Il faudrait des pages et des pages pour décrire le désastre de la littérature contemporaine française, ce que fait très bien Stalker. Les raisons sont diverses, et c’est vrai que la comparaison avec ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique, laisse songeur sur le spectacle affligeant qu’offrent, ce qu’on aime à considérer comme un trésor national, nos gransécrivains et notre littérature. Il ne s’agit pas dans ce très court article de développer chaque point suivant mais simplement d’en énoncer quelques-uns de but en blanc et sans hiérarchie:
- La géographie du pays, le gigantisme des paysages invite à la contemplation et donne du souffle, de l’élan, ce qu’on ressent lors des lectures de Jim Harrison.
- Un marché parfaitement segmenté, le capitalisme américain appliqué au marché de la littérature. Des écrivains spécialisés dans le marché du mioche, d’autres qui font des whodunnit, des livres épiques, des trucs de gonzesse par des bonnes femmes, de la SF et chaque écrivain dans son segment est un professionnel et n’a pas le fantasme de se prendre pour le grantécrivain.
- Une profession comme une autre. Dans les universités américaines et ailleurs, les cours de creative writing pullulent. De la même manière qu’un peintre apprend des techniques pour composer une nature morte, les apprentis-écrivains apprennent à entretenir le suspense, à planter des personnages…Ce sont des professionnels.
- Le recours systématique à l’agent qui va s’occuper des droits…pendant que l’écrivain écrit.
- Le Fact-checking. James Ellroy racontait que lors de la conception de sa trilogie, il avait employé à temps plein deux archivistes pour le fournir en informations sur l’époque. Jonathan Littell disait qu’il ne comprenait pas que cette technique – emplir un livre de faits historiques et/ou divers tirés de journaux par exemple – ne soit pas plus utilisée en France. D’ailleurs le succès de Les Bienveillantes repose largement sur le factchecking, toute la description des organigrammes du régime nazi, les lieux, les dates….
- Pas de centre incestueux, même si les maisons d’édition se trouvent à NY, comme l’a bien montré la désopilante série Dream On, les écrivains vivent leur vie dans leur bled, leur ville…vivent la vie de M. Tout le Monde, celle de leurs lecteurs, alors que les écrivains en France vivent quasiment tous à Paris, fréquentent les mêmes lieux, échangent les mêmes plates idées…ce qui donne une endogamie qui conduit naturellement à la débilité mentale. Pas étonnant que les deux écrivains un peu à part en France, Houellbecq et Dantec vivent respectivement En Irlande et à Montréal…Il est d’ailleurs assez amusant de lire à quel point la vie d’un écrivain américain est banale – lorsqu’il se met en scène – dans le sens qu’elle ne se distingue pas de celle de son voisin, alors que celle de nos écrivains nationaux est fantastique, entre people, à sortir avec des rappeurs….
- La capacité à s’emparer d’un sujet relativement récent sans attendre des décennies…profiter de l’intérêt du lecteur. Le 11 septembre par exemple a été traité par de nombreux auteurs.
D’ailleurs, pendant un moment, j’avais la ligne de lecture suivante, je lisais tous les livres dont le titre contenait le mot American, avec assez de bonheur d’ailleurs: American Tabloid, American Death Trip, American Psycho, Pastorale américaine, American Darling, American Rapshody…
« Finisterre. Peut-être ce mot ne trouve-t-il son sens le plus profond qu’une fois arrivé aux extrêmes de la Californie.
Il y a le bleu du ciel. Il y a le vent qui souffle. Il y a le bruit des vagues qui s’écrasent en rouleaux sur le sable blanc. Il y a l’immensité de l’Océan pacifique. Et quand on se retourne, on n’a derrière soi que le désert de Mojave.
L’Européen a toujours voulu découvrir ce qu’il y a après l’horizon, ce qu’il y a au-delà des murailles que la nature a édifié pour lui barrer la route qui menait à ses mystères. Il a défriché ses forêts, aplani ses montagnes, expulsé de ses temples les dieux de la pluie et de la foudre. Ainsi a-t-il forcé l’hymen de la terre-mère. Ainsi a-t-il défié et terrassé l’Océan atlantique.
Après avoir foulé le sol d’un continent qui jusque là n’était parcouru que par une autre race d’hommes, éparse, à demi-nue, dont les membres naissaient et mourraient sans laisser plus de traces que des chiens de prairie, après y avoir bâti ses villes d’acier, il s’aventura au-delà de la cote Est, puis encore plus loin. Et finalement, il arriva ici. Ici s’arrête l’histoire. Ici se termine le Nouveau monde. Ici se termine la quête de l’homme blanc.
Ses yeux bleus délavés alors se confondent et se brouillent, noyés dans le bleu océanique.
C’est peut-être à cet instant, cet instant où l’Occident s’achève, que l’histoire du monde se termine. »