Mes plus jolis coups de fric [2]

Madame Mouchard

Maître B, c’est mon avocate.

Elle et moi, nous sommes allés six ou sept fois en justice, nous avons tout le temps gagné, et c’est vous dire si ce n’est pas la moitié d’une conne.

Je vais d’ailleurs confesser un vice: j’aime l’odeur des prétoires, et je ne me sens rarement aussi à l’aise que devant une barre…. C’est bien simple, je crois toujours revivre, lorsque j’envoie du papier bleu aux imbéciles, aux sophistes et aux menteurs, car alors, je ressens l’agréable impression de les prendre par la cravate et de les traîner dans ma cave pour leur faire passer l’envie de mentir à coups de pied… Le métier d’avocat est le plus beau du monde, et contrairement à ce qu’affirme la rumeur publique, on ne gagne pas en justice grâce au mensonge, mais en forçant ceux d’en face à ne plus mentir, en contraignant la justice bourgeoise à s’en tenir aux faits.

J’ai lu Platon dans les coins, et j’ai toujours fermé ses livres avec une certitude: Socrate est un avocat, la pensée occidentale est sortie du crâne d’un avocat. S’il coince tous les sophistes contre un mur, c’est parce qu’il impose aux démagogues un code, qu’il leur interdit les approximations, les subjectivités, les opinions ni faites ni à faire, les couillonnades qui passent à peu près quand l’orateur fait des moulinets avec ses bras et qu’il fait circuler sa main dans ses cheveux en parlant pour impressionner les abrutis, à l’instar des imbéciles Chevènement et Villepin.

La plus belle affaire que nous avons mené à bien, Maître B et moi, c’est la mise en coupe réglée de Madame Mouchard, laquelle, d’ailleurs, ne s’appelle pas Madame Mouchard…. Si vous n’aurez pas le nom véritable de Madame Mouchard, c’est que d’une part, je suis tenu au secret professionnel, et que d’autre part, ce pseudonyme va bien au teint de cette salope, vous pouvez me faire confiance… Il s’agit d’une femme de soixante ans nantie de l’épouvantable accent de Saint-Etienne, qui enfile des blousons en faux cuir sur des tailleurs qu’elle achète à Carrefour, qui a un fils handicapé moteur, ce dont personne ne pourrait lui faire grief si cette connasse n’envoyait pas sa souffrance de mère à la gueule de quiconque s’avise de la contredire.

La salope de Saint-Etienne m’a téléphoné un jour à midi pour me dire qu’elle acceptait l’offre de mon client, qu’elle était bien d’accord pour vendre son bien au prix de 90 000 € et qu’elle serait bien dans mes murs à 18 heures.

Malheureusement pour elle, la salope de Saint-Etienne s’est autorisée à me rappeler vers les 17 heures pour me dire qu’elle ne viendrait pas, que l’un de mes confrères lui offrait 2000 € de plus que moi, qu’elle chiait la honte et que pour du pognon, elle ne se contenterait pas de vendre sa mère, mais qu’au besoin, elle pouvait livrer.

A 17 heures, j’ai tenté d’expliquer à la conne qu’elle nous avait donné sa parole, que je hais les parjures de toutes mes forces et que par-dessus tout, je maudis cette nouvelle race de salauds charriée par l’époque, celle des enfoirés droits dans leurs bottes qui vous mentent parce qu’ils croient vraiment qu’ils en ont le droit…

J’ai tenté de raisonner cette arrière petite fille de serf émancipé, mais tout ce que j’obtenu, c’est la phrase suivante: j’ai rien signé, moi, Monsieur XP, tout cela dit et redit naturellement avec le monstrueux accent de la France profonde dont je vous ai parlé…

Le soir, j’ai diné avec Maître B. Elle m’a alors fait toucher du doigt que la salope de Saint-Etienne allait nous servir son fils handicapé moteur à toutes les sauces, qu’elle allait gémir, se rouler par terre, faire chier la bite au procureur de la République en lâchant des petits cris de femelle outragée, et ça n’a pas manqué de se passer comme ça.

Sur les minutes du procès, cette conne évoque son fils handicapé six fois. Rien de moins. Bien entendu, elle nous a raconté aussi qu’elle ne dormait plus la nuit, qu’elle prenait des cachets pour trouver le sommeil à sept heures du matin, ce à quoi Maître B. a répondu de la seule manière qui vaille: Madame Mouchard, avez-vous oui ou non donné votre parole à midi pour la reprendre à 17 heures?

En cumulant le fric que j’ai obtenu pour mon client acheteur, les honoraires de Maître B. et naturellement, mon pognon à moi, nous avons pris 14 000 € à Madame Mouchard…. Maintenant, grâce à moi, elle sait pourquoi elle couine, la descendante de serf.

