Moi tout seul, avec sept dizaines de nègres, j’ai tracé une ligne de voies ferrées de quarante kilomètres, en Afrique.
Maintenant, je suis en hôpital psychiatrique.
Je traîne toute la journée en camisole, elle me cache les couilles si je me courbe un peu, mais si je discute avec les gens devant la machine à café, si le sujet m’inspire, si je prends de l’assurance et si je me redresse, elle me découvre et mon interlocuteur s’en va en rigolant.
Comme je suis un patient de marque, le psychiatre en chef de la clinique me reçoit tous les matins à dix heures… C’est une sommité, un psychanalyste redoutable dont je n’ignore pas qu’il tente de bâtir une thèse autour de ma personne… Je ne suis pas n’importe qui, et j’ai même obtenu de lui une couverture, pour nos entretiens, quand je suis assis dans mon fauteuil et que je lui fais face.
Pourtant, depuis maintenant six mois, je ne lui ai jamais lâché un mot… Il est psychanalyste, je ne crois pas en sa micro-science, et si je pense avec Freud que tout le monde délire, je suis persuadé aussi que cette panique ne doit rien à nos pères ou nos mères, qu’on ne délire jamais à partir de son père et de sa mère, mais à partir du monde entier, de la monstruosité de la terre et l’absurdité de nos naissances ,…. Le Docteur Freud a vu le délire, mais comme l’indien d’Amérique Centrale a vu l’hélicoptère abattu par l’US Air Force tombé par hasard sur son champ de cueillette et s’est mis à tourner autour de la chose avec sa lance en bougeant du cul pour se faire une religion… La psychanalyse, c’est une billevesée de sauvage d’Amérique Centrale encore à poil au vingtième siècle, ou si vous préférez de femme de ménage qui garde des enfants et se dit que si les petits crient à la mort, c’est parce qu’ils leur manque leur père ou leur mère.
Moi, je délire depuis que je suis revenu d’Afrique… J’avais pour mission de relier deux villes en construisant un chemin de fer, et c’est le Président des États-Unis en personne, qui m’avait confié ce travail…. Je suis ingénieur, j’avais de la poudre et des fusils, mais deux lions m’ont persécuté pendant quarante jours… des lions d’un mètre vingt au garrot, presque autant que des vaches, plus rusés à deux qu’un bataillon de diplômés, plus féroces qu’une rangée de criminels de guerre assis derrière une vitre à La Haye…Un soir, nous les attendions à sept, avec un fusil chacun, pour les abattre… Nous pensions qu’ils allaient venir, ils sont venus, mais une fois dans la tente ils se sont dressés, ils faisaient presque trois mètres, debout, ils nous ont arrachés nos fusils, se sont mis à tourner, à déchirer les torses et les visages, chacun des deux est parti avec un homme qu’il tenait dans sa gueule par le cou, et c’est en nous pissant dessus que le reste de la nuit, nous les avons entendu croquer les os des deux nègres, car ils prenaient les nègres en premier…. Ils nous narguaient, ou plus exactement ils me narguaient… Plus j’ échouais à les abattre, et moins ils s’éloignaient du campement, pour manger leurs proies, histoire que j’entende chaque fois un peu plus le bruit que ça fait…
La lampe censée s’allumer avant le carnage, les balles, la peur du tireur avant d’appuyer, la seconde d’hésitation qui permet de le désarmer , les chausse-trappes, la guerre des nerfs, la bataille qui se gagne avant qu’on la livre, ils connaissaient tout…. Un soir, alors que nous comptions déjà trente morts, ils ont grogné autour du village pour que nous puissions tous nous armer, l’un d’eux a surgi, on a tiré, il est reparti, il a recommencé plusieurs fois jusque jusqu’à ce que nous nous tenions tous à moins d’un mètre les uns des autres, puis il est venu en choisir un… Ce coup-ci, c’est tombé sur Antonius, un Hollandais qui s’amusait à citer Pascal dans le texte, au réfectoire, et qui parlait tout le temps de sa mère… C’était un vieux garçon.
Après ce jour on a commencé à les mettre en échec en allant coucher dans les arbres…. Aux alentours de vingt heures, on montait sur nos branches, on éclairait, on lisait la bible, on se balançait des bananes entre collègues, et tôt ou tard dans la soirée, les deux bêtes venaient faire un tour…. Tous les soirs, elles en fixaient un, s’asseyaient pour laisser penser à tous les autres ainsi qu’à lui qu’elles avaient trouvé les moyens de l’atteindre, elles grognaient, les plus faibles d’entre nous se mettaient à chialer très fort, en entrecoupant leurs sanglots de raclements de gorge, avant qu’un autre se mette à hurler comme si on lui arrachait les ongles… C’’était alors curieusement les bêtes qui semblaient lymphatiques, presque stoïques, et ce n’était pas rare qu’elles choisissent ce moment pour se lécher langoureusement les oreilles…Une fois, tandis qu’un type faisait un bruit de sirène, l’un des deux fauves s’est mis sur le dos, et l’autre lui a arraché les puces une à une… Au bout d’une heure, ils se retournaient, s’asseyaient encore et se mettaient à en fixer un autre…. Ils avaient le don, car ça tombait en principe sur le plus mélancolique, le plus atteint, le moins fait pour aller construire des chemins de fer dans la brousse.
