L’affaire DSK vient de nous démontrer qu’on est très attaché à la présomption d’innocence, dans les Républiques bananières, et qu’on s’assoit dessus dans les pays libres.

Pourquoi, je vais vous le dire, pour reprendre la formule de notre cher Nicolas Sarkozy: dans une démocratie, vous êtes à peu près définitivement coupable quand les flics viennent vous chercher, on n’hésite pas à vous montrer menotté pour vous foutre la honte, et ce pour une seule et unique raison, à savoir que si les gens de la police se sont déplacés pour des raisons inavouables, c’est vous qui allez prendre le meilleur lawyer de la place, après votre garde à vue, et c’est le flic qui vous a menotté, qui va passer les 92 dernières années de sa vie en prison.

Précisément, ça veut dire que dans les républiques bananières, on n’aime pas que l’on filme les prévenus menottés parce que l’on ne veut pour rien au monde que l’on puisse mettre un jour en prison les décideurs qui ordonnent des arrestations arbitraires…. C’est sur ce fil d’ambiguïté que se tiennent les républiques bananières, les agresseurs sont dans leurs prétoires aussi victimes que les agressés, les délinquants y sont présumés innocents, c’est à dire susceptible d’être libérés par la grâce d’un coup de fil du préfet de police, et ceux qui serrent des innocents doivent pouvoir se couvrir, dans le cas où les mouches changeraient d’ânes.

Pour le dire autrement, dans les républiques bananières, on tient à la présomption d’innocence parce que l’on n’y distingue pas exactement le bien et le mal, le préfet de police et le fonctionnaire corrompu, l’agresseur et l’agressé, et l’on s’échine à maintenir un flou artistique qui permettra aux aventuriers de se recaser en cas de changement de cavalières…. Les socialistes ne veulent pas qu’on montre DSK menotté parce qu’ils espèrent que la justice sera bafouée, que le violeur en série DSK sera blanchi par un coup de fil menaçant d’un puissant à son juge d’application des peines, et que dans ce cas de figure, il n’y aura aucune image qui permettrait aux historiens de remonter le fil des événements…. La principale leçon de l’affaire DSK, c’est qu’il existe une porosité extraordinaire entre les pouvoirs laxistes et les pouvoirs arbitraires, que dans les républiques bananières, on éprouve un faible égal pour les potentats et les petites frappes.

S’ils croyaient vraiment à l’innocence de DSK, les DSK se féliciteraient qu’on le voit menotter, histoire de mettre les photos sous le nez de ceux qui auraient commis une erreur judiciaire, après qu’on l’ait relâché…. Fort paradoxalement, leur acharnement à demander qu’on ne le filme pas menotté démontre à quel point ils le savent coupable.

Les adeptes de la présomption d’innocence ont quelques sophismes dans leur besace, toujours les mêmes: ils disent qu’il ne faut pas s’acharner sur un homme à terre, comme si ça ne consistait pas à ça, la justice, comme s’il ne s’agissait pas d’accabler un homme qui est à terre, puisque venant de se faire coincer par la police….. Ils disent aussi que c’est humiliant, de montrer un homme menotté devant ses juges, comme si ce n’était pas le principe même de la justice, que d’humilier les coupables, comme si la justice n’était pas par définition humiliante pour les coupables et leurs familles…. Tenter d’éviter l’humiliation de la justice aux victimes, ça consiste très concrètement à tenter de leur éviter la justice tout court, s’asseoir sur la justice et plaider par la bande pour le principe de la république bananière.

Mais parlons peu et parlons bien: aux États-Unis, la présomption d’innocence n’existe pas, et ils ont traité la plainte de la femme de ménage violée par DSK en 45 minutes…. En France, on est attaché à la présomption d’innocence, et toutes les plaintes pour viols qui visaient le mari d’Anne Sainclair ont plusieurs années, et elles attendent encore.