Je l’aime bien, Maître B. Non contente d’être intelligente, de bien faire son travail et de tenir la bière et la mer, elle est à tomber par terre.

je ne vous ai pas dit le plus beau: après l’audience, en ouvrant discrètement une porte, j’ai surpris son avocat en train d’essayer d’expliquer à la salope habillée d’un faux cuir pourquoi elle avait perdu, il ne faisait jamais que lui répéter ce que venait de dire le juge, mais il n’obtenait qu’une réponse qu’elle recrachait boucle, en s’essuyant le nez: Mais j’ai rien signé!

La barre de rire, je vous jure…

14 réflexions sur « Mes plus jolis coups de fric [2] »

  1. Patrick Bateman

    Je connais très peu le droit qui concerne la vente immobilière, mais le juge a quand même bien fait cracher Mme Mouchard (sauf si elle est assurée ?).

    Je suppose qu’elle était assurée puisque si elle a payé les honoraires d’XP, elle a pris dans les dents l’article 700 qu’on voit très rarement planté dans le fion d’un particulier face à un professionnel : remboursement des frais de justice.

    En somme elle a donné sa parole, cet-à-dire une promesse de vente, avant de la reprendre pour quelques euros de plus ailleurs, rien de très défendable.

    Depuis cette année la Cour de cassation a tranché clairement pour dire que la promesse de vente ORALE engage le vendeur même dans l’immobilier, comme quoi on ne peut plus raconter n’importe quoi en se croyant irresponsable. Et c’est une très bonne chose.

    Il y a des gens comme ça, qui considèrent que leur situation personnelle fait d’eux des incapables. A ce moment là il faut assumer et ne pas commencer à vouloir former des contrats pour prétendre ensuite que l’on était pas capable de mesurer la conclusion comme d’en assumer les effets.

    Qui aurait envie de signer un contrat dans un monde pareils ?

    Et pourtant des lois à la con arrivent tous les jours dans le journal officiel, notamment parce que tel ministre veut faire son 20h avec son projet de loi pour protéger tel catégorie de personne ou avoir quelque chose dans son bilan.

    Et voila comment on en arrive à des négations de la responsabilité, de la liberté, au socialisme juridique en fait.

    En tout cas des récits comme ceux de XP me font plaisir.

    1. XP Auteur de l’article

      Merci!

      « Depuis cette année la Cour de cassation a tranché clairement pour dire que la promesse de vente ORALE engage le vendeur même dans l’immobilier »

      En fait, je ne vois pas trop comment la cour de cassassion aurait pu trancher autrement, c’est le fondement même du droit qui aurait été mis en cause (je ne suis pas juriste, je parle avec mes mots).

      Ce qui est impressionnant, c’est qu’on soit obligé d’aller en cassation pour définir un truc qui devrait être évident pour tout le monde, qui l’était encore dans la France rurale d’il y a quelques décennies, quand nos grands-parents se vendaient des vaches en se touchant la main.

      L’explication, c’est que les gens ne se considèrent plus comme des indivisus responsables, mais comme des assujetis, des citoyens d’une république sociale.

      Ils se considèrent comme des numéros (ils en ont un à la sécu, à la CAF..) et plus comme des êtres humains. Ils vont au guichet, ils montrent ce qui est écrit (ou pas écrit)à l’employé et ils réclament leurs droits.

      A ce titre la sidération de la dame est édifiante; même avec une décision de justice, le simple concept de la parole donnée, de « la promesse de vente ORALE » restait tout à fait incompréhensible pour elle, et je me suis cassé les dents en essayant de l’expliquer autour de moi à des gens pourtant normalement intelligents et cultivés.

      Intéressant aussi, le profil de la dame: France profonde, la France d’avant 68, sans doute conservatrice, casier vierge, la légalité dans le sang, jamais une dette… Mais si vous grattez, sans coeur, sans morale, sans intérêt… le résultat très concret de la sociale-démocratie, ce que j’ai appelé « la génération CNR », à côté de laquelle la génération 68 parait somme toute assez sympathique, elle qui a au moins des principes

      1. Vae Victis

        A moins d’avoir fait un peu de droit des obligations, les gens ne savent pas qu’un contrat est un accord de volontés. C’est réellement ignoré.

        Pour eux un contrat c’est un papier avec des signatures, parce que nous sommes dans une civilisation de l’écrit et que tout à chacun est très habitué à remplir et à montrer des papiers. Alors qu’il y a encore quelques décennies, quand les documents étaient beaucoup plus rares qu’aujourd’hui, la parole jouait un rôle d’engagement bien plus grand. S’y attachait les notions d’honneur, de respectabilité, etc…

        Encore une preuve que la logique administrative corrompt la société.

      2. tschok

        Quoi?! Vous vous êtes « cassé les dents en essayant de l’expliquer autour de (vous) à des gens pourtant normalement intelligents et cultivés »?!

