La révolte servile auquel pris part Spartacus entre -73 et -71 dans le sud de l’Italie a inspiré de nombreux auteurs. Le plus souvent ils décrivent Spartacus à la façon d’un résistant de la seconde guerre mondiale, ou d’un Harriet Beecher Stowe (La case de l’oncle Tom). Un homme épris de liberté, qui aurait lutté contre un ordre esclavagiste et impérialiste, immoral et décadent. Rome comme la Sodome et Gomorrhe de la basse antiquité. Spartacus l’honnête guerrier pré-chrétien luttant contre la bête pré-fasciste.
Cette opposition entre les justes et les Romains cruels, alanguis sur des sofas en dévorant du raisin tout en déflorant de jeunes esclaves, constitue le ressort du péplum. Les auteurs et réalisateurs se sont de tout temps servis de la Rome antique pour exorciser nos pulsions. Rome devenant le réceptacle de tous nos fantasmes et de nos vices. Le péplum permet sous le voile d’une condamnation de ces mœurs, de se laisser aller à un spectacle violent, cruel, exotique, lubrique et sensuel. Les historiens de cours, puis les apologistes chrétiens, avaient dès l’antiquité donné le ton par des descriptions hautes en couleur. A leur suite les réalisateurs Italiens et Américains ont compris quel potentiel possédait la mise en scène de cette époque reculée.
Le spectacle de la nudité de prime abord. Les personnages de péplum sont pour ainsi dire presque toujours à demis nus. Les femmes sont lascives, drapées de robes vaporeuses laissant place à leurs charmes. Les hommes posent les muscles bandés et huilés, simplement vêtus d’un pan de tissus. Hercule et les héros mythologiques offriront d’innombrables scénarios pour bodybuilders court vêtus. La nudité appelle les désirs charnels. La sexualité de l’antiquité, perçue comme libérée, permet de mettre en image des scènes plus osées qu’à l’habituel. Ainsi le péplum a toujours été un espace de permissivité homosexuelle, où les sous-entendus et les ambiguïtés sont légion. On peut citer le Spartacus de Kubrick et son célèbre « Etes-vous plutôt huître ou escargot ? » ou plus récemment Alexandre, voire 300.
Aimes-tu les films de gladiateurs ?
La violence ensuite. Les jeux du cirque, les excentricités de tyrans, permettent de mettre en scène des raffinements de cruauté et des hectolitres d’hémoglobine. Course de chars, naumachies (reconstitution batailles navales), pancrace, combats contre des bêtes, exécutions publiques, combats de gladiateurs, le quota d’action dans une production est aisé à atteindre et sa variété accueille les suffrages du public. On atteint même le morbide et quasi-pornographique avec le Caligula de Tinto Brass. Seule l’ère nazie donne autant de libertés visuelles sous le fard de la condamnation : Salò ou les 120 Journées de Sodome, Salon Kitty. Et puis imaginer des hommes s’affrontant dans des arènes gigantesques, devant une foule de spectateurs déchaînés tel des hooligans, éveille en nous Occidentaux pantouflards quelques appétits enfouis. La violence peut être bonne à voir.
Mal connue, lointaine, condamnée par le christianisme, parfois baroque, propre à exalter l’imagination, l’Antiquité a donné le cadre idéal à un spectacle manichéen, c’est-à-dire moral, tout en permettant sous les abords de la condamnation de se laisser aller à des débauches visuelles inédites, avec l’approbation tacite des ligues de vertu. La grandeur passée, la monumentalité des ruines, a permis de rendre pensable une Antiquité emplie de figurants, de danseuses, de chorégraphies moites et de spectacles saisissants.
Gladiator en dépeignant la lutte entre une république fantasmée et un tyran vicieux reprend ces schémas, mais marque une évolution, puisqu’à rebours du discours religieux classique, ici le héros est un païen vertueux, pratiquant le culte des ancêtres. La série Spartacus, Blood and Sand marque une autre évolution en s’exonérant du manichéisme du genre. Les gladiateurs ne sont plus des idéalistes prisonniers d’un peuple cruel, ils deviennent des êtres à part entières ; un négatif du monde des hommes libres. Même si dans la série le héros garde sa dimension manichéenne, ses compagnons sont animés des motivations les plus diverses. Certains luttent pour la gloire, d’autres pour rembourser des dettes, d’autres parce qu’ils ont été capturés et qu’ils n’ont pas eu le choix. Ce ne sont pas des révolutionnaires voulant abolir l’esclavage, mais des êtres défendant leurs intérêts qui ont seulement été victimes d’un coup du sort. Plus de grandes envolées lyriques sur la liberté, ces hommes sont des guerriers d’élite souhaitant prendre la place du maître.
Spartacus, Blood and Sand est – disons le d’entrée – un excellent péplum. C’est-à-dire un divertissement très plaisant. Le scénario se lovant dans l’Histoire parvient à donner du corps à la révolte qui agita le sud de l’Italie, et qui partie d’une révolte de gladiateurs embrasa les campagnes, rassemblant esclaves des latifundias et citoyens pauvres dans une vaste entreprise de pillage. Avant de se finir le long de la voie Appia, les corps des révoltés crucifiés sur 200 kilomètres.
