Open bar

Les états occidentaux sont surendettés par la faute des marchés financiers, c’est entendu.

Pour être plus précis, ce sont les taux d’intérêts et les conditions politiques que les marchés ont imposés aux états, qui sont les causes de leurs étranglements.

Pour être encore plus exact, les taux d’intérêt ont été jusqu’alors ridiculement faibles, les exigences politiques presque inexistantes, et c’est pour ça que les états ont emprunté plus qu’ils ne pouvaient rembourser, sans jamais vraiment se poser la question des échéances.

Les marchés financiers sont donc coupables, certes, mais de ne pas avoir pris à temps les nations à la gorge, de n’avoir jamais puni, de ne pas s’être mêlé quand il le fallait des affaires intérieures de ses nations-clientes, de ne pas avoir enseigné quand il en était temps que ces histoires de souveraineté populaire, d’hommes providentiels ou de volonté politique tenaient de l’enfantillage et qu’il n’y a toujours eu qu’une vérité dans ce bas monde, celle des mathématiques.

Les marchés financiers n’ont jamais spéculé contre les nations, ils ont au contraire fait open bar. Ce qu’on peut leur reprocher présentement, en 2011, ce n’est pas de prêter à 17% à la Grèce ou d’indiquer aux populations européennes les présidents du conseil qu’ils doivent élire ou ne surtout pas élire, mais de ne s’être pas ingéré avant.

Le principe de la souveraineté populaire et nationale autorise qu’un peuple s’accorde à la moitié des votants+1 le droit de ne plus rembourser personne, mais fort heureusement, il existe aussi des vérités économiques selon lesquelles ça ne doit pas se passer comme ça, que ce n’est pas envisageable et qu’aucun peuple n’a les fesses assez grosses pour s’asseoir sur de Droit au nom de la Politique.

Mais en vérité, qu’-est-ce que c’est au juste, que le Marché? Qui est donc ce vilain Monsieur Marché? C’est en réalité quelques millions de gens comme vous et moi éparpillés à travers la planète et qui n’étaient pas demandeurs, qui ont accepté après qu’on les ait sollicités de mettre à disposition leur argent, qui ont signé des conventions avec leurs créanciers, qui n’ont à aucun moment dans cette histoire mis un revolver sur la tempe de quelqu’un mais qui aspirent tout de même à ce que le pognon soit rendu.

Le contempteur de la finance internationale, de ce vilain monsieur marché constitué de ces millions de personnes, il estime qu’il faudrait se passer d’eux, c’est à dire trouver des créanciers plus conciliants, moins psychorigides, qui n’écrasent pas les peuples avec des taux d’intérêt à 2 %, et n’aient pas l’outrecuidance de réclamer ce qu’on leur doit, voire même de menacer de ne plus jamais rien remettre au pot.

Lui, il a une autre idée… Il a réfléchit, et il en a conclut que tous ces gens qui constituent le marché en prêtant leurs économies à 2% sont des affameurs, certes, mais qu’ils ont surtout le défaut de se tenir sur tous les continents, d’être loin, c’est à dire hors de portée de la police républicaine et pour tout dire impossible à serrer chez eux au petit matin, en caleçon, pour l’intérêt de la France…. Comme disait un républicain véreux de la troisième République, les banques je les ferme et les banquiers je les enferme, mais c’est une tâche difficile à mener à bien, quand on ne peut pas envoyer ses flics.

Ce qu’il suggère, c’est que l’on fasse le choix de la solidarité citoyenne plutôt que celui de la finance internationale, que ces millions de prêteurs anonymes soient remplacés par des millions de prêteurs identifiables, qu’il n’y a aucune raison de servir les intérêts des fortunes apatrides et vagabondes alors qu’on vous a sous la main, vous, qu’on peut vous empêcher de passer la frontière ou faire pression sur votre vieille mère, si toutefois vous réussissiez à passer en Belgique…. Avec vous, non seulement l’Etat est sûr de retrouver ses 2% même si vous pensez dans votre for intérieur que c’est un peu juste, mais il pourra au besoin vous rendre ni vos 2% ni votre capital, et même vous mettre en prison si vous avez le culot de faire connaître votre mécontentement, à l’inverse de ces détenteurs de titres sans adresses, affameurs et lâches auxquels on ne peut même pas envoyer une lettre recommandée pour leur indiquer qu’ils sont soumis à un emprunt obligatoire.

