avait douze ans, intéressons nous à cette petite idée du deux poids, deux mesures.
Tout d’abord pour constater que c’est la logique même.
Le deux poids, une mesure représente une solution qui ne me satisfait guère intellectuellement.
Quant au un poids, deux mesures, il oublie le nécessaire principe d’harmonisation.
Ensuite pour observer que l’accumulation d’erreurs d’analyse ne finit pas en faire une. D’analyse. Ni un post. Ni même un article.
Deuxième surprise, et pas des moindres. Plusieurs quotidiens et hebdomadaires ont tenté de comprendre ce qui avait pu motiver le tueur, sans se borner à l’attribuer à son fanatisme religieux. Un souci d’analyse que l’on ne rencontre guère quand « l’islamisme » est en question.
Eh oui. C’est tragique mais face à l’apparition d’un phénomène « nouveau », les gens cherchent parfois à le comprendre. Tandis qu’il semble peut-être un peu moins urgent, même si cela a été par ailleurs fait, de comprendre les motivations des terroristes de Madrid ou Londres. Je veux dire, le 11 septembre 2001 et ses millions d’articles étaient passés par là peu de temps auparavant. Plus loin, en France, on a également les attentats dans le métro de 1995. Donc, avec le temps, tout le monde a très bien compris ce que les terroristes islamistes nous reprochent vraiment…
Voilà d’ailleurs une intéressante différence pour un objectif semblable.
Les terroristes islamistes de Madrid et Londres, cachent leurs véritables objectifs derrière des prétextes plus ou moins fallacieux (enfants palestiniens, présence en Afghanistan, etc.) destinés à la fois à tromper les musulmans dans le monde et surtout à leur rappeler le concept de l’oummah.
Quant à Anders Behring Breivik, il met un point d’honneur à se montrer le plus précis et vrai possible dans son manifeste afin, lui, de dessiller les européens et de les rassembler.
D’ailleurs, les attentats eux-mêmes portent cette différence essentielle.
Anders Behring Breivik cible précisément les victimes de la tuerie par balle, des jeunes travaillistes, et place une bombe devant un édifice symbolique. C’est ce qu’on pourrait nommer le « dessillage » par le « dessoudage ».
Les terroristes islamistes de Madrid et Londres, eux, et contrairement d’ailleurs à ceux du 11 septembre qui avait pour idée de viser symbolique, ne ciblent rien du tout. Ils visent juste à faire le plus de morts possibles. Point. Et sans cibler une population précise à l’intérieur du pays.
Des attentats terroristes en double aveugle pourrait-on dire.
Nous n’avions pas été habitués à un tel zèle [pour Breivik] de la part de titres et d’éditorialistes qui ont plutôt coutume d’attribuer les actes terroristes, en tout cas lorsqu’ils sont l’œuvre d’intégristes musulmans, non à leurs motivations personnelles, mais presque exclusivement à leurs motivations politiques et religieuses, et notamment à leurs références irrationnelles au « Jihad ».
Mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi s’axer sur les motivations personnelles d’Anders Behring Breivik alors que lui, précisément, s’est amusé à décrire ses motivations politiques (qu’on peut juger irrationnelles aussi) en long et en large dans un manifeste de plusieurs centaines de page -et largement inédit qui plus est ?
Conclusion : un acte terroriste, s’il n’est pas l’œuvre d’un musulman, mérite d’être expliqué précisément. Sans pour autant être excusé, il peut être « compris ». Les causes et les raisons de son acte doivent être rigoureusement circonscrites… Pour innocenter d’éventuels responsables.
Eh bien justement non. C’est précisément pour qu’il ne soit pas « compris » que la presse s’est concentrée sur la personnalité d’Anders Behring Breivik. Afin que le contenu précis de son message puisse être largement ignoré. Plus que d’innocenter quelques éventuels co-responsables, il s’agissait de ne pas culpabiliser une grande partie de la population européenne. Il s’agissait d’enlever aux gestes d’Anders Behring Breivik la moindre once de rationalité possible.
On a discuté en long, en large et surtout en travers des causes du 11 septembre 2001, mais les causes des attentats de 2011 en Norvège ont donné lieu à une littérature beaucoup plus circonscrite au final. Cela s’explique en grande partie par l’ampleur différentes de ces tragédies. Mais pas seulement.
