Leo Strauss

La cité peut et doit exiger de ses citoyens le sacrifice de leur vie ; toutefois, la cité elle-même ne peut pas se sacrifier elle-même ; une cité peut sans honte accepter, même sous la contrainte, la suzeraineté d’une cité beaucoup plus puissante ; cela bien sûr ne veut pas dire qu’il ne faille pas préférer la mort ou l’anéantissement à l’esclavage proprement dit. Il y a une certaine ressemblance entre la cité et l’individu ; tout comme l’individu, la cité ne peut agir noblement ou vertueusement si elle manque de l’équipement nécessaire, c’est-à-dire de puissance, ou, en d’autres termes, la vertu est inutile sans un bagage adéquat.

La Cité et l’Homme – Leo Strauss ; Livre de Poche, p.390

Au contraire, toute adhésion au progrès, sans parler d’une adhésion au communisme, implique le dogmatisme de celui qui prétend savoir (il « connaît » le sens de l’Histoire) et le fanatisme (cela est évidemment bon et ne peut être remis en question) : l’avenir sera nécessairement meilleur. Soumission au fait accompli, au décret de l’histoire et de destin.

Nihilisme et politique – Leo Strauss. Olivier Sedeyn ; Rivage Poche, p.21 en introduction

Qu’est-ce que la démocratie moderne ? On a dit une fois que la démocratie est un régime où tous les adultes ou la plupart d’entre eux sont des hommes de vertu, et, dans la mesure où la vertu semble impliquer la sagesse, un régime dans lequel tous les hommes ou la plupart d’entre eux sont vertueux et sages, ou encore la démocratie est la société dans laquelle tous les adultes ou la plupart d’entre eux ont développé à un niveau élevé leur raison, ou encore la démocratie est la société rationnelle par excellence. En un mot, la démocratie est censée être une aristocratie qui s’est élargie au point d’être une aristocratie universelle. Avant l’émergence de la démocratie moderne, quelques doutes furent émis sur la possibilité de la démocratie ainsi entendue. Comme l’a dit l’un des deux plus grands esprits parmi les théoriciens de la démocratie : « S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. »

Léo Strauss – Le libéralisme antique et moderne ; PUF, p. 15


13 réflexions sur « Leo Strauss »

  1. NOURATIN

    « Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes », ben oui, quoi,
    évidemment! Y a qu’à voir le résultat, c’est parlant.
    Bon. Et après qu’est-ce qu’on fait? La monarchie, c’est fini, on l’a cassée.
    Reste la dictature mais là on prendrait quand même un petit risque.
    Donc, Strauss a raison mais tant qu’il y était il aurait pu aussi nous donner
    des conseils. Au moins à son cousin Kahn.

    1. Nebo

      Léo Strauss fait partie de ces juifs de la Mittel Europa, parfaitement intégrés, qui étaient le haut niveau de l’Elite Intellectuelle qui a donné les derniers grands génies de notre continent avant qu’un caporal à moustache jaloux de n’avoir le même niveau intellectuel et spirituel ne prenne la décision criminelle de les exterminer. Un trou béant dont l’Europe, après la folie de la première guerre mondiale, ne s’est jamais vraiment remise.

      Dieu merci, son destin l’a mené hors d’Allemagne dés le début des années 30, avant que le Mahomet du Tyrol n’y prenne le pouvoir…

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Leo_Strauss

    1. Aristide

      Le meilleur je ne sais pas, mais le plus synthétique et le plus facile d’accès est sans doute « Droit naturel et histoire ».
      Facilité toute relative d’ailleurs. Tous les livres de Strauss sont difficiles. Ce qui n’est pas une excuse pour ne pas les lire, évidemment.

  2. Aristide

    « Nihilisme et politique » n’est pas à proprement parler un livre composé par Strauss, puisqu’il s’agit de trois conférences prononcées entre 1941 et 1962 et réunies bien après sa mort. Ceci dit vous avez raison, pour quelqu’un qui ne connaitrait pas du tout Strauss « Nihilisme et politique » peut être une bonne manière de commencer à s’y intéresser.
    La conférence sur le nihilisme allemand est particulièrement remarquable.

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