La race pourrie des conservateurs


Dans une composition sur La Neige, Victoria, 10 ans, écrit : « C’est l’hiver. Déjà la terre a revêtu son blanc manteau. » Elle aura 10 sur 10. Mais on donnera 3 sur 10 à Sylvie pour avoir trouvé : « Quand il neige, c’est comme des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est supérieure à l’imitation. Mais Victoria montre une âme docile, un rassurant défaut d’esprit critique, tandis que Sylvie appartient manifestement à la race dangereuse de ceux qui voient avec leurs yeux

Denis de Rougement

______

Quel est le genre d’hommes que vous aimez le plus?

What kind of people do you like best?

Le constructeur.

Builders.

Et que vous détestez le plus?

And what kind do you hate the most?

Le destructeur.

Destroyers.

Louis-Ferdinand Céline

42 réflexions sur « La race pourrie des conservateurs »

    1. Vae Victis

      Il y a contresens. Rougemont se place dans la tradition occidentale, dans une éducation libérale, qui fait que l’invention est supérieure à la copie servile. Pour autant l’invention suppose une excellent connaissance des auteurs et des artistes passés pour transcender leur héritage.

      1. Aristide

        Peut-être y a-t-il contresens si on replace ce paragraphe dans son contexte, je ne sais pas. Mais dans cet extrait de Rougemont fait l’éloge de la « créativité » d’une enfant de dix ans (créativité toute relative d’ailleurs : comparer la neige à du coton, ce n’est pas exactement le signe d’une inventivité exubérante) et il dénigre la petite fille qui utilise un lieu commun mais qui l’orthographie correctement.
        Cela me semble une pente extrêmement glissante et – sur cet extrait toujours – je ne vois pas la différence avec nos modernes pédagogues, qui ont tant fait pour détruire une véritable éducation libérale.

        1. XP Auteur de l’article

          Force est de reconnaitre que de donner dix sur dix à un lieu commun, à l’imitation et sanctionner la création, c’est la règle qui prévaut à peu près partout.

          Comme l’avait vu Claude Lévi Strauss et comme j’ai medestement essayé de l’expliquer souvent sur Ilys, c’est par ce culte de la connaissance et de la reproduction, que nous nous islamisons.

          « : comparer la neige à du coton, ce n’est pas exactement le signe d’une inventivité exubérante »

          Mais quel rapport? La question n’est pas de savoir si cette inventivité est « exubérante » ou pas, mais de savoir si ça en est ou pas. Or, ça en est. L’élève regarde la neige, elle pense à du coton. Ce n’est pas quelqu’un d’autre qui pense à du coton, c’est elle… Et elle trouve des mots pour le dire. Il s’agit donc d’une « création ». La première élève ne voit rien, n’exprime rien, et ne dit rien.

          1. XP Auteur de l’article

            Prenez l’exemple de la politique: cherchez la raison fondamentale pour laquelle Sarkozy est à ce point détesté. Que lui reproche-ton, à gauche comme à droite? De ne pas imiter François Mitterantd ou le Général De Gaulle. C’est à dire ne pas se conformer à ce que nous avons appris sur ce à quoi doit ressembler un chef de l’Etat. Il nous demande d’oublier ce que nous avons appris. Et c’est vraiment un truc que les gens ne pardonnent pas.

            1. Irena Adler

              « Pour autant l’invention suppose une excellent connaissance des auteurs et des artistes passés pour transcender leur héritage. »

              Voilà.

              Il faut encore être l’héritier d’une tradition pour l’envoyer valser. Par exemple, quand Jésus vient au-devant des Pharisiens, c’est leur propre tradition qu’il leur présente, mais revisitée : lavée par ses yeux neufs, dépoussiérée de leur ‘bigoterie’ – ce pourquoi ils ne la reconnaissent pas.

              En cela réside tout le caractère scandaleux de son initiative : si Jésus n’étaient pas venu défendre les mêmes valeurs que ses ennemis (en s’y prenant d’une façon différente), alors Il n’aurait pas touché leur cœur, et ils ne Lui en auraient pas autant voulu.

