Toujours intéressant de lire un de nos écrivains s’exprimer dans un média étranger surtout si ce n’est pas un gros tirage anglo-saxon…
C’est donc une entrevue accordée par notre prix Goncourt 2010 au journal El PAÍS lors d’un festival de littérature au pays basque. C’est ici pour l’article en version originale.
J’ai traduit les passages qui me semblent intéressants.
Q. L’écrivain a-t-il une responsabilité envers le monde dans lequel il évolue?
R. Je n’ai aucune responsabilité à l’endroit de la société, ça ne m’intéresse pas. Je m’intéresse aux gens. Si la société veut continuer, qu’elle se démerde elle-même. Je ne suis pas là pour recréer de la cohésion sociale ou pour aider les politiques.
Q. Vous pensez que c’est le moment de revoir le Panthéon littéraire du XXème siècle?
R. Oui, c’est le moment.(…). En France, on a coutume de dire qu’au XXème siècle, il y avait Proust, Céline et puis plus rien derrière. Ça c’est le point de vue français. Pérec est très ignoré. Il y a aussi un génie oublié, le seul que je connais, Jean de La Ville de Mirmond. De plus au niveau international le duo Sartre-Camus a bien marché, pour des raisons affectives, mais on a oublié Lévy-Strauss, qui en plus de la réflexion avait aussi le talent littéraire. On ne perd jamais son temps à le lire, c’est bien plus fluide et intéressant que Sartre. Lorsqu’il est mort, j’avais l’impression qu’on rendait les honneurs à un vieux sage qui n’avait pas réussi à toucher le grand public.
Q. Que pensez-vous d’Hemingway?
R. Ça vaut rien, il est totalement surestimé. On m’a raconté l’anecdote suivante, je ne sais si elle vraie mais elle illustre bien le personnage. Quand il était dans son époque macho-corrida..un type entra dans sa chambre d’hôtel et le vit se coller des poils sur le torse.
Q. On imagine que la littérature n’est plus rentable à l’heure de la révolution technologique, que peut-être la prochaine génération d’écrivains devra trouver un autre moyen de subsistance…
R. Oui, ce serait un problème, nous devrions revenir à l’époque aristocratique, au mécénat. J’ai toujours dit, en partie parce que je le pense mais aussi pour titiller pas mal de monde, que nous aurions pu vivre sans problème dans un système soviétique. Et vu que je suis bon, j’aurai été protégé par le parti
Q. Ou peut-être qu’on vous aurait coupé la tête, suivant les indications de quelques critiques.
R. En URSS, je ne crois pas, ils étaient bien plus libéraux que nous le pensons.
P. Un Michel Houellebecq n’est-il possible qu’en démocratie?
R. Oui, c’est probable. Du moins, il faut le supposer…(silence et il change de sujet). Il faudrait que les écrivains trouvent des métiers moins absorbants. L’administration publique en France a fait beaucoup pour la littérature. Mallarmé fut fonctionnaire, il faut des espaces protégés comme cela…J’ai passé dix ans de ma vie à écrire et à travailler.
Q. Mais on parle d’efficacité, de réduire l’État-Providence…
R. Je dis simplement ce qu’il en était. La fonction publique a joué un rôle essentiel dans la littérature française. J’ai démissionné il y a un an, seulement, jusqu’alors j’étais en disponibilité pour convenance personnelle. Convenance personnelle, l’expression est magnifique. Avec le boulot que j’avais à l’Assemblée Nationale, j’aurai pu continuer sans problème.
Récemment découvert Jacques Chessex avec la lecture du Vampire de Ropraz. Je vais continuer de lire cet écrivain.