La représentation du pouvoir politique dans le cinéma français

Je zappais hier toutes les chaînes que le satellite peut offrir. Je suis tombé sur une émission de Serge Moati diffusée sur TV5 Europe consacrée au cinéma et qui traitait donc de la représentation du pouvoir politique dans le cinéma français. Évidemment, la comparaison avec les États-Unis laisse pantois, le Président y est représenté sous toutes les coutures et sur tous les supports possibles et imaginables. En France, que dalle ou pas grand-chose, il y a eu une fiction il y a quelques années avec Dupontel dans le rôle du président. Il y avait donc plein d’invités parmi lesquels l’inénarrable Edwy Plenel, John-Paul Lepers ou encore Raphaëlle Bacqué. Ils donnaient tous des raisons toutes plus complexes les unes que les autres…Évidemment Edwy Flanders criait au déni démocratique…manque de culture démocratique…manque de distance des Français par rapport à leur histoire et eux-mêmes…le seul argument potable d’un des intervenants était de dire qu’il y avait eu 44 présidents aux États-Unis, et qu’en général on le connaissait guère 2-3 ans avant son mandat et donc que l’incarnation physique d’un président par un acteur était beaucoup plus aisé là-bas qu’ici…Donc tous ces gens  ont péroré pendant des minutes et des minutes sur les raisons qui font que la représentation du pouvoir politique est nulle dans le cinéma français…

Mais ces cuistres tournent toujours autour du pot sans voir les raisons évidentes, non par manque de courage, de malhonnêteté mais simplement par cécité…et aussi parce qu’on s’habitue tellement à la charité si bien qu’elle n’est plus vue comme telle.

Imagine-t-on Molière critiquer le Roi ou encore France Inter Obama?

Donc pourquoi est-ce que le pouvoir politique est-il absent du cinéma français?? Tout simplement parce que le pouvoir politique finance, non directement mais presque, ce même cinéma nous emmerde tellement.

Le financement d’un film de cinéma en France repose sur la structure suivante: entre 25% et 30% du financement est assuré par les groupes de télévision, pareil pour le CNC et enfin un tiers pour l’apport de société de production. Nous avons donc le résultat suivant: seulement 1/3 du budget d’un film vient d’argent privé – il faudrait encore rentrer dans le détail mails il existe de nombreux produits financiers permettant de financer à moindre coût un film – et donc les 2/3 viennent peu ou prou du public. Le CNC est placé sous l’autorité du ministère de la culture…et les chaînes de télévision sont très soumis aux aléas politiques. Dernier exemple en date, le taux réduit de TVA de Canal+ n’a pas été relevé car la chaîne participe au financement du cinéma français, raison invoquée, raison d’autant plus spécieuse…que Canal+ doit investir 20% de ses ressources hors TVA. Le groupe français télévision est directement sous contrôle étatique, financé par l’impôt…et TF1, comme entité économique se doit d’être bien avec tous les pouvoirs…

Donc toutes les doctes personnes hier présentes sur le plateau de Serge Moati n’ont pas compris que lorsque les 2/3 du financement d’un film dépend directement du pouvoir politique, la critique ou la représentation de ce même pouvoir est impossible. Un enfant de 4 ans pourrait le comprendre. On ne critique pas son patron en public sans en subir les conséquences.

Oubliez toute notion d’indépendance dans le cinéma français, cela n’existe pas…à la limite les produtions d’Europa Corp…avec Le transporteur 4, Taxi 8.. Taken et autres…mais autant de fims dont le marché français n’est qu’un marché secondaire.

Même le cinéma italien est plus indépendant et moins consanguin que le cinéma français: Draquila et l’excellent Le caïman.

4 réflexions sur « La représentation du pouvoir politique dans le cinéma français »

  1. Guillaume

    Il est exact et évident, comme vous l’avez souligné, que l’indépendance du cinéma français est plus que relative compte tenu des financements des films en France. Cependant, on voit bien dans un même temps que des médias financés par l’Etat passent leur temps à taper dessus et à crier au déni de liberté de la presse, paradoxalement (notamment les abrutis de chez rue89). Je pense donc que la question du financement est présente, mais peut-être dans une moindre mesure que ce que vous avancez.

    La particularité du cinéma français actuel, c’est de croire dans le réalisme social. Le (pseudo) réalisme social sur grand écran est le cancer de notre production cinématographique. Il y a un grand courant de pensée parmi les réalisateurs français (qui se sucent tous lors de buffets passionnants ou par Cahiers du cinéma interposé) qui part du principe qu’un film qui représente de façon « réaliste » une personne se voit investi d’un souffle artistique, d’une dimension intellectuelle et philosophique profonde. Je mets réaliste entre guillemets puisque le but réel est en fait non pas de montrer des gens pour leur singularité ou autre (comme par exemple un épisode de Striptease) mais de montrer un patchwork cliché de la famille à problème fantasmée. Problèmes qui se résolvent toujours autour d’un bon repas de famille, occasion rêvée s’il en est pour un petit-fils d’annoncer son homosexualité à son grand-père un peu raciste mais marqué par la guerre – donc on le pardonne – et à son père traversant une crise de la cinquantaine pour laquelle sa maitresse immigrée bulgare ne peut rien. Le réalisme à la française ne parle que d’homosexualité refoulée, de multiculturalisme et de maladie incurable.

