Tutoiement vestimentaire

Un gentil commentateur demande :

 

Les libéraux sont gentils et les socialos haineux, c’est entendu.

Mais il y a une question, qui me vient en comparant l’élégant Sorman et ce plouc de Michéa: Pourquoi les uns s’habillent bien, ou du moins essaient, tandis que les autres mettent toujours un point d’honneur à ne ressembler à rien ?

Vous avez déjà vu une secrétaire de mairie soigner son apparence ? Ou une guichetière de la Sécu sur son 31 ? Ou quelque chose de plus offensant pour la vue qu’une manif de profs ? Comme si l’absence d’allure et la médiocrité était l’uniforme tacite de la fonction publique.

Quelqu’un a une explication ?

Oui : moi.

Je réponds : Rousseausisme. Il y a d’un côté ceux qui considèrent (par atavisme, hein) que l’homme est naturellement bon et que donc la sophistication vestimentaire en tant que haute construction sociale est un signe de corruption (aliénation, domination, hiérarchisation, etc), et les autres qui considèrent que l’homme est naturellement un sagouin nombriliste et que c’est un signe de respect pour autrui de montrer qu’en public on fait l’effort de se différencier le plus possible de cet état primitif (et non de se différencier d’autrui, pour preuve, l’élégance se constitue de classiques ).

A cela il faut bien évidemment ajouter la notion de goût, le sophistiqué raté, outrancier, part de la construction sociale première évoquée (élégance = supériorité sociale) mais tente néanmoins de se l’approprier par orgueil, partant d’un postulat faux qu’il veut tourner à son avantage, il tombe de fait dans le ridicule pathétique par son échec à y parvenir, et trahit non pas l’esthétique, mais son essence, faisant apparaitre sa mentalité doublement viciée (rousseauisme + veulerie). On est tenté de les faire fusionner, le veule étant un rousseauiste qui s’agite. Exemple :

Tout cela est donc évidemment valable pour les pauvres comme pour les riches.

NB : la notion de supériorité sociale est ici prise au sens commun-donc gauchiste (argent, pouvoir), donc évidemment inversée- c’est tout le sens de cette analyse-si on la prend au sens philosophique (je fait l’effort d’être évolué parce que je sais qu’au fond je suis une bête narcissique qui tutoie tout le monde (non je ne ferai pas de lacanisme sur le tutoiement bien que ce soit tentant))…

 

 

21 réflexions sur « Tutoiement vestimentaire »

  1. Edward Newgate

    Le tutoiement tue et le vouvoiement voit ? Tutoiement, tue toi toi-même ?

    Votre dernière phrase me tente terriblement…

    Merci pour votre réflexion sur les classiques – ce qui mérite d’être copié donc – qui est très pertinente. J’l’a ressortirait à chaque fois qu’un rousseauiste me chantera son couplet sur le « besoin de se différencier » et « d’étaler sa richesse » etc.

    Le rouquemoute est priceless.

  2. Didier Goux

    Billet au sujet très camusien ! C’est le triomphe du « soi-mêmisme », du « je suis venu comme j’étais », sous-entendu : ce sera toujours assez bon pour vous. Nombreuses pistes de réflexion à ce sujet dans La Dictature de la petite-bourgeoisie, du même Camus.

  3. LeMarquis

    Si on peut extrapoler cette analyse à l’ensemble des classes sociales et qu’elle est majoritairement juste, une question me vient à l’esprit :

    « L’apparence est-il le langage de la vérité? »

    et même « Est-il plus instructif de regarder ou d’écouter quelqu’un? »

    1. Il Sorpasso Auteur de l’article

      « « L’apparence est-il le langage de la vérité? » »

      Oui, le « mensonge » de l’apparence est le langage de la vérité. Le mensonge est plus vrai que la vérité, il souligne la vérité et l’importance qu’elle a pour le menteur. Quelqu’un de bien mis ment en apparence, mais il traduit qu’en vérité ce mensonge est un signe de respect. Le crasseux, lui, fait croire qu’il dit la vérité directement, qu’il n’a « rien à cacher » que le mensonge lui est étranger, or il révèle sa profonde barbarie, le mensonge étant construction sociale.

