Une dernière fois

Pourquoi la presse américaine traite-t-elle DSK en coupable, alors qu’il n’a pas encore été condamné par la justice et qu’il est juridiquement présumé innocent?

La réponse est simplissime: pace qu’il est coupable et que nous en avons déjà la preuve…. Le monde entier le sait, ses avocats le savent, le procureur sait qu’ils savent, eux savent qu’il sait qu’ils savent, et c’est heureux que tout ce petit monde fasse semblant… Pour être encore plus précis, il n’y a pas une seule personne sur la planète ayant la particularité d’avoir tout à la fois eu vent de cette affaire, d’être mentalement équilibré et de croire vraiment à l’innocence de DSK.

Qu’est-ce que cela signifie? Qu’une cour de justice n’a pas forcément vocation à faire apparaître la Vérité, mais parfois seulement à lui apporter une avalisation judiciaire…. Quelquefois, il arrive qu’à l’issue d’un procès, un juge dise ceci à l’accusé:je sais que vous êtes le meurtrier, le procureur le sait, la cour le sait, tout le monde le sait, mais vous êtes libre…. Nous vous laissons face à votre conscience…. C’est fort bien et c’est même indispensable que cela puisse se passer ainsi, nous devons même nous féliciter que de temps à autre, la justice laisse sortir des criminels en parfaite connaissance de cause, mais pour autant, nous ne sommes pas obligés de nous convaincre qu’ils sont innocents.

Il existe deux manières de s’attaquer d’un même geste aux droits des individus, à la liberté d’expression et la Vérité: la première, la classique, consiste à s’asseoir sur le Droit, vider les tribunaux de leur substance en empêchant les prévenus de se défendre, voire à les supprimer en déclarant les gens coupables sans les juger. Mais il en existe une autre, plus retorse, laquelle consiste à dire que seuls les tribunaux sont habilités à définir où se trouve la Vérité, à confondre Vérité et vérité judiciaire….

Pour rester sur le cas DSK, nous savons que c’est un dangereux délinquant sexuel depuis le témoignage de la journaliste Banon, exactement comme nous savons qu’on est assis sous un pommier quand on est assoupi sous un arbre et qu’une pomme nous tombe sur la tête, même si nous n’avons pas de preuve formelle, judiciaire, qu’il ne s’agit pas d’un cerisier et qu’un abruti ne s’est pas perché sur une branche pour nous bombarder de pommes.

Concrètement, quand on affirme que DSK n’a à priori pas agressé la journaliste Banon au prétexte qu’elle n’a pas porté plainte et que la justice n’a donc rien reconnu, on est un aliéné mental si l’on est sincère et une crapule totalitaire ne prenant jamais le risque de contredire tout haut la Pravda, si l’on n’en croit pas un mot… En Amérique, comme la presse est libre, DSK est qualifié de Perv à la Une pour la simple et bonne raison qu’on sait qu’il s’agit d’un perv, on s’assoit sur la présomption d’innocence et l’on ne confond pas la Vérité avec la vérité officielle, comme dans les dictatures.

Naturellement, cela veut dire que s’il était acquitte pour vice de forme ou quelque chose dans ce genre, la presse libre continuerait à dire qu’il s’agit d’un perv sans remettre nullement en question la légitimité de sa libération… Aux USA, les journaux n’attendent pas un verdict pour déclarer qu’un prévenu est coupable, et pour les mêmes raisons, ils ne se gênent pas pour dire qu’il est innocent même si la cour le condamne, en publiant si besoin la photo du juge borné ou négligeant pour lui faire honte…. A bien y réfléchir, on n’a pas trouvé mieux qu’une presse qui dit ce qu’elle veut, quand elle veut et qui se fout de la présomption d’innocence, pour foutre la trouille aux juges et les dissuader de commettre des erreurs judiciaires.

A titre personnel, quand un journaliste affirme dans ma télévision qu’à priori, DSK n’a pas agressé la journaliste Banon puisqu’elle n’a pas porté plainte, je ressens un mépris incommensurable pour le larbin qui me parle…. Mais en revanche, quand un type me dit ça sans même avoir l’excuse de craindre pour sa place, j’ai envie de le rouer de coup…. Je ne le fais pas, évidemment, mais je sais en revanche qu’un salaud qui confond en toute bonne conscience la Vérité avec la vérité judiciaire m’enverrait sans l’ombre d’un scrupule au Goulag, s’il en recevait l’ordre écrit…. A ma sortie, après la libération des camps, cet imbécile fondrait sans doute sur moi pour me serrer la main et prendre des nouvelles de la petite santé, en me disant qu’il a fait ce qu’on lui a dit, et que si j’étais innocent, il n’en avait pas la preuve… Pus j’y pense, et plus elle me renvoie au souvenir d’Eichmann à Jérusalem, la présomption d’innocence

14 réflexions sur « Une dernière fois »

  1. Vertumne

    « Concrétement, quand on affirme que DSK n’a à priori pas agressé la journaliste Banon au prétexte qu’elle n’a pas porté plainte et que la justice n’a donc rien reconnu, on est un aliéné mental si l’on est sincère et une crapule totalitaire si l’on n’en croit pas un mot…  »

    Cela veut dire aussi que l’on confie la Vérité à un petit groupe de spécialistes ou d’initiés, que cette vérité est forcément cachée à tout un chacun à moins de devenir un « savant ».

  2. Max

    un texte énorme, pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu :

    « Finalement, je crois que DSK a deux raisons de se réjouir aujourd’hui, et nous avec lui : la première est que son passage à l’acte du Sofitel est un refus de l’avenir tout tracé que la plupart lui prédisaient. En cela, l’assaut de l’ouvrière de chambre est un geste fou de libération totale, presque une œuvre d’art, en ce que le geste lui permet aussi, au passage, de révéler qu’il n’a jamais été de gauche. »

    http://www.liberation.fr/politiques/01012337540-un-heros-philosophique

Laisser un commentaire