Mes plus jolis coups de fric [1]

Comme vous pouvez le constater depuis maintenant quelques années, XP n’est pas l’un de ces écrivains-papiers-smicards qui infestent la toile et les journaux payants.

Pour le dire autrement, si XP se permet de dire exactement ce qu’il veut, c’est qu’il ne fait pas l’instituteur dans un collège et qu’il n’est pas obligé d’envoyer des piges toutes pourries à Valeurs Actuelles, pour payer son gaz,.. La liberté de faire du fric et de dire ce qui doit être dit, c’est rigoureusement la même chose, et d’ailleurs, en France, si l’on veut faire autre chose que des imparfaits du subjonctif avec sa bouche comme un nègre sorti de la rue d’Ulm ou des moulinets avec sa plume, il faut écrire à partir d’une plateforme américaine, tandis que pour être assuré de ne pas se faire saisir son argent, il est vivement préférable d’avoir son compte bancaire principal à Genève…

Jérôme Garcin, l’un des tchekistes en chef de la République de Arts et des Lettres Française, celui qui anime le famaux Masque et la Plume sur France Inter l’a très bien compris, lui qui ne parle plus jamais de Houellebecq sans l’appeler l’exilé fiscal… C’est parfaitement bien vu de sa part, et c’est vrai que si Houellebecq payait ses impôts en France, il serait à la merci d’une saisie sur ses droits d’auteur et cracherait tellement d’argent à l’Etat que pour faire bouillir la marmite, il lui faudrait tapiner au Masque et la Plume, justement, donner des cours à Science-Po à des pisseuses qui feraient mieux d’apprendre à se servir d’un serpillère et dire du bien des livres de Jean d’Ormesson ou d’Erik Orsenna dans le Figaro littéraire tout en sachant qu’en vérité, ça vaut la poubelle, ce genre de production.

J’aii vendu 150 appartements, dans ma vie…. En clair, ca veut dire que 150 fois, je suis reparti avec un chèque dans la poche, et comme dit le poète, ce fric n’était pas le produit de mon orgueil et de mon ennui, mais qu’il s’agit d’un pognon que j’ai gagné pour de vrai, en me rendant à tous mes rendez-vous avec ma sacoche en cuir noir… Accessoirement et peut-être pas tout à fait, je me suis anisi forgé un terrain d’observation imprenable, je me suis fait des souvenirs à vous raconter, et j’ai scruté ce que les moralistes du Grand Siècle appelait des Caractères.

[1] J’avais quelques mois d’expérience à peine, quand j’ai pris à la vente la maison de P… , un sicilien qui faisait alors une dépression nerveuse.

La difficulté de l’opération résidait dans le fait qu’il avait bâti une maison splendide sur une petit parc de 3000 m2 dans un style mussolinien, mais que faute d’argent, il avait construit son palais à deux pas d’une zone industielle… En conséquence, il en voulait beaucoup plus que ce que vaut une propriété nichée à côté d’une zone industrielle, mais moins que ce qu’elle aurait valu si elle s’était trouvée 1 kilomètre plus loin, dans la campagne… Il en était désespéré, il avait les yeux tout rouges quand il m’en parlait, et il me faisait bien comprendre qu’il comptait sur moi pour le tirer de sa merde…

J’ai passé une annonce dans la presse pour faire rêver le quidam qui cherche une villa mussolinienne avec des filles ou des lions en platre disséminés de partout dans le jardin ainsi qu’un escalier hollywoodien qui mène la porte d’entrée, mais qui ne tombe que sur des pavillons-jumelés qui sentent la loose… Il a fonctionné, mon truc, puisque un type m’a appelé un soir à 18 heures en me suppliant d’organiser une visite tout de suite, à 19 heures, à trente kilomètres de là… Nous y somme allés, mon acheteur m’a dit qu’il prenait, qu’il lui fallait encore montrer la propriété à ses parents le lendemain midi, mais qu’ils s’agissait une formalité…

Je suis rentré chez moi, mais avant, je me suis arrêté dans un bistrot pour me saouler la gueule, tellement j’étais euphorique et fier de moi… Songez, tout de même, 7000 € de commission dont la moitié pour moi, on serait satisfait à moins… Seulement voilà, il est très possible que je traîne dans mon sang quelques ascendances juives, que j’ai reçu le gêne de l’inquiétude en héritage, et toujours est-il qu’au bout du troisième verre, je me suis dit qu’elle allait foirer, cette histoire, que tout allait trop vite et qu’il y avait une couille, dans le potage.