        Arf! Mais pourquoi vous condamner à boire de la soupe avec une paille le reste de votre vie pour les forcer à ingurgiter votre maigre bouillon?

        Il est évident que des gens intelligent et normalement cultivés ne peuvent s’en satisfaire.

        Allons voyons! Ou alors vous avez une bonne mutuelle.

  2. XP Auteur de l’article

    Pour la petite histoire, l’acheteur était un jeune beur très sympathique, ni une cailleras ni un arabe à lunette en fac de socio, mais un type comme vous et moi, qui vendait les fringues sur les marchés et qui gagnait très bien sa vie, avec bilans comptables et tout et tout.

    Quand il est arrivé et que je lui ai dit que Madame Machin ne viendrait pas, je l’ai vu se liquéfier, devenitr blanc…. J’ai été très heureux de lui obtenir 3 K€ de réparation.

  3. AntoineGael

    Une question de pure forme : que se serait-il passé si madame Mouchard avait nié farouchement toute parole orale ? Si elle avait dit ne jamais avoir confirmé un rendez-vous pour 18h00, et qu’elle était toujours en phase de réflexion ?
    J’imagine que dans ce cas là c’est preuve contre preuve, ou parole contre parole ? Je me trompe ?
    A mon sens, le coup à jouer aurait dû être « Nous étions effectivement en phase de négociation, j’étais toujours ouverte aux nouvelles offres, et non je n’ai jamais dit que je venais à ce rendez-vous ».
    Quelle a été la défense de son avocat ?

  4. avocat pour les riches

    J’ai rien signé. Et j’ai un fils handicapé ! Comment ça, vous me condamnez quand même ?! M’en tape, j’ai l’aide juridictionnelle alors je fais appel, ça me coûte rien. Et si je perds en appel ? Pas grave, j’ai des dettes Cofidis, Cetelem, Sofinco, je fais une procédure de surendettement ou une faillite personnelle comme ça l’autre là, il aura que dalle. Puis de toute façon, l’huissier y peut rien me saisir, je touche que des allocs insaisissables. Alors les petits joueurs, c’est qui qui gagne au final ?!

  5. XP Auteur de l’article

    Sans vouloir vous vexer, vous êtes encore un amateur.

    Avec un peu d’habileté, un mauvais payeur peut rester facilement trois ans en location sans rien payer, ou presque…. Un demi-loyer par-ci par là pour arrêter la procèdure.

    Et puis, du côté de Sud de la France, il y a le type qui demande à visiter une location, qui passe chercher la clef, qui visite, qui change les cerrures et qui s’installe. Si vous la faites sauter, sa serrure, il y a violation de domicile.

  6. dartagnan755

    Mme Mouchard était une gueuse.
    Le gueux nie ses fautes, renie sa parole et compense sa grosse laideur physique par un caractère odieux.

    L’ancienne belle à 15 ans, devenue moche à 25, est souvent une gueuse. Elle s’est gardée des airs de cocotte mais son insuccès la rend insupportable.
    L’homme de la compétition individuelle est très souvent un gueux. Il préfère amplement réussir dans l’indignité plutôt qu’échouer avec classe.

    Il y a bcp de gueux.

  7. NOURATIN

    C’est très bien d’avoir mouché la dame Mouchard mais faites gaffe, la
    stéphanophobie pourrait vous valoir des dépôts de plainte, souvenez vous de
    leur ancien maire Durafour…
    Par ailleurs j’ai bien apprécié votre façon de voir sur la rigueur
    qui caractérise le juriste. En revanche, je n’ai pas bien compris comment vous avez pu apporter la preuve que la mère tapedur avait accepté votre offre. Mais il est vrai que ce point n’est pas essentiel.

  8. XP Auteur de l’article

    « , je n’ai pas bien compris comment vous avez pu apporter la preuve que la mère tapedur avait accepté votre offre. Mais il est vrai que ce point n’est pas essentiel. »

    C’est au contraire un point essentiel, enfin je crois.

    Je me suis appuyé sur la chronologie des échanges téléphoniques… Quand vous appelez la vendeuse à 12H02, l’acheteur à 12H16, à nouveau la vendeuse à 12H36 et que vous convoquez l’acheteur à 12 54, c’est que vous avez conclu l’affaire… C’est une question de bon sens… Après, l’acheteuse peut toujours maintenir le contraire, mais il faut qu’elle soit une menteuse de heut vol, genre Mitterand en face de Chirac, au cours de leur débat…C’est à dire inventer un scénario dans lequel elle m’aurait dit non et où j’aurais été assez machiavélique pour convoquer mon acheteur quand même, et maintenir ça dans les yeux, devant une barre.

    il y a une personne sur millle, qui sait faire ça.

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