              Jésus ne peut pas exister ex-nihilo. Au contraire il vient terminer une longue lignée de prophètes (juifs) imparfaits. Il vient apporter une nouvelle pierre à un grand édifice, tout en le chamboulant jusque dans ses fondations. Cela fait de lui un héritier.

              De même, quand Nietzsche évoque la possibilité de la genèse d’un surhomme, il ne le présente pas comme un individu acculturé mais au contraire comme un être doué d’une force mentale supérieure, et pour cela susceptible de porter – d’emporter avec lui – la pesanteur des siècles et de la ré-animer (de « anima » : lui redonner vie/lui redonner une âme).

              Souvent d’ailleurs, le poids de la tradition et des ancêtres pesant sur les épaules des Passeurs (comme le Christ-enfant pesa, dit la légende, de tout le poids du monde sur les épaules de Saint Christophe) est richesse. Mais comme toute richesse, elle ne nous est que prêtée. A nous de la faire fructifier. Car Dieu, à la fin, moissonne. [Cf : La parabole des talents : http://susauxalbatros.blogspot.com/2011/06/parabole-des-talents.html%5D

      1. Irena Adler

        Oui, il vaut mieux. Notamment parce que ce n’est pas bon pour la tête. Les enfants trop précoces finissent mal en général. Il faut laisser à un individu le temps de former sa raison et sa personnalité avant de lui demander de refaire le monde. Il faut qu’il apprenne à obéir aussi, avant de vouloir tout commander.

        Cf : ma longue réponse à Xp.

      2. XP Auteur de l’article

        Bonne question.

        Non, évidemment, il ne faut pas. Etre crétif et avoir l’esprit libre,ou être un médiocre et un larbin, c’est une
        question de nature. On nait ou pas avec la stucture mentale d’une femme de ménage. Aucun pédagogue n’y pourra jamais rien. Le problème c’est que l’instruction publique est faite pour les femmes de ménages, et que depuis l’instruction publique obligatoire, on trouve des femmes de ménage partout, en politique, en littérature, dans les universités… Partout.

        Le vice de l’instruction publique, c’est qu’elle met sur le même plan ceux qui sont bien nés, l’aristoctatie, et les femmes de ménage de naissance. Et pour se faire, elle est obligée de rabaisser les aristocrates. C’est ça, le thème du pamphlet de Rougemont. L’école « à l’ancienne », celle des instituteurs républicains, est tout aussi égalisatrice et anti-aristocratique que celle d’après 68. Ca n’est jamais que deux faces de la même pièce.

        1. Irena Adler

          Pour ma part, je ne sais si cela vient de ce que mes parents profs à la retraite sont amis avec Philippe Mérieu ou de leur pratique assidue de la technique dite « Freinet » (qui m’a bien freinée ^^), mais selon vos critères j’appartenais effectivement à l’aristocratie de l’enfance.

          A 4 ans mon héros : Léonard de Vinci. Comme le grand professeur linguiste gâteux Hagège, je tentais, enfant, d’apprendre par cœur la signification des hiéroglyphes égyptiens dans les livres. Je me suis interrompue quand j’ai compris – et quand j’ai compris pourquoi ! – les égyptologues eux-mêmes n’arriveraient jamais à s’accorder sur le sens exact d’une bonne partie d’entre eux… Et puis aussi je n’avais peut-être pas les pharamineuses capacités mémorielles de Hagège. Lol.

          Ce dernier point, de toute façon, je m’en foutais : car j’avais mes petites idées arrêtées, mes petites théories sur tout. Y compris à propos des secrets de l’Égypte antique. Je comblait les manquements des livres – que je voyais toujours en premier, avant même de trouver le plaisir de lire – par des intuitions que je voulais inspirée par quelque Grâce ou prédestination supérieure.

          Je croyais que les moyens par lesquels j’étais amenée à me réaliser dans le futur étaient ceux qui m’avaient été donnés à la naissance, et que le plus dur serait d’empêcher la cohorte de ceux qui prétendraient à l’avenir avoir quelque chose à m’apprendre, de le deviner, de m’en faire honte, de m’ébranler dans mes certitudes, et de me demander de renier un tel don.