Fort de cette intuition de femelle, le lendemain, je ne suis pas arrivé à midi, mais à 11h30, pour parler avec mon sicilien, et le gus m’a dit que je ne ferais pas l’affaire, qu’il avait informé un autre acheteur de ma visite et que la maison n’allait donc pas se vendre à 250 000 €, puisqu’il avait fait surenchérir l’autre à 251 K€…

C’était donc une parfaite petite frappe, mon rital sous Prozac, une saloperie, mais j’ai eu l’éclair de génie de ma vie, en l’entendant me dire tranquillement qu’il allait me faire une saloperie en toute bonne conscience: comme il venait de m’annoncer qu’il allait signer la vente de sa maison deux jours plus tard en commettant l’imprudence de me donner l’adresse du notaire et même l’heure exacte du rendez-vous, je lui ai suggéré de faire semblant de vouloir vendre la maison à mes clients, pour se foutre de leurs gueules…

Je vous jure que ce crétin n’a pas marché, mais qu’il a trotté…. Il avait une femme hideuse qui pendant la vraie fausse visite a poussé la porte des chambres de ses gamins en disant aux petits de mes clients ce sera ta chambre, et tout en me faisant de gros clins d’oeil… Je répondais par d’autres clins d’oeil, évidemment, mais en me disant tout bas tu vas voir ce qui va te tomber sur la gueule avant ce soir, grosse truie..…Je me souviens que ces deux ritals du Diable avaient une fille de quatorze ans qui ressemblait à Coluche, qu’elle avait la même salopette et le même nez…. Elle aussi, elle faisait de gros clins d’oeil, pendant la vraie fausse visite…

A la sortie, j’ai expliqué à mes clients le coup de vice que venaient de leur faire ces gens, je les ai informé que s’ils se prétaient acquéreurs tout de suite au prix indiqué par moi dans la presse, la villa était à eux, que c’est la loi, qu’elle vient de loin, puisque que nos grands-parents se vendaient une vache en se touchant la main, je leur ai fait signer une promesse d’achat sur le coffre de ma voiture, et le matin suivant, à neuf heures, j’ai chargé mon huissier attitré Maître N’Kaoua d’ envoyer un exploit au rital pour qu’il sache que son nid d’aigle était officiellement vendu par mes soins…

Le sicilien m’a bien entendu téléphoné dans la foulée pour me traiter d’enculé, de petit merdeux, de connard qui n’enlève même pas ses chaussures quand il rentre chez lui, qui salopait ses moquettes, et tout en me signifiant qu’il en avait rien à foutre de mon huissier juif, qu’il vendrait sa maison à qui il voulait, qu’il irait signer sa vente chez son notaire à l’heure prévue… Malheureusement pour lui, j’ai aussi envoyé un exploit d’huissier chez le dit notaire en sachant bien que ces gens ne prennent jamais de risque, et qu’il renverrait tout le monde à la maison… Le sicilien a fait la gueule une semaine, mais on a conclu l’affaire…

Elle a été épique, la semaine en question, vous pouvez me croire… Comme le rital de merde voulait me tuer, il n’était pas question que je retourne chez lui pour arranger l’affaire, et ce sont deux collègues à moi, qui s’en sont chargés, un soir… Figurez-vous qu’à la fin, il a refusé d’ouvrir son portail, le rital, que mes deux camarades ont été obigés de l’enjamber, et qu’au moment où ils se sont trouvés à cheval sur les portes, il s’est mis à les activer, pour se venger et les prendre en photo, tandis qu’ils faisaient les guignols à onze heure du soir et cinquante ans passés….

Que de souvenirs, tout de même… Aux dernières nouvelles, le rital sous Prozac serait mort depuis longtemps et sa fille qui ressemble à Coluche serait caissière à Conforama…

Bien fait pour leur gueule à tous les deux.

19 réflexions sur « Mes plus jolis coups de fric [1] »

  1. Paul Hodell-Hallite

     » Dans les époques pré-capitalistes, écrire était un art qui ne rapportait rien. Les forgerons et les cordonniers pouvaient gagner leur vie avec leur métier, pas les auteurs. Écrire était un art libéral, un passe-temps, pas une profession. C’était la noble occupation de riches individus, de rois, de grands du royaume et d’hommes d’État, de patriciens et d’autres gentilshommes financièrement indépendants. Les évêques, les moines, les professeurs d’université et les soldats écrivaient pendant leur temps libre. L’homme sans le sou qu’un élan irrésistible poussait à écrire devait d’abord s’assurer une autre source de revenus. Spinoza fabriquait des lentilles. Les deux Mill, le père et le fils, travaillaient dans les bureaux londoniens de la Compagnie des Indes orientales. Mais la plupart des auteurs pauvres vivaient de la générosité de riches amis des arts et des sciences. Les rois et les princes rivalisaient entre eux pour patronner les poètes et les écrivains. Les cours étaient le refuge de la littérature.

    Il est un fait historique que ce système de patronage accordait aux auteurs une parfaite liberté d’expression. Les patrons n’essayaient pas d’imposer leur propre philosophie et leurs propres normes de goût et d’éthique à leurs protégés. Ils cherchaient souvent à les protéger contre les autorités ecclésiastiques. Il était au moins possible pour un auteur qui avait été banni d’une ou de plusieurs cours de trouver refuge dans une cour rivale.  »

    Von Mises

    Houellebecq l’ « exilé fiscal » … C’est bien ce qui emmerde les souverainistes … Que les états doivent être conccurentiels , qu’ils n’aient plus le droit de vie et de mort sur leurs concitoyens .

