Reprenons

J’aimais bien les gens de chez Moneyweek, qui se retrouvent maintenant pour l’essentiel chez Agora. Ils ont plutôt souvent raison, ce qui est tout ce qu’on leur demande. Cela vient sans doute du fait qu’ils ont plus recours au simple raisonnement logique que les abrutis béats de certaines lettres dites confidentielles liées à de grand magazines économiques. Leur pensée est plus « autrichienne », plus philosophique. Avec cette particularité de la pensée philosophique qu’il est toujours amusant et instructif de la pousser jusqu’à son terme pour éclairer la question.

Aussi j’aime bien prendre Simone en défaut de timidité, ce qui n’arrive pas très souvent. Surtout si ça permet de revenir sur cette histoire de rendement négatif de la dette allemande.

« Comment expliquer que des investisseurs acceptent de prêter de l’argent avec un rendement réel négatif, en d’autres termes qu’ils acceptent de payer pour qu’on garde leur argent ? Parce qu’ils ont peur d’en perdre partout ailleurs ! »

J’étais prêt à m’arrêter fermement à la même conclusion voilà deux jours. Puis XP et l’un de nos estimés commentateurs m’ont fait réfléchir un peu au delà de ma formulation volontairement simpliste par souci didactique.

D’abord on peut toujours investir ailleurs sans perdre d’argent, avec la quasi-certitude de gratter quelque chose en intérêt. Les coupes de bois, la vente d’eau potable, les matières premières bien suivies, certains services informatiques maintenant incontournables… Puis nous parlons de qui ? pas de Madame Michu. Madame Michu elle a un livret A et deux Napoléons qui lui viennent de ses parents dans la petite boîte qu’elle cache sous la cheminée. Nous parlons de grandes institutions financières, qui savent toujours gagner un minimum d’argent, quel que soit le marché. Elles peuvent certes en perdre, parfois beaucoup, mais en gros, si vous leur confiez cent millions et que vous voulez en toute certitude les revoir dans six mois ou un an avec un petit intérêt, elles sauront faire. Pour une telle somme, elles sauront même isoler ça pour vous d’autres risques qu’elles sauraient courir. Les risques de change elles savent faire et neutraliser aussi. A fortiori savent-elles faire tout ça pour elles-mêmes. Pourquoi donc vont elles mettre de l’argent – le bon cash qui est king devient somme toute rare – dans la dette allemande à un rendement négatif ?

Il me semble que ça s’éclaire si on va un pas plus loin. Elles n’ont pas peur de perdre de l’argent, ces institutions qui ont acheté de la dette allemande plus cher que cela ne leur sera remboursé. Elles savent qu’elles en gagneront. Ou plutôt qu’elles pourraient en gagner et dans les stratégies compliquées qu’elles mettent plus que jamais en place pour couvrir chaque investissement par d’autres, ça a joué.

Sur quoi comptent-elles donc ? pas de manière certaine, mais comme une possibilité qu’elles ne peuvent négliger et qu’elles n’ont pas négligé ? Il y a une seule réponse. Elles pensent qu’elles pourraient être remboursées en néo-Deutsche-Marks de ce qu’elles ont prêté en euros (en fait, de ce qu’elles ont payé en euros, c’est pour ça que les rendements négatifs sont possibles sur le marché primaire : récemment l’Allemagne a décidé de ne plus adjuger ses obligations en taux, mais en prix, si on paye plus de 100 euros pour 100 euros qu’on se fera rembourser au terme, ça fait bien un rendement négatif). Ou encore elles imaginent qu’elles pourraient être remboursées en super-Euro réapprécié, ce qui revient au même si les pays à problèmes sortaient de l’union monétaire et si l’Euro devenait la monnaie de l’Allemagne, de ses arrière-cours et de l’Europe du Nord.

Autrement dit, elles croient que dans six mois ou un an, ou un an et demi (elles peuvent refaire le coup plusieurs fois tant que ça n’écorne pas trop le gain espéré) l’Euro tel qu’il existe pourrait avoir disparu.

Ce n’est sans doute ni certain ni évident. Mais c’est assez probable pour que des gens compétents l’aient calculé et aient misé là dessus, ensemble, plusieurs milliards d’euros.

Et là, ce qui prend un certain relief, c’est une information que j’ai fugitivement vue il y a quelques jours, sans y apporter beaucoup d’attention sur le moment. Le gouvernement Allemand (c’était une déclaration d’Angela Merkel elle-même si je ne m’abuse) envisagerait d’interdire aux banques et assurances qui ont souscrit des emprunts d’État allemands de les revendre. Elles devraient les garder jusqu’à se faire rembourser comme prévu.