Le dernier jour, trois des hommes se sont enterrés, parce qu’ils étaient las de monter dans les arbres… Les lions ne les ont pas bouffés, mais enfin ils ont trouvé, ils ont passé des heures à déchiqueter leurs pièges de ronces, et je vous jure que ce sont des cadavres, que l’on est allé chercher au matin… On les a assis sur des chaises, ils pissaient et pissaient encore, ils sentaient la mort, ils étaient raides, et le liquide que secrètent les cadavres, il sortait de leurs pores alors qu’ils gémissaient encore… Il fût impossible de les mettre debout, ils se sont mis à chier sur eux vers dix-sept heures, puis ils sont morts dans les dix minutes.
Le 23 décembre, nous avons tout de même réussi à les abattre….On canardait, on n’avait presque plus de cartouches, les deux bêtes continuaient à se tenir debout, et la plupart des tireurs avaient déjà rejoint leurs branches, quand elles tombèrent devant les trois derniers d’entre eux…. Le président américain, qui suivait nos aventures au jour le jour, a tenu à ce que l’on empaille les monstres… Ils sont dans un musée de Washington, maintenant… Ca n’est paraît-il pas ressemblant… Ils ont des visages tout maigres et des pattes qui ressemblent à des bâtons… Un travail de sagouin.
…Je suis une bête, un nègre, mais je puis être sauvé.
Ce doit être terrible de se faire dépecer comme ça. Tiens prenez Macé Scaron, il est tatoué à présent, mais un vrai tatouage, là. Un vrai: un article de lui sur Ilys. Il va fatalement un jour le trouver, il va le lire, il va lire tous les articles d’ilys et ça va le rendre fou. Il va se rendre compte qu’il n’est à la hauteur d’aucun d’entre eux. Et qu’il s’est fait dépecer l’animal.
En fait, elles ne demandaient qu’à être abattue, ces pauvres bêtes. Pourquoi vivre avec des super prédateurs aussi nuls ? Très chouette texte, une fois de plus. A si bien écrire, XP, vous êtes mûr pour un mois de corvée de chiottes. Volontaire ?
Correction : abattueS. Bien qu’il n’y ait aucune solidarité entre prédateurs : chacune demandait à être ABATTUE.
« Pourquoi vivre avec des super prédateurs aussi nuls ? »
Et non, justement, c’est une histoire vraie, tout ce qu’il y a de plus vraie, qui a déjà servi de trame à plusieurs films et récits
http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ombre_et_la_proie
En fait, ça s’est passé à un endroit où il n’y avait plus de paturage depuis très longtemps, donc plus de troupeaux de fauves, mais où les ésclavagistes avaient l’habitude d’abandonner les esclaves malades, avant livraison… Du coup, quelsques lions solitaires avaient pris l’habitude depuis plusieurs générations de les bouffer, et de ne bouffer que de l’homme, d’où leur incroyable habileté. Ce que les scientifiques n’expliquent pas en revanche, c’est la taille monstrueuse des lions… Qui n’était pas vraiment des lions, mais des lointains survivants des lions prréhistoriques, sans crinières…
Puisque j’en suis aux aveux (bien que cette histoire n’appartienne à personne), j’ai piqué mot pour mot une phrase de Gilles Deleuze, à propos de la psychanalyse « on ne délire jamais à partir de son père et de sa mère », mais comme je l’ai pensé mot à mot avant de tomber dessus, elle est aussi à moi^^ (entre parenthèse, ca claque mieux qu’Onfray, dans le genre).
Et le titre est tiré d’une saison en enfer.
@ XP : « Et non, justement, c’est une histoire vraie » Je n’ai jamais écrit que vous mentiez ! Et puis d’abord, Arthur (le sale gosse comme le roi) ne se sont jamais engueulés avec des lions. Ils avaient d’autres chats à fouetter — et chiottes à récurer. Surtout des lions sans crinières qui ne se beurraient pas les cheveux et qui bâillaient près du chantier quand au réveil il était midi^^.
Le président U.S. qui s’intéresse au transport ferroviaire africain , qui suit l’hécatombe au jour le jour , citer Freud , la machine à café …
Première moitié du XXème .
Les villes séparées de 40 km , pays en voie d’industrialistion attirant les investisseurs Occidentaux , Antonius le Hollandais …
Afique du Sud .
Le dernier lion d’Afrique du Sud est mort en 1862 . Ceci n’aurait jamais échappé à Zola . Enfin …
L’Anecdote du président américain est authentique aussi. C’est le premier Roosevelt.
Mais dites moi, vous avez un problème avec la littérature? Vous m’en voyez surpris.