Les marchés financiers nous protègent tous… Si un jour le Léviathan nous annonce crânement qu’il peut se passer d’eux, c’est qu’il sera déjà en train de foncer sur nous, qu’il aura bloqué toutes les sorties et que les lettres nous annonçant que nous sommes soumis au grand emprunt national sont déjà parties, les cachets de la poste faisant foi…
Force est de constater que les marchés foutent la trouille à l’Etat. C’est pour ça que les jacobinistes en disent pique pendre, de ces fameux marchés, et qu’ils proposent que les citoyens prennent leur place.

Détenir le monopole de la violence et pouvoir enfermer ses créanciers quand on n’est plus solvable, c’est à ça que se résume les convictions économiques des contempteurs des marchés et de la spéculation financière…. Prenez le problème par le bout que vous voulez, et vous verrez qu’il n’est question que de ça…

Le reste n’est que bavardage.

12 réflexions sur « Open bar »

  1. Rosco

    Pas totalement faux mais un peu facile. Il est clair qu’au niveau individuel, un type qui est assez con pour s’être fait fourguer des crédits revolving à tout va pour s’acheter des écrans plats et des canapés ne peut s’en prendre qu’à lui même.

    Mais à l’échelle des nations, cela ne se passe pas toujours aussi simplement : les puissances dominantes ont une fâcheuse tendance à faire pression sur les dominés pour qu’ils s’endettent. Une fois de plus, rappelons-nous les guerres de l’opium.

    Plus près de nous, lisez par exemple les « Confessions of an economic hitman » de John Perkins, ou comment persuader les pays pauvres de s’endetter au dela du raisonnable pour qu’ils se retrouvent sous la coupe des USA.

    Je ne dis pas qu’il y a des méchants et des gentils, je dis simplement que « le marché » comme entité neutre n’existe pas. Il y a des groupes et des individus qui poursuivent des buts propres et qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour y arriver.

    Le type qui veut fourguer des crédits revolving n’est pas nécessairement un salaud, c’est juste un type qui veut se payer un écran plat. Et celui qui accepte le crédit revolving est juste un type qui veut se payer un écran plat. Simplement, des buts identiques n’impliquent pas des convergences d’intérêts.

    De même, derrière les fonds de pensions US, il y a des retraités qui veulent couler des jours tranquilles en Floride. ça n’est en rien contradictoire avec le fait que le résultat de leur spéculations peut empêcher d’autres retraités ou futur retraités de couler des jours tranquilles.

    Le marché ne sauvera que ceux qui sauront le manipuler à leur profit. Pour les autres… vae victis.

    1. XP Auteur de l’article

      Il faudrait savoir. On ne peut pas reprocher aux marchés tout et son contraire: pousser à l’endettement les états pour les asservir, ou s’ingérer dans leurs affaires en les menacant… De ne plus leur prêter.

      Je note qu’on fait ce même double-reproche aux banques: trop prêter et ne pas prêter… Encroumer les pauvres et ne prêter qu’aux riches… Jouer avec le feu en prêtant à des gens insolvables et ne prêter qu’aux riches, ne prendre aucun risque.

      Par ailleurs, si la bourse baisse et qu’un banque fait faillite, on nous dit « on vous l’avait bien dit, le système s’effondre », Marx l’avait dit, la basse tendantielle des profits, toussa… Si elle remonte et que les banques renouent avec les bénéfices, on nous dit « ah, mais c’est pas la crise pour tout le monde, ma bonne dame, tous ces gens qui sont de plus en plus riche, et les autres de plus en plus pauvre ».

  2. AntoineGael

    Très intéressant mais je me permets un bémol totalement interrogatif. Il est donc affirmé que l’argent des marchés est issus des millions de personnes qui acceptent de le mettre à disposition des états demandeurs de crédit.
    Après moult recherches sur Internet, j’ai surtout découvert que l’argent prêté par les banques est de la pure création monétaire issu de la notion de ratio/levier : la banque possède x, elle est en droit de prêter y (ou y > x) et de prendre des intérêt sur cet argent fictif.
    Avant même de discuter du bien fondé de l’achat d’un écran plat quand on en a pas les moyens, je pense qu’il y a déjà de quoi s’interroger sur la notion même d’intérêts.

