Attendre jusqu’à se sentir vidé de toute énergie

Kiku ne comprenait pas pourquoi aucun des taxis qui passaient ne s’arrêtaient, malgré le petit signe lumineux annonçant « libre » sur le toit. Il avait beau lever la main sur leur passage, ils ne ralentissaient même pas. Qu’elles étaient donc les règles, dans cette ville illuminée vingt-quatre heure sur vingt-quatre ? Comment fallait-il faire pour communiquer avec les gens ? Ni l’argent ni la violence ne semblaient efficaces. Même quand il se précipita sur le taxi, mais écartées devant le pare-brise, en hurlant « Je casse tes vitres si tu ne me prends pas! » le chauffeur se contenta de sourire en secouant la tête. Quand il brandit des billets par la fenêtre d’une autre voiture en hurlant : « Je te paie trois fois la course ! » le chauffeur refusa d’ouvrir la portière. Kiku sentait ses forces le quitter, comme s’il se vidait lentement de son sang. Jamais il ne s’était senti aussi impuissant. AU bout d’une demi-heure, un taxi finit par s’arrêter devant eux. Il avait enfin comprit l’une des règles de la cité scintillante : attendre. Sans courir et se démener, ni hurler ou se montre violent, sans changer d’expression, simplement attendre. Attendre jusqu’à se sentir vidé de toute énergie.

Ryû Murakami – Les bébés de la consigne automatique ; Picquier poche, p. 117

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