Ca aurait pû être Jules Cesar qui prenait des nouvelles d’une expédition en amazonie, et le héros aurait pû aller sur la lune après, si vous voulez.
L’absence de cohérence chronologique, l’absence véritable de lieu, de prénoms, de visages, c’est la moindre des choses, quand on veut faire du récit au XXI ème siècle.
Vous vous ête arrêté à Balzac? Vous avez appris la littérature avec Zemmour et Naulleau?
Petite explication de texte, dont on devrait se passer sur Ilys, il me semble: c’est l’histoire d’un type en HP, qui a des délires. Il est donc fort possible qu’il n’ait jamais mis les pieds en Afrique…
Si je m’attendais à devoir expliquer ça ici…
Un conseil, ne regardez jamais la Dolce Vita, c’est plein d’invraisemblances qui vont vous choquer: Anita Ekberg doit y faire vingt mètres.
Non , je suis très sérieux . Votre manque de professionalisme fait énormément de mal à la Frrrrrancophonie .
D’abord, on ne dit plus la Francophonie, on dit la Francité. C’est comme ça qu’ils disent, maintenant, les souveraino-mongaullistes.
Essayez de vous tenir à jour!
Francité c’est un très vieux moteur de recherche complètement éclipsé par les Américains de Google. Ce serait une métaphore ?
Synonyme de francité = franchouillardise. Cest le Wiktionnaire qui le dit.
D’ailleurs ce n’est pas pour rien que l’hymne du Sénégal, pays du fondateur de ce concept, soit une reprise du fameux « Vient poupoule », cher à nos campagnes.
Magnifique, continuez.
Bon allez XP, je vais vous défendre, j’en rage:
« Les histoires vraisemblables ne méritent plus d’être racontées. » Léon Bloy
« plus rusés à deux qu’un bataillon de diplômés, » :
oui enfin ça c’est pas compliqué d’être plus rusé qu’un bataillon de diplômés, à dire vrai ce n’est pas le comparatif qu’il fallait employer mais l’opposition : « aussi rusés à deux qu’un bataillon de diplômés peut être sot »…. » ou quelque chose dans ce genre.
Tout à fait, je trouve aussi que c’eût été plus correct (vous n’entrerez jamais à l’académie si vous ne faites pas d’effort mon vieux)… et puis pourquoi le méchant blanc esclavagiste sodomite ne meurt pas à la fin, après que les gentils mamadous aient conclu un pacte avec les lions que le même blanc assassine sauvagement lors de ses safaris en jet privé. Y a pas de morale à votre histoire, ça fout les jetons!
Ne faites pas semblant de ne pas comprendre Terby ! s’il y en a un qui doit savoir de quoi il est réellement question ici, c’est bien vous, Grand Maître de l’Aigle Rose Croix de l’ordre d’Herdeom de Kilwinning (ça existe, si, si.)Alors vous trouvez ça normal ces deux lions intouchables, que les balles ne percent pas, qui devinent tout, pressentent tout ? Et comme par hasard, les momies des « bestioles » n’ont rien à voir avec les originaux! Puis nous dit-on, ce n' »étaient pas des lions normaux, mais la descendance proche de lions préhistoriques » (comme si la préhistoire pouvait ainsi subsister à travers deux gros chats malfaisants !). Non, d’évidence, on se trouve ic en présence d’animaux familiers de roswelliens, donc d’intelligence très supérieure. D’où la singularité des marques physiques après embaumement, lezs différences marquantes remarquées (et pour cause) pmar le narrateur parfaitement NORMAL. On les a changés ces « lions », pour que le monde ne sache pas. Comme d’habitude dans ce genre d’histoire, le héros fini à l’asile (c’était, il faut le dire en passant, l’arrière-grand père de David Vincent, fatigué, il avait cherché dans la brousse un raccourci que jamais il ne trouvât).Et comme toujours, les hauts gouvernants des USA sont dans le coup. Ne jouez pas les naïfs reptilien Terby! Il faut, quand même, rester raisonnable quoi.
Bien sûr Restif… mais maintenant de méchants messieurs en blanc que je vous envoie (ne vous fiez pas aux apparences, en fait ils sont gentils tout plein et vous offrirons, par la suite, à heures fixes, des bonbons de toutes les couleurs) vont venir faire usage de la force et de leurs matraques sur votre tête dans le but de vous embarquer dans leurs gros camions qui fait pimpon et roule à toute vitesse vers une espèce de prison qui n’en est pas une. C’est ici que nous viendrons vous porter des boites de chocolat (moi je pourrais pas venir, j’ai piscine, désolé).
C’est vrai que, si mes souvenirs sont bon, c’est là un lieu que vous connaissez particulièrement bien. (Je recommande à ceux qui auraient raté cet épisode de la geste terbyenne).
Les deux lions:
http://media.smithsonianmag.com/images/Tsavo-lions-at-Field-Museum-Chicago-2.jpg