Mauriac a déclaré dernièrement que Bonjour tristesse avait été écrit par le diable, je me suis donc empressée de lire ce roman. Eh bien, Mauriac aurait mieux fait de se taire, car le diable écrit beaucoup mieux que cette Mlle Saigon.
Flannery O’Connor, Correspondance, lettre du 24 septembre 1955
Je termine la lecture des ouvrages de Simone Weil.(…) La vie de cette femme étonnante m’intrigue encore, bien que ce qu’elle écrit me paraisse en grande partie ridicule. Mais sa vie combine dans des proportions presque parfaite des éléments comiques et tragiques qui sont les deux faces opposés d’une même médaille. Si j’en crois mon expérience, tout ce que j’ai écrit de drôle est d’autant plus terrible que comique, ou terrible seulement parce que comique ou vice versa. Ainsi la vie de Simone Weil me frappe-telle par son comique exceptionnel autant que par son authenticité tragique. Si avec l’âge, j’acquiers une pleine maîtrise de mon talent, j’aimerais écrire un roman comique dont l’héroïne serait une femme – et quoi de plus cocasse qu’une de ces redoutables intellectuelles, si fières, si gonflées de savoir, s’approchant de Dieu, pouce à pouce, en grincant des dents?
La-dessus, je vous quitte, sur mes deux jambes d’aluminium.Ibid
Naturellement, un artiste doit se demander tous les matins comment il va s’y prendre pour tuer son père, violer sa mère et renier sa patrie, il ne doit donc pas en avoir, mais enfin ces quelques lignes définitives sur la grande catholique francophone Simone Weil écrites par la grande catholique américaine Flannery O’Connor nous rappelle tout de même une évidence: la littérature est mieux servie par la structure mentale anglo-saxonne que française…. Germinal de Zola a fait un triomphe sur les boulevards de Londres, parce que les Anglais avaient décelé le potentiel comique de ce gros pâté.
Pour le rock’n roll, ils ont l’accent tonique, et pour la littérature, ils ont les phrases courtes, le vocabulaire ramassé et donc plus évocateur que descriptif… Céline en est d’ailleurs la preuve vivante, lui qui a raboté toute sa vie son Français natal avec ses trois petits points, un peu comme un chanteur de Rock’nroll de Meudon qui se serait mis à chanter en yaourt et couper ses mots en deux pour donner de la musicalité à sa langue…. C’est d’ailleurs ce que la République des Lettres lui a fait payer, ces histoires de juifs et de collaboration n’étaient qu’un pretexte.
En tous cas, si XP avait été une gonzesse, elle aurait bien aimé s’appeler Flannery O’Connor.
Mais qu’est-ce que c’est désespérément chiant quand même Simone Weil.
Ah ça me rassure, j’ai essayé vraiment consciencieusement de la lire plusieurs fois mais je n’y suis jamais parvenue.
Oui, chiant, et surtout moins intéressant qu’on le dit.
Elle est très bien quand on découvre les idées catho-réacs, à 17 ans. Après, il faut vite passer à autre chose. L’effet qu’elle me fait, c’est que c’est quand-meme un peu des gamineries, quand-même, tous ça. On sent qu’elle est très jeune… La petite forte en thème de 28 ans qui a la prétention de faire des gros pensum définitifs de 600 pages.
Par contre, c’est dingue comme elle imprégne la pensée des réacs d’aujourd’hui… Peut-être parce qu’elle leur a fourni une pensée 1.0 non-évolutive, quio peut faire toute une vie, que c’est pratique et rasurant.
Je crois qu’il y a plusieurs choses déterminantes :
1° Une juive c’est toujours bon à prendre (sans double sens salace).
2° Ça leur permet de dire qu’ils ont un grand philosophe chrétien qu’ils peuvent faire semblant d’avoir lu en parcourant quelques resucées faites par Gustave Thibon — qui comme l’on sait valait largement Aristote, Descartes et Hegel réunis. On peut même ne pas lire les resucées à condition de prononcer « Simone Weil, la philosophe, pas l’autre » sur un ton pénétré. Les resucées de l’œuvre de Jean Nabert par exemple c’est plus rare, ce qui obligerait à le lire vraiment, or il écrit un peu compliqué.
3° Les cathos aiment bien leur doctrine sociale dont ils sont les seuls à comprendre ce que c’est tant c’est contradictoire et vague, alors l’autre qui est bravement allée travailler en usine, ça a aussi un effet d’aubaine idéologique incroyable.
4° Elle est toujours restée fidèle à cette sorte de Camille Flammarion de la philosophie qu’était Émile Chartier, dit Alain : à la fois chrétienne mystique et disciple aimante de la plus grosse huile radicale-socialiste officielle-décorée de la troisième République : une synthèse bien française, au mauvais sens du terme.
Au total elle prouve que les cathos aiment bien les juifs, qu’ils aiment bien les ouvriers, et qu’ils sont finalement bien à leur place dans la République qui les persécute. Le tout de la part d’une convertie morte tragiquement, ce qui flatte toujours le côté qui aime bien obtenir des conversions sur le lit de mort qu’on trouve encore chez certains.
Format grand luxe, Simone.
« à condition de prononcer « Simone Weil, la philosophe, pas l’autre » sur un ton pénétré. »
Ah ah ah!
Entendu une bonne centaine de fois, en effet^^
Tout est dit^^
J’aime particulièrement : » Les cathos aiment bien leur doctrine sociale dont ils sont les seuls à comprendre ce que c’est tant c’est contradictoire et vague ». Quand je pense au casse-tête schizophrénique qu’un certain de mes très proches subit pour rendre cette doctrine moins vague et moins contradictoire! Ah on n’est pas rendu…
Déjà, se référer en 2012 à une « doctrine sociale » (et donc économique) qui date du XIXème siècle, c’est déjà dramatique.
Il faudra que les catholiques comprennent que le concile Vatican II, c’est presque rien, dans leur histoire, que ce à quoi ils doivent réflechir, c’est cette « Doctrine » ni faite ni à faire.
Dans le genre …
http://plunkett.hautetfort.com/
… des fous, des fous !
N’exagérons pas : « des fous »; non UN fou, d’élite certes, mais bon tous les catholiques ne sont pas de cet acabit.
Plunkett n’est pas un fou, c’est un con.
O’connor s’enthousiasmait dans le même temps pour les fumeuses élucubrations évolutionnistes d’un Teilhard de Chardin… Ce qui en dit long sur sa capacité de jugement, son catholicisme, et la nature de son « rejet » de Simone Weill.
« O’connor s’enthousiasmait dans le même temps pour les fumeuses élucubrations évolutionnistes d’un Teilhard de Chardin »
Teilhard n’a jamais eut grand chose de vraiment sulfureux. Et elle n’en a « pris » que ce qui l’arrangeait, et de manière assez ironique, d’ailleurs. Finalement, quasiment rien, si ce n’est la substance augustinienne. Difficile de la lire de voir une quelconque influence de Teilhard si on ne sait pas qu’elle le lisait.
Donc ça n’en dit long sur que dalle.
Toujours cette incapacité à comprendre qu’une personne comme O’connor n’est pas une vulgaire universitaire mais une artiste.
Que c’est donc en artiste qu’elle appréhendait le catholicisme ou qu’elle jugeait Simone Weil, ce qui est autrement plus sérieux et édifiant qu’un banal dégagement intellectuel.
à propos de Teilhard, je n’ai pas dit « sulfureux », j’ai dit « fumeux »… un peu comme vos réponses… (avec un joli point godwin en prime pour la seconde)