  2. la crevette

    Comme quoi le libre marché n’est pas cette jungle sans foi ni loi qu’on nous décrit à longueur d’articles journalistiques ou cours d’éco en terminale.

    Hors sujet : elle avait quoi l’avant dernière photo de dadame à droite pour que vous vous excusiez? Je ne me souviens plus… elle était moche?

  3. la crevette

    Merci Daredavil^^

    XP : « Fort de cette intuition de femelle, » Mmm… je me demande si, parce que, souvent, les femmes ne réfléchissent pas beaucoup (ou du tout), on ne leur pas fourgué une intuition qui tient plus du mythe que de la réalité.Pour leur faire plaisir.
    M’est avis qu’il y a une arnaque avec cette histoire d’intuition féminine.

    Vous allez me dire : si vous n’avez pas de raison et encore moins d’in tuition, qu’est-ce qui vous reste, à vous les femmes? Hé bien, vu les photos proposées par JMM régulièrement, je dirai qu’il nous reste pas mal de choses et même de très beaux restes pour certaines! Mais je vais encore passer pour une gourde sans cervelle….Zut.

  4. NOURATIN

    Très drole cette histoire mais heureusement pour vous, le sicilien en cause
    était du genre mou. Avec certains de ma connaissance vous risquiez gros.
    En même temps, ceux dont je parle sont du genre régulier…alors.
    En tout cas, gagner du pognon est toujours une preuve d’intelligence. Avoir son compte en Suisse, aussi.

    1. Dotchi9

      7000 € de commission sur une vente de 250 000 € : très raisonnable.
      Gagner du pognon est une preuve d’intelligence, jusqu’à une certaine limite : les brutes épaisses des banlieues aimant l’argent facile du trafic sont-elles intelligentes ?

      1. XP Auteur de l’article

        « 7000 € de commission sur une vente de 250 000 € : très raisonnable. »

        C’est même du dumping. Seulement, j’ai toujours été assez mauvais pour tenir mes comm.

        Incapable de maitenir une comm de 12 500 € ici, par exemple. Il y en a qui y arrive très bien, et qui sont bien plus riche que moi^^

        « les brutes épaisses des banlieues aimant l’argent facile du trafic sont-elles intelligentes ? »

        Excellente comparaison: Ici, la brute épaisse est plus assimilable au vendeur qui s’asseoit allègrement sur son mandat de vente et ses obligations écrites, et fait croire à des acheteurs qu’ils vont pouvoir acheter sa maison, pour simplement faire pression sur un autre acheteur et gagner 2000 € de plus.

        C’est lui, dans l’affaire qui se conduit comme un rapace. Pourquoi? Parce qu’il a une mentalité de socialiste:

        Dans son esprit, l’agence immobilère est un service public et gratuit… On peut l’utiliser pour négocier un prix et aboutir directement ou indirectement à la vente, le faire venir tard le soir, faire venir un acheteur potentiel, le laisser rêver, et tout ça est gratuit financièrement et en terme de respect de ses engagements.

        En gros, les deux milles euros qu’il devait sans doute économiser, c’est une sorte d’avantage acquis… Il a pensé avoir le DROIT d’utiliser les gens et de ne pas respecter sa parole… D’ailleurs, je vous assure que ce type de mésaventure n’arrive JAMAIS quand le vendeur est un chef d’entreprise ou un commercant…

        Je me souviens en particulier d’un type avec qui j’avais beaucoup sympathisé, qui était le gérant de trois intermarchés. Croyez-le ou non, j »ai fait deux transactions avec lui sans JAMAIS signer le moindre mandat.
        Pourquoi d’après vous? Parce qu’il était honnête et que l’autre de mon histoire était malhonnête? Pas du tout.

        Parce que le premier m’avait pris pour un service public.

        Il faut bien comprendre que ce n’est pas une question de morale.

        1. XP Auteur de l’article

          Je précise: en cas d’échec, le coup aurait été plus dur pour mes acheteurs que pour moi. C’est assez violent de visiter un bien, de faire un offre et de vous entendre dire que non, ce n’est plus à la vente… La loi protège contre ce genre d’aventure, puisqu’il est interdit de refuser de vendre quoi que ce soit qu’on ait mis en vente si un acheteur vous en offre le prix indiqué, même pas une vielle caisse d’occasion…

          Or, pourqoui, dans mon histoire, le vendeur se permet de se comporter aussi mal? Parce que dans son esprit, l’affaire n’était pas une opération commerciale, qui implique des règles et un engagement réciproque entre vendeurs et acheteurs potentiels.

          Dans son esprit, il était une sorte d’usager vendeur qui n’a aucune responsabilité à l’endroit d’un quelconque usager acheteur.

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