      On remarquera que le bureau du millionnaire donné en exemple surplombe (ça ne se voit pas vraiment sur la photo) l’open space de ses employés et qu’il n’y a qu’une grande vitre qui les sépare. La transparence c’est la pirouette du rousseauiste qui a réussit.

      http://www.journaldunet.com/reportages/06/0611-priceminister/images/1.jpg

      1. Gil

        « Oui, le « mensonge » de l’apparence est le langage de la vérité. Le mensonge est plus vrai que la vérité, il souligne la vérité et l’importance qu’elle a pour le menteur. Quelqu’un de bien mis ment en apparence, mais il traduit qu’en vérité ce mensonge est un signe de respect. »

        Superbe. Vous vous sorpassez, Surpasso.

        Une anecdote de mon retour en France : je suis actuellement dans un bled plein de « néo-ruraux », à 95 % de gauche, oeuf corse. On m’a prévenu : attention, si tu es friqué, tu dois mal t’habiller, sinon ça sera perçu comme une offense… bref, il ne faut pas manquer de respect au manque de respect envers soi-même et les autres que représente le fait de mal s’habiller. Heureusement que j’ai un goût de chiottes !

      2. Gil

        « à 95 % de gauche »

        À ce propos, je vais faire un hors-sujet à propos d’un truc qui m’a frappé depuis mon retour en France. Les 5 % de droite sont en fait… de gauche. Ou disons qu’ils ont intégré un bloquage (si on peut dire) qui rend leur droitisme totalement inopérant.

        En effet, ils sont conscients de l’état-limite qu’ont atteint en France le nombre de fonctionnaire, l’immigration massive, l’étatisation tentaculaire etc.

        Mais si on leur dit : eh bien il faut casser la SS, ils répondent : ah non, c’est sacré et nécessaire etc.

        Si on leur dit : eh bien, il faut arrêter l’immigration par des moyens violents, dénaturaliser un paquet de néo-Frankaouis etc, ils répondent : ah non, on est civilisé, et puis la nationalité française c’est sacré, une fois donnée c’est fait etc.

        Et tutti cuanti… À la fois drôle et infiniment agaçant.

  4. Rosco

    Intéressant, mais il me semble qu’il existe une explication autrement plus simple et plus effrayante : les gauchistes ont des goûts de chiotte.

    Tout un chacun essaye plus ou moins de faire de son mieux par rapport à ses standards. Personne ou presque ne s’enlaidit volontairement, sauf exception, l’enlaidissement volontaire supposant de toute façon une conscience aigue du beau. Donc la conclusion qu’on peut en tirer, c’est qu’un enseignant encarté au PS est persuadé d’avoir du goût et d’être habillé de façon satisfaisante.

    Il est possible que les hommes négligent leur apparence par ignorance et manque d’intérêt pour la chose textile, mais personne ne me fera croire qu’une femme ne se soucie pas de son apparence vestimentaire. Simplement, une prof en retraite s’extasie authentiquement sur le catalogue de la camif. Terrifiant mais réel.

    Il ne faut pas non plus négliger le fait qu’il n’y a peut-être que 2 pays possédant une authentique culture de l’habillement, à savoir l’Angleterre et l’Italie. On imagine mal le mouvement Mods naître à la Courneuve, pas plus que la classe naturelle de Mastroianni apparaître à Marseille.

    D’ailleurs, on reconnaît facilement le touriste français tendance guide du routard à l’étranger : c’est généralement un prof en vacance ou en retraite habillé Quechua de la tête aux pieds. Beurk.

    1. Edward Newgate

      Pour le coup cela ne vaut pas que pour le français de base…Le touriste blanc l’étranger, c’est quelque chose… L’Espagne ne semble peuplée que d’étudiants gauchistes en sarouel multicolor. Les allemands en chaussettes tout parfaitement équipés, les hollandais dégueulasses…L’esprit routard est universel… On peut noter un certain relâchement chez les jeunes italiens aussi…le tatouage et le streetwear fait quelques ravages (sans parler de la barbe). Le pire étant les nords-americains : pensez donc que ces gens n’ont absolument aucun scrupule à porter du marine avec du noir O_O

  5. Skandal

    Je suis d’accord avec Rosco. A l’évidence le « gout de merde » est particulierement dévellopé chez les socialistes ou apparentés.