          La science je la voulais infuse ou pas du tout. Et je le voulais si fort qu’effectivement tout me réussissait… jusqu’à un certain point.

          …Jusqu’au point où il eût fallut accepter d’acquérir un savoir-faire… Jusqu’au moment où mon « art total » qui ne connaissait ni barrières ni limites en fut à planer si haut hors d’atteinte de l’intelligence des autres hommes, que j’eus aussi bien pu devenir moi aussi, à leur image, invisible, et la boucle eut été bouclée…

          … Jusqu’au moment où je compris que l’acquisition d’un certain nombre de médiums étaient le pré-requis indépassable à tout échange de savoir. Et que cet apprentissage, du regard de l’autre, et de comment l’apprivoiser, serait un si important travail, pour la personne foncièrement égo-centrée que j’étais, que je n’aurais pas trop d’une vie entière pour en venir à bout.

          J’ai eu quelques maîtres – grâce à Dieu – et tous m’ont heureusement répété (notamment Herman Hesse dans son Narcisse&Goldmund) que l’artisanat était un passage obligé de l’art, au travers duquel l’Etudiant, tel un voyageur initiatique, devait se transcender.

  1. Didier Goux

    Vae Victis : ce que vous prenez pour une tradition occidentale n’est qu’une manie moderne : l’invention, au XVIIe siècle encore, n’a pas la moindre valeur, elle n’est même pas un critère de jugement. Et je ne dis rien des âges médiévaux ou de la Renaissance…

    1. Vae Victis

      Si l’invention n’avait eu aucune valeur la Renaissance n’aurait tout simplement pas existé… Contrairement à ces civilisations qui cultivent des codes rigides, où toutes les activités humaines tournent dans un éternel recommencement, l’Occident a toujours cultivé la créativité. Le poids des traditions, même chez les partisans des Anciens, n’a pas conduit à ce fixisme de photocopieuse qu’on trouve dans l’Egypte ancienne ou encore plus modérément dans l’art orthodoxe.

      1. XP Auteur de l’article

        Je ne sais plus qui disait « un artiste doit se demander chaque matin comment il va violer sa mère et tuer son père. » (Bunuel, ça me revient)

        C’est extrêment difficile, et c’est pour ça que ne devrait pas être artiste qui veut. La plupart des écrivains ne font pas de la littérature mais des belles lettres. Ce sont des copistes. Ca n’a stictement aucun intéret. C’est l’équivalent d’un peintre qui ferait des reproductions de Manet. Même s’il fait ça à la perfection, ce n’est pas un peintre du tout, il pratique un autre métier, qui relève de l’artisanat. C’est à la portée d’absolument tout le monde d’écrire comme Baudelaire ou Barbey d’Aurevilly, exactement comme il doit y avoir des milliers de peintre en France capables de repronuire un Manet.

        C’est la même chose au niveau des idées. La plupart des intellectuels font de la contre-façon. Ils calquent les raisonnemaents de leurs maitres. Et ça n’a pas plus d’intérêt que de reproduire un Manet, et ça n’aide absolument pas à comprendre le sujet traité.

        Non pas qu’il faille être original à tout prix. Mais on devrait soit être original, soit se taire.

      2. Restif

        Didier Goux a raison en ce qui regarde la théorie et ses braves desservants, les théoriciens. Ce n’est pas pour rien que Racine set met à l’abri d’Euripide. encore faut-il s’entendre sur l’idée d’invention. Il ne s’agit pa

  2. John Terby Jr

    Je comprends maintenant mieux pourquoi je ne dépassais jamais la moyenne en rédaction… parce que j’étais un putain de génie créatif incompris par un tas de feignasses subventionnées. Paix à ton âme Denis de Rougemont (si tu es mort, sinon: bonne continuation à toi mon pote).

        1. XP Auteur de l’article

          « Mon unique but est de faire (vraiment, littéralement et une bonne fois pour toutes) »

          Bin oui, quand je serais mort « littéralement », je serais mort « une fois pour toute », banane.