Imaginez que vous déteniez une créance en euros sur l’État allemand. Une créance ancienne. Vous pourriez faire le coup de la revendre comme l’État allemand a placé ses obligations à rendement négatif récemment : en vendant un prix supérieur à la valeur où l’obligation devra être remboursée. Vous vendez par exemple 101 euros une créance sur l’État allemand qui sera remboursée 100 à son terme. Vous feriez une bonne affaire, certes. Mais peut-être pas aussi bonne que celui qui vous l’achètera 101 euros pour être remboursé 100 néo-Deutsche-Marks.

Le but de l’interdiction serait pour le gouvernement allemand d’empêcher certaines banques de se gaver trop ouvertement, ce qui ferait désordre en ce moment. La crainte de voir surtout des banques étrangères profiter de ce mécanisme alors que certaines banques allemandes sont un peu courtes et seraient tentées de brader pourrait sans doute jouer aussi. Enfin préparer une sortie un minimum en ordre de l’euro actuel ne pourrait se faire qu’assez discrètement, donc sans que ces histoires de rendements négatif ne se généralisent sur le marché secondaire, pour éviter une panique bancaire générale en Europe (comme le craint ouvertement le Foreign Office d’après le Daily Telegraph).

Mais stop, considérons un instant les choses. Car là nous ne parlerions plus du pari de quelques institutions financières, certes compétentes, mais qui ne représentent qu’elles-mêmes, et de leurs stratégies compliquées où ce ne serait qu’un élément pris en compte pour sa probabilité au milieu d’autres. Nous parlerions de ce que le gouvernement allemand considérerait possible un tel scénario. Suffisamment pour imaginer des mesures politiques préventives et pour y préparer les marchés, le ballon d’essai de Merkel ayant été sans publicité particulière, mais ouvertement lancé.

Certes je mets tout cela au conditionnel pour ne pas trop passer pour un con si cela se révèle une simple spéculation sans début de réalisation. Mais quand les choses s’emboîtent, elles s’emboîtent.

Enfin on peut remarquer au passage que les gens qui n’avaient pas compris en quoi les monnaies fiduciaires sont en fait ni plus ni moins que de la dette sur les États, essentiellement différente d’une monnaie métallique ou garantie par du métal, ont là une application grandeur nature qui devrait les éclairer.

(Et les pauvres banquiers direz-vous ? ainsi brimés ? Rassurez-vous, l’Allemagne, pour être un peu moins mal gérée et un peu moins destructrice de richesse que la France, est aussi une démocratie d’opinion où l’argent détermine l’élection. Je suis prêt à parier que les banquiers rachèteront le droit de se gaver en finançant généreusement les trois grands partis politiques allemands…)

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À propos Nicolas

« Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur la toit, et qu'il faillait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu'il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu'au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l'avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice, toujours fou,  eut l'idée de jouer le rôle du diable, et qu'il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait semé des sequins sur le plancher de sa chambre, et qu'il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre. »

15 réflexions sur « Reprenons »

  1. Il Sorpasso

    Questions :
    – est-ce que cet argent sera réellement remboursé en néoDM aux prêteurs étrangers et pas en néoZgloubs des pays de ces prêteurs ?
    – est-ce que les néotaux de changes ne vont pas interférer étant donné la part des dettes étrangères détenus par les allemands, et rendre le néoDM pas si attractif que ça (dans un premier temps ?)
    – ne vaut-il pas mieux prendre un risque supérieur en achetant des actions de bonnes boites chleues ?