    -Chemisette manche courte + cravate.
    -Housse à la ceinture pour le portable.
    -Chemise jaune
    -chausette claire + pantalon sombres

    etc…

  6. Patrick Bateman

    Réponse encore plus terre-à-terre : l’égalitarisme.

    Si un gauchiste ne ressemble à rien, c’est d’abord parce qu’il veut être conforme au prof de math à coté du prof de philo, etc…

    Il en va de même pour le branleur déguisé en Bob Marley, qui malgré l’apparente originalité que semble démontrer un uniforme de clochard de toutes les couleurs, n’est que la copie conforme de sa bande de potes, qui ressemble elle même à toutes les bandes de potes qui fument la même daube.

    Vouloir être sophistiqué sans être un sapin de Noel qui ressemble aux autres sapins de Noel – autrement dit soigner son corps, son visage, choisir ses costumes, ajouter sa petite touche personnelle – c’est déjà le début de l’effort, de la hiérarchie, du bon gout, de l’ordre (au moins vestimentaire, pas de chaussettes en guise de moufles, on préférera d’élégants gants (jeu de mots pourri) de cuir).

    En bref, la conformité qui se hausse dans la hiérarchie est de droite.

    L’originalité qui se vautre dans le commun comme les effets de mode ridicules, est de gauche.

    Des trucs de droitards quoi, (et tant mieux !)

  7. Restif

    Une miraculeuse sinusite me donne un ballon d’oxygène temporelle dont je m’empresse de profiter. Où pourrais-je mieux le faire que sur Ilys, en me glissant, entre deux quintes, chez le très affable Il sorpasso?

    Et d’abord, pour me faire l’avocat du diable –c’est le cas de le nommer –je rappellerai que Lucifer est reconnu comme prince des apparences. Tout ermite qui se respecte, devant l’apparition d’un ange de lumière, avec auréole, paire d’ailes et toute la bienheureuse panoplie, commence par se défier et pagayer sévère du soupçon sur la mer de la suspicion (quelle périphrase, que d’allitérations!) Enfin, si « l’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu », on peut bien reconnaître que le roi Sabbat est comme l’escroc : on plagie les règles précisément parce que ce sont les règles. Très prosaïquement, il y a dans une vêture correcte la même vertu que dans une langue qui se refuse à se lâcher : cela soutient la colonne vertébrale de l’homme, on marche plus droit, le regard plus altier, le front haut, tutoyant l’azur, quand la parka usée et le sweat shirt trop large conduit le bipède à l’avachissement du corps et de la pensée. Prenons cependant garde au gauchiste –souvent de tendance communiste et plus communément encore, théoricien – qui se présente en tous points impeccable. Souvenons-nous de Robespierre et de Saint Juste. Louis Blanc aussi visait le « pas un grain de poussière ». Chez certains, la rigueur du costume reflète une volonté d’épuration, un absolu au rasoir qui fleure bon le génocide socialement dirigé.

    Ilysiens, ilysiennes, , « we happy few, we little band of brothers: » (Shakespeare, Henry V), je crains que la merveilleuse maladie ne puisse suffire à m’excuser au tribunal de la conscience,(pas longtemps en tous cas…) le tripalium réclame son dû. Loin de vous oublier, je laisse à mon double astral –sapé comme un prince de l’éther- le soin de l’assiduité la plus draconienne.

      1. Restif

        C’est très gentil chère Crevette, mais je ne décide malheureusement pas en lieu et place des virus (ou bacilles ou autres sympathiques petites bêtes). Je repars déjà prendre un peu d’avance, ou plutôt rattraper du retard. Mais je suis touché!

  8. Octavius

    « Ce n’est pas un habit qui marche tout seul ! Au contraire, c’est une certaine manière de le porter qui crée le Dandysme. On peut être Dandy avec un habit chiffonné. Lord Spencer le fut bien avec un habit qui n’avait plus qu’une basque. Il est vrai qu’il la coupa et qu’il en fît cette chose qui, depuis, a porté son nom. »

    Barbey d’Aurevilly, « Du dandysme et de George Brummel »

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