            1. XP Auteur de l’article

              En tous cas, si je meurs subitement, je vous en tiendrais pour personnellement responsable. Et vous n’aurez pas fini de m’entendre.

            2. John Terby Jr

              Non je plaisantais en fait, par contre un mystérieux JL vient de me contacter et me propose 500 Euros pour le faire… tant qu’il refuse de monter à 1000, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.

            3. XP Auteur de l’article

              Quoi??? 500€???

              Non mais sans blague, qu’est-ce que c’est que ça?

              Demandez au moins 10 000, je n’accepte pas de mourir au dessous de cette somme.

              D’un côté, tant que je n’aurais que des clochards et des instituteurs contre moi, je risquerais pas grand chose.

  3. Restif

    (sorry) encore faut-il s’entendre sur ce qu’on entend par « inventions » disais-je donc. Il ne s’agit pas de pouvoir montrer une pièce des anciens ayant servi de base, de modèle. Non. Mais de prouver que le sujet a été PUIS2 aux bons auteurs, dans les textes historiques -regardez donc la préface de Racine à Britannicus, où il dit devoir infiniment à Tacite (et prend aussi Sophocle comme modèle pour la tragédie vue comme Imitation-terme clé. Et combien les critiques (voir un auteur comme cette imbécile de Scudéry, -Georges pas la délicieuse demoiselle-) sont tombés sur le poil de Corneille pour la merveilleuse fraicheur, l’enthousiasme incandescent d’invention du Cid, accusé de cette noire traîtrise : ne pas respecter Aristote ( précisément les fameuses règles de l’imitation régnaient surtout au théâtre, règles qui sont inventions de critiques français type abbé d’Aubignac qui n’y avaient rien compris.Aristote n’a jamais posé ses descriptions des pièces de son époque, de leur fonctionnement, en doxa capitale à suivre absolument.). Au point que Corneille pensa arrêter le théâtre. Il ne revint qu’avec Horace, pièce digne, elle, de toutes les pompes de la bienpensance dramatique. Reste que le 16ème est quand même, lui, temps d’invention. Au théâtre même (voyez Garnier et ses Juives. Et début 17 Hardy); Surtout …Montaigne créé ses Essais, il n’a aucun modèle, pas le moindre prédécesseur. Rabelais,s’il reprend les « Chroniques du très horrifiques géant Gargantua » dès son Pantagruel invente quelque chose de tout à fait différent, le roman humaniste (au sens lettré, voire érudit du terme). Et encore au 17ème, le prodigieux Cyrano invente et innove avec ses « Voyages aux états et empire de la lune et du soleil » (un pur chef d’oeuvre qui faisait jouir Flaubert et inspira à Gourmont de fort belles pages. Et qui dépeint le phonographe de manière fort claire, j’en donnerai l’extrait. Pour ne pas parler de sa description de la deuxième loi de la thermodynamique lors du voyage en fusée). On me rétorquera que Lucien avait déjà écrit un voyage dans la lune. C’est vrai. De même que « l’affaire Rabelais » reste un mystère, ce médecin archi respecté et réputé qui donne son cours de la faculté de Montpellier sur l’original grec de Galien se laisser soudain aller à publier une…gaudriole? on s’y perd aujourd’hui encore. Pour Céline,on le sait : « Rabelais il a raté son coup, Rabelais » car Rabelais voulait (dès Pantagruel mais plus encore dans Gargantua et les tiers et Quart livre plus le dernier) voulait donc inventer une langue nouvelle, faire vivre le français d’un souffle neuf, injecter un vocabulaire inédit, populaire ET savant dans la langue écrite. Dépasser le latin, marier Apulé, Pétrone et le Cicéron du dialogue des orateurs avec une langue -une PROSE- inventée par Froissard et Philippe de Commynes, arrêtons là il y aurait trop à nommer . Revenons à la question du modèle, à l’interdiction de l’invention. Disons qu’il fallait toujours pouvoir dire qu’on c’était référé aux révérés anciens sans se gêner pour autant dans l’invention.
    Mais il y a un point qu’il faut absolument souligner : le roman est bien plus libre : il n’est que de lire « L’histoire comique de Francion » de Sorel, voire « Le roman bourgeois » de Furetière ou « Le roman comique » de Scaron (voyez le retour des mots « romans », « comique », comme pour déminer la charge subversive du comique). Cest que le roman était alors un genre extrêmement mineur, l’analogue de notre BD aujourd’hui. Au 18ème encore Diderot cachera ses romans.Alors que le théâtre! Mais c’est à partir de la querelle du cid que l’imitation s’imposera vraiment. Regardez « Le pédant joué « de Cyrano, il ne se réfère à personne.
    Bref, tout deux, Didier Goux et Vae avez raison. Sir Goux quant à la doxa qui règnait. Vae quant à la pratique.