  2. Nicolas Auteur de l’article

    1 – Ben non. D’autant que l’Allemagne est très endettée et à intérêt à attirer des prêteurs pour faire rouler sa dette, les rembourser en monnaie de singe n’est pas la meilleure façon de les attirer. Ou alors cela voudrait dire que l’Allemagne fait en partie banqueroute, mais là on aura tous autre chose à penser que de gagner sur des histoires de change hypothétiques entre monnaies zombies et monnaies pas encore existantes.
    2 – Non plus. L’Allemagne sans les boulets grecs, italiens (…) et français aux pieds aura une monnaie forte et stable. D’abord parce qu’elle le veut, sachant que c’est la condition de la prospérité vraie (contrairement à nos saloperies de politiciens à nous qui ne rêvent que de pouvoir dévaluer tous les 5 ans à perpétuité), ensuite parce qu’elle produit encore. Elle peut donc continuer à s’endetter, pas à l’infini, mais plus longtemps que les autres et à de meilleurs taux. D’autant qu’à mesure de l’accumulation des problèmes ailleurs, les investisseurs se reportent en partie sur elle (et sur les États-Unis). Puis de toute façon, l’Allemagne perdra, puisque l’Euro, au bout du bout, ça a consisté à vendre de la dette grecque en assurant que l’Allemagne rembourserait à la place des Grecs, ce qui est aussi in fine le mécanisme du FESF. Ce qui est déterminant c’est pas tant ce que les banques allemandes peuvent perdre que la capacité de l’Allemagne à produire et à vendre, bref à dégager de la richesse pour l’avenir et à garder cette capacité.
    3 – Je ne sais pas. En cas de gros pb tout baissera à nouveau fort, y compris en Allemagne. Ce qui remontera assez vite dépendra de facteurs encore inconnus pour certains. J’ai somme toute peu d’argent, un peu de ce peu est en bourse, il y a dans ces quelques lignes une minière australienne cotée à Francfort (mon côté Kobold ^^), et je ne m’inquiète pas pour elle à long terme. Si vous voulez dire que Mercedes ou Bayer vaudront toujours quelque chose et que ce n’est pas forcément le cas de la BNP avec son bilan gonflé à l’hélium qui dépasse le PIB français et qui est rempli en partie de merde, vous êtes sans doute dans le vrai. Mais le pire n’est jamais sûr non plus, et il y a aussi en France des sociétés qui vaudront toujours quelque chose après une apocalypse financière, comme les leaders mondiaux du gaz industriel ou du traitement de l’eau.

    1. Il Sorpasso

      Merci, Kobold. Mais la question, au fond, c’était comment se faire une montagne de fric avec un maximum de sécurité, assurance tout compris et complémentaire dentaire, sur une base de deux napoléons de ma grand-mère.

      Bon, je vais me fabriquer des baguettes de sourcier, alors.

  3. Skandal

    Raisonnement très intéressant mais qui souffre de quelques lacunes.

    -Le cout d’un changement de monnaie est très très élevé et prendrait énormément de temps et aucune institution financière n’y a intérêt.

    -Les banques allemandes seraient les premières touchées par un défaut de la Grèce ou de l’Italie suivie d’une sortie de l’Euro. Il est probable que le système financier Allemand serait totalement en faillite. Les banques allemandes sont beaucoup moins solides que les banques françaises.

    C’est pourquoi je pense (je travaille en salles des marchés) que la principale raison pour laquelle les banques sont prêtes à avoir des rendements négatifs sur des obligations est la même que celles qui les poussent à emprunter à la BCE puis à replacer immédiatement l’argent auprès de la même BCE (en perdant donc de l’argent) : disposer d’actif très liquide, pratiquement du cash, au cas ou…

    1. Nicolas Auteur de l’article

      Je ne suis pas sûr que tout le monde raisonne à court terme. Je suis même sûr du contraire. Ils savent déjà très bien faire ce que vous décrivez. Pourquoi le feraient-ils brusquement de cette manière là ? Et pourquoi pas aussi avec les obligations néerlandaises par exemple ?

      Changer de monnaie coûte toujours moins cher que d’en garder durablement une ruineuse qui vous oblige à payer pour les bêtises des autres. En plus ça va très vite techniquement. Ce qui coûte c’est de changer les billets, mais ça peut très bien ne se faire que dans un 2e temps. On a l’exemple de la Tchéquie et de la Slovaquie : ça a été fait en une semaine en échangeant à 1 pour 1 en mettant des marques sur les billets. D’ailleurs les billets en euros sont identifiables : on sait quel pays a émis quoi par les numéros. Et si je me souviens bien, c’est même la banque fédérale allemande qui avait insisté à l’époque contre nos hommes politiques à nous qui voulaient faire pot commun, tout acquis aux idées deloriennes de rendre le retour aux monnaies nationales plus difficile.

      1. Skandal

        Techniquement c’est beaucoup plus compliqué que ce que vous croyez compte tenue du la complexité des systémes.

        Dans ma banque (française) on parle de la modification d’au moins 50 sofwares !!! C’est à dire de reprogrammer et redevelloper les logiciels. Ca couterait très très chere !!

