La mélancolie “historique” est bien la dernière dont j’eusse cru, enfant, que je puisse être un jour affecté. Eussé-je vécu dans un pays heureux, dans un pays vivant une phase heureuse de son histoire, je ne m’en fusse probablement même pas aperçu, je n’eusse pas songé à m’en réjouir. Je me serais dit que les destins individuels sont tout ce qui compte, que l’important est de faire sa vie en y mettant autant de talent et d’énergie qu’on le peut, que la tâche essentielle est de construire son bonheur individuel ou à tout le moins son destin. De même, je n’eusse probablement même pas songé à être français. Ce n’est pas ma pente naturelle. Je suis aussi peu chauvin qu’il est possible, j’aime autant ou plus les arts, les cultures et les paysages d’autres nations que ceux de la mienne et, si un choix objectif m’avait été offert, j’eusse sans douté préféré être anglais, ou écossais, les tempérament nationaux d’outre-Manche, si différents qu’ils soient l’un de l’autre, me semblant mieux accordés au mien que celui de cette rive-ci. N’empêche : qu’on prétende m’empêcher d’être français, ou qu’on veuille me forcer à l’être d’une façon aussi totalement déculturée, affadie, désolante que celle qui a cours aujourd’hui parmi nous, cela m’a donné le goût et la conscience de l’être vraiment, ne serait-ce que par dignité, ou par esprit de contradiction, ce qui est souvent la même chose. Et ce goût ne pouvait être qu’un goût mélancolique, cette conscience une conscience malheureuse. Comme l’amour des paysages et l’amour de la langue, l’amour de la France, aujourd’hui, ne saurait être qu’une longue tristesse. Être citoyen d’un pays qui meurt, et qui meurt aussi salement, aussi bêtement, aussi bassement, je ne sais pas comment on pourrait ne pas en souffrir.
Des deux catastrophes qui se sont abattues en même temps sur mon pays, l’effondrement de sa culture par l’effet de l’égalitarisme social, du prétendu “enseignement de masse” et de la dictature de la petite bourgeoisie, et d’autre part la dissolution d’un peuple au profit d’un autre ou de plusieurs autres, sur le territoire national, je ne sais pas laquelle m’affecte davantage. À la vérité elles ne sont guère séparables. L’une était la condition de l’autre. L’autre était seule à même de parachever l’une.
Renaud Camus, La Campagne de France
Evidemment. Le problème étant que nous succombons sous le nombre.
Par suite nous pouvons bien voir les choses à notre façon, histoire de
nous faire plaisir, mais cela ne change en rien le fait que nous sommes
foutus.
Richard Millet dit ; »Je suis catholique, blanc et hétérosexuel, comment puis-je me situer dans cette société » (la deuxième partie, de mémoire) et décide de ce fait un « apartheid volontaire ».
Renaud Camus a l’avantage de n’être que blanc; il a droit à de la considération.
Nota : je suis odieux. J’aime quand même Renaud Camus.
Richard Millet: le Réac par excellence.
Indispensable en ce qui me concerne pour savoir que je n’appartiens ni de près ni de loin à cette famille-là.
Quant à Camus… L’héritier d’une tradition littéraire française, celle de la première moitié du XXème siècle, dont il ne reste pas grand chose et dont on se demande par conséquence l’intérêt de la perpétuer.