    1. Vae Victis

      Notons aussi que se référer à un honorable prédécesseur, à quelques grands anciens, se placer moralement sous son égide, n’exclut point l’invention. C’est continuer un édifice en y plaçant sa pierre.

  4. G-r-o-d-i-o-n le tire-au-flanc de tirana

    Que de paroles vaines… Au lieu de pinailler pour sauvegarder un système éducatif occidental décrépi, combat gay-friendly entre moustachus façon Cruising (Meirieu vs Brighelli au backroom, qui encule l’autre ?), vous feriez mieux de regarder ce qui se fait de bien ailleurs dans le monde.

    Chez nous par exemple, en Albanie (le plus beau pays du monde, et je dis pas ça parce que je suis Albanais), nous avons la meilleure pédagogie qui soit. C’est simple, les filles restent à la maison (formation à la cuisine ou au trottoir) et les garçons fréquentent l’école du vice : très tôt on leur apprend la diablerie et la pestilence des Serbes (que Dieu les anéantisse tous !), les arnaques, la rapine, le viol en groupe, les braquages, le trafic de stupéfiants, la meilleure manière de dépecer un individu de ses organes et la manière le plus efficace pour en tirer un excellent prix, les arrangements du mariage consanguin, le proxénétisme de petites filles… On passe à la fin l’examen du Kanun, l’équivalent du baccalauréat. Sauf que nous on a pas 80% de réussite, mais 100%. On est plus doués, point. Après, c’est la théorie c’est la pratique : on rejoint ensuite sa franchise mafieuse et on met en, application tout ce qu’on a appris par coeur. Oui par coeur. Salope, on reste des musulmans.

    Résultat, de Paris à Copenhague, en passant par Berlin ou Moscou on est reconnu comme la mafia la plus terrifiante que le monde ait connu depuis les Village People. Terrifion.

    1. Restif

      La voilà bien la vraie Thélème, la voilà bien!
      Ps Sur ce sujet mon cher Grodion, vous avouerez quand même que Rabelais est un poil ambigüe « si l’un disait « jouons !, tous jouaient », si l’un disait « buvons !, tous buvaient » ect (1). Il y a un côté cauchemardesque dans cette robotisation des gestes, ce jacque-à-dit où l’un devient l’âme de tous les corps, l’individu s’évanouissant. Et s’il n’y a pas de diplôme pour Thélème, la sélection est quand même dure :
      Tant noblement estoient apprins qu’il n’estoit entre eulx celluy ne celle qui ne sceust lire, escripre, chanter, jouer d’instrumens harmonieux, parler de cinq et six langaiges, et en iceulx composer tant en carme (en vers), que en oraison solue (prose). Jamais ne feurent veuz chevaliers tant preux, tant gualans, tant dextres à pied et à cheval, plus vers, mieulx remuans, mieulx manians tous bastons, que là estoient, jamais ne feurent veues dames tant propres, tant mignonnes, moins fascheuses, plus doctes à la main, à l’agueille, à tout acte muliebre (féminin) honneste et libere, que là estoient.