        Pour le reste, effectivement, il est possible que les banques se mettent de coté du pognon à long terme au cas ou. Mais je ne pense pas que ce soit la raison principale…

        Je vais me renseigner et je vous tiens au courant…

          1. Skandal

            Non, parce que c’est un fait…

            Quand vous avez des systèmes de plateforme de trading électronique qui équipe plusieurs banques et plusieurs bourses, l’ajout ou la suppression d’une devise ou d’un actif coute très chère.

            Et je ne parle même pas des au moins 50 logiciels internes, trading, vente, comptabilité, Back office, middle office, gestion du risque etc…

            1. Nicolas Auteur de l’article

              Si je comprends bien, il faudrait garder une monnaie désastreuse et ruineuse pendant des décennies pour ne pas dépenser des coûts d’adaptation transitoires à son changement ? Un peu comme : je ne vends plus de poulet, mais comme je ne peux pas m’adapter à la vente de hamburgers parce que la machine à hamburgers coûte trop cher, on va continuer comme si de rien n’était, y’a qu’à rajouter des herbes de Provence sur le poulet…

              Ben si j’étais vous et si la banque qui vous emploie fait ce calcul, je commencerais à envoyer des cv, hein… 🙂

  4. Skandal

    D’après certaines de mes infos, il semblerait que de nombreuses banques européennes craignent fortement un renchérissement des financements et donc se garde de coté un matelas de cash…

    Elles craignent également les réglementations de Bâle III qui vont les obliger à augmenter fortement leur fonds propres.

    Plus spécifiquement, du coté des banques française, la crainte vient de la présidentielle.

    Dans le cas ou le PS passerait, elles sont peur des mesures que pourrait prendre le futur gouvernement communiste (limitation des activités de marché, obligation de prêts à taux contrôlés par l’état voir même quasi-nationalisation) du coup elle se garde de coté du cash pour financer des filiales à l’étranger.

    Mais c’est surtout Bâle III qui semble le paramètre le craint.

    Je reviens sur votre vision à long terme. Compte tenu de mon expérience et ma modeste connaissance des marchés financiers, je pense que vous surestimé largement la vision à long terme que peuvent avoir les banques. D’après ce que je vois, cette vision ne dépasse pas les 3 ans… La crise de 2008 la démontrée.

    1. Nicolas Auteur de l’article

      Trois ans ? Mais précisément : qui vous dit que l’Euro existera encore dans 3 ans ? Quand il y a trois ans on évoquait seulement son affaiblissement sous le poids de la dette, ça faisait sourire avec indulgence, on passait pour une sorte de doux dingue.

      Et toutes les banques ne sont plus européennes et encore moins françaises, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas toutes incestueuses avec des politiques dont la vision de ne dépasse pas la prochaine élection. La dernière fois que j’ai vu un discours d’officiel chinois, il parlait de perspectives à 50 ans. Il m’étonnerait aussi que vraiment personne dans la City ou aux États-Unis ne se préoccupe de l’avenir à moyen ou long terme de notre problématique monnaie. Même s’il faut bien aussi boucler les fins de mois, évidemment, mais ce n’est pas incompatible.

    2. tschok

      @ Sandal,

      Trois ans c’est court, mais ça peut s’expliquer après tout.

      Le paysage bancaire est très changeant: avoir une vision à 5 ans alors que la visibilité stratégique maximum est à 3 ans, c’est pas trop la peine, non plus.

      Il peut aussi y avoir des effets de mode dans la structure de la gouvernance. Je ne sais pas si aujourd’hui la stratégie est très en vogue dans les comités de direction. Si on prend celui de la Société Générale, il y a un seul type spécifiquement chargé de la stratégie, d’après ce que je vois (Philippe Heim) ici: http://www.societegenerale.com/nous-connaitre/les-dirigeants/comite-de-direction-groupe

      Et là: http://www.societegenerale.com/node/9449

      Mais en même temps c’est déjà bien qu’il y en ait au moins un…

      Par ailleurs, sans vouloir vous être le moins du monde désagréable, en salle de marché, le long terme c’est quoi… 3 heures? Trois ans en salle de marché, c’est l’équivalent du jugement dernier: on sait que ça peut exister mais qu’on ne vivra pas assez vieux pour le voir, quoi.

  5. Nicolas Auteur de l’article

    Encore une fois on a l’exemple Tchéquie/Slovaquie, exemple récent où la séparation, qui n’était pas que monétaire, s’est faite en six mois en tout et pour tout. quand à la monnaie, ça a été rapide et seuls les professionnels ont eu quelques sueurs froides. Mais après tout ils sont aussi là pour ça, non ? L’échelle n’est pas la même, mais les moyens non plus.