    Toutefois, mon interrogatif se situe au niveau du marché et des états : s’agit-il du même fonctionnement ? Et d’ailleurs qu’en est-il vraiment ?
    Les états empruntent donc de l’argent réel ? Pourrait-on alors l’indexer directement sur l’or ?

    On trouve facilement sur le net des dénonciateurs de la création monétaire, du système en place, etc. Je trouve plus difficilement, et je voudrais trouver pour confronter les arguments, les défenseurs du système. Si d’aucun a de l’information à ce sujet, je suis preneur.

    En attendant : Un classique sur le sujet

    1. XP Auteur de l’article

      je ne sais pas si c’est à moi que vous posez la question, mais au cas où, je vais vous répondre^^

      Je n’en sais strictement rien, j’ignore totalement d’où provient l’argent des marchés, comment ils fonctionnent, et pour tout dire, c’est une question qui m’intéresse pas.

      « l’argent des marchés est issu des millions de personnes qui acceptent de le mettre à disposition des états demandeurs de crédit. » c’est peut-être faux, après tout, et ça n’a aucune importance. Ce qui m’intéresse, c’est que les marchés, c’est le monde de la finance, extérieur à la fois aux frontières géographiques et aux frontières du Politique.

      Ce que j’observe et ce que je rapporte ici, c’est que les adversaires du marché réclament en réalité la suprématie du Politique sur le droit et l’économie… Et la suprématie du politique, c’est avant toute chose l’arbitraire du pouvoir, et comme tout se tient, le droit souverain du peuple ou du prince (peu importe) à priver l’individu de sa liberté et de ses biens.

      Refuser les marchés, c’est en réalité ne pas admettre que le politique soit soumis à des contraintes, y compris la contrainte de respecter ses engagements, ne pas s’emparer des biens d’autrui, etc…

      L’existence des marchés, c’est très clairement une atteinte aux souverainetés nationales et populaires, et les dites souverainetés sont clairement des dangers pour les individus.

      Je le redis encore une fois, ceux qui déplorent que le politique soit soumis aux marchés ne déplorent rien d’autre que le peuple, la nation… soient tenus de payer leurs dettes et puissent se voir refuser de l’argent.

      La seule chose qui m’intéresse, ici, c’est que l’argent des marchés, c’est de l’argent que l’on emprunte et que l’on rembourse à la date prévue, en rémunérant le prêteur… Après, d’où vient cet argent… Nicolas ou Georges Kaplan vous éclaireront peut-être, s’ils passent par là!

    2. Saku

      Le documentaire de Paul Grignon a été tres largement critique car il « oublie » quelque chose de fondamental : c’est de préciser que l’argent lorsqu’il est rendu est détruit.

      Personnellement, je vois les banques, la finance en general, comme un outil qui permet aux détenteur du capital de preter leurs argent a ceux qui n’ont pas de capital mais qui vont se sortir les doigts du c… pour entreprendre.

      Je ne suis pas historien ni economiste donc je ne saurais pas detailler plus. Ceci dit je vous conseille vivement le blog de Charles Gave, libéral comme on n’en fait plus et qui sait expliquer les mystères de l’économie aux plus humbles 🙂
      http://lafaillitedeletat.com/

    3. Vladimir Vladimirovich

      @Antoinegael

      Cette histoire d’argent fictif est une ineptie totale. Les banques empruntent de l’argent soit à leur dépositaires, soit sur les marchés en émettant des obligations ou autre type d’instrument financier, dont les taux varient selon leur notation, les actif-soujacent, etc. C’est le travail de la banque dite d’investissement. La banque finance ensuite ses clients avec cet argent emprunté, qu’elle va donc elle meme rembourser, et dont le montant ne doit pas etre superieur a environ neuf fois son capital propre, par mesure de controle. En plus de cela elle doit faire des provision en fontion du niveau de risque estimé lié à chaque client/prêt. Elle ne peut en aucun cas créer de l’argent. Seuls les banques centrales en ont le pouvoir.

      Quand à savoir pourquoi les banquiers d’affaires ne passent pas leurs soirées à bloguer avec des militants gauchistes iniares, je pense que la réponse est contenu dans la question.

      Comme disait Daniel Bouton aux journalistes: « Je peux vous l’expliquer, mais je ne peux pas le comprendre pour vous » ^^

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