      1 -« Par ceste liberté entrerent en louable emulation de faire tous ce que à un seul voyaient plaire. Si quelq’un ou quelcune disoit : « Beuvons, » tous buvoient; si disoit : « Jouons, » tous jouoient; si disoit : « Allons à l’esbat es champs, » tous y alloient.
      Il est certains qu’une devise telle que « Fais ce que voudras » ne peut aller qu’à une aristocratie, mais ici, c’est le courtisan de Castiglione le vrai thélémite! Je me demande quand même si dans son utopie Rabelais ne nous laisse pas une petite leçon -faut-il tomber de Pichrocole en tyrannie collectiviste? Mais je vous accorde qu’on ne verra nuls de ceux que vous m’avez nommé, et ça, c’est grande chose!
      Que le malivole (ne) vous trousse, ne soyez ni vérolés ni croustelevés que rameau d’or vous échoit et Hades laisse en paix !

  5. Restif

    La voilà bien la vraie Thélème !
    (à part ça j’ai un com qui refuse résolument de passer. Même plus marqué en awainting, n(apparaissant même plus sur l’écran comme avant . Ça m’a énervé.Si un fleuve surgit soudain…)

  6. Restif

    PPs ça doit être Rabelais dans le texte qui déplait…N’empêche ça m’étonne. Jamais vu ça. On ne me dit rien, ça ne passe pas, c’est tout. J’espère qu’un beau triplé viendra d’un coup. Je vous y disais simplement que le « si l’un disait  » « si l’un disait « jouons !, tous jouaient », si l’un disait « buvons !, tous buvaient » ect est ambiguë(1). Il y a un côté cauchemardesque dans cette robotisation des gestes, ce jacque-à-dit où l’un devient l’âme de tous les corps. »
    La malédiction va-t-elle faire que cette légère reprise s’en va refuser de sauter la barrière. Je tremble.

      1. Restif

        Eh oui…Le « Fais ce que vouldra » de Thélème débouche sur le totalitarisme du groupe, c’est une préfiguration d’une démocratie collectiviste totale. Et je me demande sincèrement si Rabelais, avec son ironie et son sens de la mystification, de la cryptologie textuelle à déchiffrer (voir le bijou offert par la belle dame de Paris et qui se révèle être un diamant de pacotille, le don devant se lire « Dis, amant faux, pourquoi m’a tu abandonné » et il y en d’autres, oh combien, voir l’oracle de la Dive bouteille) je me demande donc si Rabelais n’a pas voulu ruser, nous pousser à penser par nous même -oh douleur! Faut-il vraiment tomber de Pichrocole en tyrannie collectiviste?
        Il est vrai que l’examen d’entrée à Thélème est redoutable : »tous joua

        1. Prolo De La Lite

          Que Rabelais ai voulu ruser , je n’en doute pas . Son « si l’un disait … » , c’est certainement une sorte de bon-sens à l’égard de la communauté . Le besoin de « leader » évite l’automatisme , et donc le collectivisme de l’esprit , le flic dans la tête . Sa communauté suppose des hommes (et femmes !) bien nés .
          Ce que n’ont pas voulut comprendre Fourier et cie . Dans un phalanstère sans chefs , les règles sont respectées , la suspicion , la méfiance , la pression du groupe est énorme . Dans un phalanstère de villageois , la retenue n’existe pas , la barbarie impose les tyrans .
          La ruse des collectivistes est de cumuler les vices des deux systèmes .
          La liberté suppose que le « fait ce que tu veux » puisse toujours exister , et pas que dans les têtes . Sans police , peu de gens sont capables de faire durer un tel monde . Mettre le flic à l’intérieur de sa tête le fait disparaitre à l’éxterieur , et inversement . D’ou l’intérêt de « creuser les douves » , les agrandir jusqu’a ce que la capacité de saut détermine la liberté .

  7. Restif

    tous jouaient de plusieurs instruments, parlaient 5 ou 5 langages, composait en vers et en prose, tant hommes que femmes » ect. C’est le Courtisan de Castiglione. Mais derrière l’utopie aristocratique se dissimule quand même cet asservissement de tous à la volonté du premier qui parle.
    (ne tremblez pas trop.Sur Ilys c’est Bidou qui lance la danse.Et comme ces jours çi il ne se manifeste pas trop…Peut-être est-il parti consoler DSK.)

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