Les relations entre les gladiateurs du ludus, entre les esclaves et les maîtres, et entre les maîtres et l’extérieur créent une tension permanente se distillant en diverses intrigues. Les histoires s’entremêlent pour créer une toile de fond baroque et une galerie de personnages intéressante. Le destin des maîtres conditionnent celui des esclaves. L’ambition de Batiatus est de s’extraire de sa condition de laniste pour embrasser la politique, d’abord à Capoue puis à Rome même. John Hannah lui donne une dimension assez exceptionnelle ; un homme tout en jeux d’ombre, à la fois entreprenant, dur, perfide, courageux et grandiose. Romain. Nous sommes loin de la caricature qui veut que le méchant soit veule et lâche. Lucy Lawless (Xena la guerrière dans notre adolescence) interprète sa femme Lucretia, plus perfide encore, voluptueuse, amoureuse, impitoyable, et souvent dévêtue, elle resplendit dans la série. Chez les gladiateurs on retiendra Peter Mensah en Doctore et Manu Bennett jouant l’impétueux gaulois Crixus.
Les combats sont outranciers, une pluie de sang inonde l’arène et ses gradins. Les corps sont beaux, magnifiés par l’image, les décors sont assez réussis même si leur étendue est plus modeste que ceux de Rome. L’image est belle, magnifique parfois, très travaillée elle surpasse dans Gods of Arena la toile Pollice Verso de Gérome dans un mélange de rouge, d’ocres et de tons crépusculaires. La sensualité est au rendez-vous dans une succession de scènes d’orgie et un érotisme latent. La postérité des peintres dit pompiers est à chercher à Hollywood. Leurs œuvres ont inspirées des générations de cinéastes créant un art populaire riche à mille lieux des excentricités puériles de l’art officiel.
La série comporte pour l’instant une saison de 13 épisodes. Le tournage de la seconde n’a pas pu encore avoir lieu à cause d’un cancer qu’a déclaré Andy Whitfield jouant le rôle de Spartacus. Il sera décalé jusqu’au rétablissement de l’acteur, ou à défaut sa mort. Pour combler l’attente des fans une préquelle de 6 épisodes Gods of Arena a vu le jour. Elle raconte l’histoire du ludus familial, l’héritage de Batiatius.
Une série fortement conseillée.
Je confirme !!! Je regarde la série depuis le sa sortie au États-Unis
Le premier épisode m’avait plus, sans plus, mais le deuxième m’a laissé pantois !!
Les relations entre les personnages, entre sexe, politique, violence, amour, vengeance etc.. sont particulièrement bien réussis.
Le préquelle est dans le même style.
Vraiment une excellente série !
Quelques notes. L’acteur principal ne reprendra pas la série, il a été définitivement remplacé. Deux, je m’étonne que vous n’évoquiez pas cette anachronisme montant à mettre des noirs dans tous les péplums, dans notre cas, Oenomaüs, l’entraîneur d’esclave est noir. Dans la série Rome, nous avions eu une indienne, nul doute qu’il y a aura bientôt des quotas de papous. Blood and Sand étant un petit budget, le public des arênes étant reconduit d’épisode en épisode, vous aurez le loisir d’apprendre qu’au Iier siècle avant Jésus, 5% à 10% de la population d’Italie du Sud était noire. Vrai qu’il y utilisation de l’antiquité comme défouloir sur les rapports humains et la sexualité. Mais les péplums deviennent la massue pour imposer les peuples mélaminés (« Voyez donc, il y avait foule d’invidus arabes, noirs, que sais-je dans l’armée de César ! »). On réécrit le passé pour mieux, intégrer, non, subir le présent.
Un élément de cet série que vous oubliez, les esclaves ne se révoltent pas pour un idéal de liberté, de démocratie, que sais-je. Ils se révoltent car leur honneur est bafoué, les règles et leur honneur de gladiateurs ont eté piétinés. J’espère que cela sera encore le cas dans la deuxième saison et qu’on évitera l’anacrhonique pathos démocratique.
Rome est tout de même bien au dessus.
Deux ou trois se révoltent pour l’honneur, la plupart parce qu’ils veulent jouir de la liberté et de leur force.
Concernant les Africains, ce n’est pas vraiment un anachronisme. Les relations commerciales entre les contrées sahariennes et subsahariennes et la Méditerranée sont attestées de longue date, des esclaves ont nécessairement dû transiter, et peut-être se retrouver au programme de jeux en Italie. Au temps d’Auguste une expédition militaire et d’exploration a même été jusqu’au cœur du Sahara. Sensiblement à la même époque une autre explorait l’Arabie Heureuse, soit le Yémen.
Moi j’en ai marre de ces séries avec des fausses blondes (Game of Throne étant d’ailleurs horrible à ce niveau) ^^. OK les Romaines portaient des perruques de Germaines mais tout de même…
« Deux, je m’étonne que vous n’évoquiez pas cette anachronisme montant à mettre des noirs dans tous les péplums »
C’est un problème récurrent dans les séries américaines (l’actrice « indienne » de la série anglaise Rome, Indira Varma, est à moitié européenne il me semble et pourrait passer sans trop de problèmes pour une Syrienne ou une Egyptienne). Les Américains se prennent pour les descendants des Romains. Pour eux, Rome est un « grand empire cosmopolite » semblable au leur et ils trouvent donc normal de mettre des Noirs un peu partout quitte à fouler aux pieds la réalité historique. De plus le lobby Afro-américain fait souvent pression sur les chaînes ou les programmes qui ne font pas montre d’assez de diversité. Seules les séries dont le public cible est spécifiquement blanc la jouent light sur la « diversity ». Il y a bizarrement moins de Noirs dans le New-York de Mad Men que dans l’Italie de Spartacus O_o.
Ouais bien cool cette série 🙂