    On peut même imaginer un système mixte où l’Euro resterait monnaie commune avec des taux de change fixes jusqu’à une date butoir pour adoucir la transition et servirait de pivot aux opérations sur les néo-monnaies.

    De toute façon, la réalité commandera aux contingences si cela devait arriver. Je doute que si l’Allemagne veut retrouver les coudées franches quant à sa monnaie le coût de l’opération technique pour les banques l’arrête. Sans doute n’avons-nous pas encore atteint le point où ce coût serait complètement négligeable au regard des déséquilibres criants que l’euro masque de moins en moins et qui entraînent des coûts d’un tout autre ordre. Mais si aucune autre solution n’est trouvée, et pour l’instant on ne voit pas laquelle, on y arrivera. On pourrait même arriver à une situation où une sortie en désordre et express serait moins douloureuse politiquement et coûteuse financièrement qu’un statu quo. Il y a bien un week-end entre noël 2012 et le jour de l’an 2013, non ? Ce serait bien pour une sortie express, je trouve. Encore une fois si rien n’est fait d’ici là. Mais nous sommes dans cet entre deux où ce qu’il serait utile de faire est impossible et ce qu’il est possible de faire inutile. (Je ne sais plus, c’est peut être Sorel ou Proudhon qui employait cette formule amusante pour caractériser une situation pré-révolutionnaire.)

  6. tschok

    @ Nicolas,

    C’est une hypothèse assez gonflée votre truc. Etant un simple d’esprit en matière financière, je vois pour ma part un scénario beaucoup plus simple.

    – Allemagne a des besoins de financement (le Figaro parle de 250 milliards d’euros dont 80 placés en court terme): cette émission relève purement et simplement de la gestion du roulement de la dette.

    Les taux courts sont bas et les émetteurs bien cotés bénéficient facilement de taux faibles (y compris la France malgré la perte de son triple A) voire négatifs. L’événement n’est pas si exceptionnel, compte tenu du marché actuel.

    – L’annonce de Merkel sur l’interdiction de revente se connecte sans doute à la volonté allemande de mieux contrôler la spéculation sur les emprunts d’Etat, dans le prolongement de l’interdiction des ventes à découvert.

    La spéculation sur les emprunts d’Etat génère quelques petites perturbations, c’est le moins qu’on puisse dire… Voir dans les restrictions qui y sont apportées le prodrome d’une stratégie de sortie de l’euro, why not? Mais à ce moment là, tout devient suspect.

    Bon. Mais si vous dites que ça s’emboite, je vous crois, bien que pour l’instant, avec votre histoire, je ne voie s’emboiter qu’un rond dans un carré.

    A suivre.

  7. Nicolas Auteur de l’article

    « Une désagrégation de la zone euro serait la solution » à l’absence de réforme dans les pays partenaires de l’Allemagne… C’est d’Anton Börner, Association allemande des entreprises exportatrices, 120000 adhérents, propos tenus dans Handelsblatt où il évoque aussi la possibilité d’une zone euro composée seulement de l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, les Pays-Bas, le Luxembourg et le Danemark, qui seraient alors en position pour une intégration rapide de type fédéral. Et il vante le modèle que constitue l’attitude de la banque suisse pour qu’une trop forte réévaluation de du néo-euro ne bénéficie pas trop aux mauvais élèves virés de la monnaie unique.

    « Je ne pense pas que l’euro doit être sauvé à tout prix. » Si les pays en difficulté ne se disciplinent pas, « l’Allemagne doit quitter l’Euro ». « L’Allemagne mettrait cinq ans à s’en remettre avant de redevenir aussi forte que ses compétiteurs asiatiques. » Là c’est Wolfgang Reitzle, PDG de Linde AG (13 milliards d’euros de CA quand même).

    Le PDG de BMW ou celui de Deutsche Post ont des positions inverses. Mais force est de constater qu’un débat qu’on balaie chez nous d’un revers technocratique de la main existe en Allemagne.

    Il me semble que les propos de Reitzle sont très allemands : encaisser un coup quantifié et savoir quoi faire pour s’en sortir même si ce sera un peu dur, en sachant que ça permettra de repartir sur de bonnes bases. L’attitude consistant à dire « gardons l’euro et on verra bien combien ça nous fait perdre, ce ne sera peut-être pas si ruineux que ça finalement » me semble moins allemande, donc moins vraisemblable.

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