Un fou.
Anders Behring Breivik est un fou sanguinaire.
D’ailleurs, pour remettre en cause le vivre ensemble et le multiculturalisme, il faut d’évidence être un fou.
Aujourd’hui, Anders Behring Breivik et son avocat se battent pour qu’il ne soit pas considéré comme fou. Ce n’est pas anodin. Et ce n’est pas la preuve d’une insanité supplémentaire. Cet homme veut dire quelque chose. Il veut que ses propos soient considérés comme l’oeuvre d’un sain d’esprit. Que ce soit sur le terrain politique, théorique, qu’on lui réponde et qu’on l’accuse et non pas sur le plan psychanalytique.
Les convictions politiques et religieuses de Mohammed Merah peuvent être sans grand danger diffusées. Elles ne résonnent pas dans l’opinion publique. Juste chez les musulmans fondamentalistes, antisionistes et autres curiosités minoritaires. Les convictions politiques d’Anders Behring Breivik, elles, pourraient résonner bien plus largement dans les peuples européens.
Et c’est cela qui explique l’éditorial de Laurent Joffrin repris par Acrimed,
Il ne s’agit pas ici d’accuser tel ou tel populisme qui reste dans une stricte légalité, de stigmatiser tous ceux qui se réfèrent à la nation ou qui critiquent l’islam, ni de rendre le Front national – auquel on pense naturellement quand il s’agit d’hostilité envers les étrangers – responsable d’actes qu’il a toujours réprouvés sans ambiguïté. Il ne s’agit pas non plus d’incriminer, selon la méthode de la causalité floue qui autorise toutes les confusions, “une atmosphère”, qu’on qualifiera évidemment de “nauséabonde”, un climat d’“intolérance” instauré par ceux qui s’inquiètent de l’immigration ou qui se réfèrent à l’identité nationale et avec lesquels on rompt habituellement des lances. Non, Guéant, Sarkozy, Ménard ou Zemmour ne sont pour rien dans les événements d’Oslo. Elisabeth Lévy non plus.
Si l’auteur explique que Zemmour ou Guéant (etc.) ne sont pour rien dans les événements d’Oslo, c’est précisément pour dégonfler le geste d’Anders Behring Breivik. Laurent Joffrin n’a peut-être tout simplement pas envie d’expliquer à sans doute plus de 50% des français qu’Anders Behring Breivik, c’est finalement eux. Qu’Anders Behring Breivik n’est finalement qu’un Zemmour qui aurait mis en action ses pensées. Parce que Zemmour, Guéant et consorts, ont des idées, font des déclarations, qui plaisent à de très nombreux français.
Sinon, on attend un post équivalent chez Acrimed et par Julien Salingue de cet article pour l’affaire Mohammed Merah.
Nul doute qu’il viendra, nul doute…
*Oui, mes jeux de mots en titre de posts sont de plus en plus nuls…
Et puis, même si je ne les ai pas lus, je pense que Mohammed Merah « apparait » dans les écrits de Breivik. Anyway, le discours médiatique a atteint ses limites, il cherche à éteindre les feus qu’il a allumé, le problème, c’est qu’il ne dispose que d’essence pour ce faire. Lorsqu’un Chebel dit que MM n’était pas un vrai djihadiste, ou un BHL dit qu’il n’était « même pas un islamiste [ni un vrai musulman, of course] » ou lorsque Breivik est traité de « fou » ou d' »extrémiste chrétien » (plutot qu’extremiste blanc anti-immigration), c’est à dire lorsqu’il utilisent des dérivatifs à ce qu’ils fustigent habituellement avec clarté, c’est parce que leur discours ne peut tenir qu’en supposant l’existence d’une menace réelle, à condition qu’elle n’existe pas. (les muzs médiatiques qui nous font pleurer sur les enfants palos, mais pas là, BHL qui voit dans tout extrémiste blanc un antisémite mais oublie de dire que Breivik était farouchement prosioniste, etc..). C’est Tartuffe qui, pris au pied de la lettre, se met à relativiser ses propres injonctions.