    La grande illusion de ce cinéma est de croire que tenter de retranscrire des réalités sociales (en plus foireuses) de petites gens dans leurs petites vies peut avoir un impact sur le long terme, alors qu’il n’y a rien de plus terre à terre et de vide. Comme si une vie médiocre se suffisait à elle-même comme moteur dramatique. Sans un propos, une recherche artistique, un montage intelligent, un BUT, une vie médiocre donne un film médiocre à l’écran. A force de vouloir faire des films un miroir de gens inintéressants, on en oublie la dramaturgie. C’est pour ça que le milieu intellectuel du cinéma français crache sur Hollywood, sur le cinéma d’action. Ils entrevoient les qualités du cinéma asiatique actuel (meilleur cinéma au monde actuellement, le triangle Hong-Kong/Japon/Corée) sans réellement mettre le doigt sur ce qui fait son génie, la puissance métaphysique insufflée à n’importe quel personnage, n’importe quelle histoire. Sa conception HORS DU TEMPS. Le cinéma français est tout sauf hors du temps.

    Je digresse énormément, tout ça pour en venir à ce point : les réas fr représentent des classes sociales, mais pas n’importe lesquelles. Vous avez les réas qui représentent toujours le petit ouvrier syndiqué CGT et sa lutte quotidienne, et les réas (à la Honoré) qui ne sortent pas du XVIe. Dans le premier cas, vous avez des petites gens qui ne se trouvent rien en commun avec des figures politiques riches lointaines et corrompues. Dans le deuxième cas, vous avez des bobo qui en fait s’en tapent de la politique (pour être précis, ils s’intéressent à la politique de n’importe quel pays, sauf du leur). Ils sont là pour se toucher sur Obama ou sur les développements du pouvoir au Pakistan, mais Sego ou Sarko, ils s’en foutent un peu au final, même s’ils seront toujours de gauche par principe.

    Dans un cas comme dans l’autre, l’homme politique n’a pas sa place dans les histoires racontées. Soit parce qu’il est lointain (pour l’ouvrier), soit parce qu’il laisse indifférent (pour le bobo).

    Ce commentaire est probablement très chiant et confus, je m’en excuse.

    1. Guillaume

      Une précision tout de même, le problème n’est bien évidemment pas de présenter des « petites gens » (ou des bobos), le problème est ce que l’on en fait. Qu’un personnage soit réaliste ou pas, il doit être le moteur de quelque chose de plus grand que son propre réalisme. Le cinéma français s’arrête à cette représentation d’un réalisme supposé, sans aller plus loin. C’est pour ça qu’il ne décolle jamais.

  2. Restif

    D’abord, mon cher Cherea, vous souffrirez (« il ne faut pas gâcher une bonne souffrance » déclare un délicieux personnage de cinéma) que je m’amuse à sorbonner (sic) de la syllabe en épouillant quelque peu votre texte : Et d’abord un simpleoublie : »ce même cinéma QUI nous emmerde tellement. ». Puis :
    Vous écrivez : «  »il y avait eu 44 présidents aux États-Unis, et qu’en général on le connaissait guère 2-3 ans avant son mandat »
    Ce serait plutôt (nous sommes bien d’accord mon cher camarade?) :
    « on NE le connaissait guère 2-3 ans avant son mandat » (sans parler du problème du pluriel parce dans votre phrase « le » reprend « présidentS ». Mettez donc plus simplement :  » le futur élu n’était guère connu deux à trois ans avant son mandat »
    Encore quelques petites choses :

    : »pourquoi est-ce que le pouvoir politique est-il absent « .
    Pourquoi est un interrogatif et suffit : « Pourquoi le pouvoir politique est-il etc ».
    De plus vous évitez la répétition du verte être.

    « les chaînes de télévision sont très soumis » . Je serais vous, je n’hésiterais pas à accorder l’adjectif en genre.

    « Le groupe français télévision » -là, c’est peut-être moi qui passe à côté d’une vaste pensée englobante,mais ne serait-ce pas « le groupe franque-télévision » ?

    Mais ces cuistres tournent toujours autour du pot sans voir les raisons évidentes, non par manque de courage, de malhonnêteté

    Ah, ajoutons, pour l’abject bonheur de rouler dans la fange grammaticale comme chartiste en rut : pourquoi usez-vous donc de ce « donc » en 1ere phrase? « qui traitait donc » -nul besoin d’utiliser ici une forme qui s’entend comme « je l’ai dit dans une première proposition, j’y reviens
    dans une seconde (après tout, c’est une conj. de coord.). Il y a d’ailleurs beaucoup de « donc » dans votre texte ! Une dernière préciosité pour le plaisir ! « sur tous les supports possibles et imaginables. ». Si c’est « sur tous les supports possibles » … Je crois vous prendre en flagrant délit d’usage d’expression stéréotypée. On a tellement l’habitude d’ajouter « et imaginables » qu’on ne se demande même plus si c’est nécessaire à l’intelligence de la phrase.
    a part ça, je suis en total accord avec vous. Et on pourrait parler de ces acteur qui se font payer un million d’euros en France comme le cabot qui jouât Coluche, et quelques autres 5auteuil) qui pourtant ne remplissent pas les salles. A l’étranger, ils acceptent 250 000 dollars. Mais en France, les producteurs sont obligés pour leurs bouses d’avoir des « noms », quand bien même ceux-ci ne font pas un fauteuil, ils sont nécessaires à la mécanique du montage financier, et ils le savent. L’obligation de passer 50% de films français aux heures de grande écoute est un pistolet braqué sur la tempe des directeurs de chaine. La question de la représentation politique quant à elle, nous renverrait à l’histoire culturelle de la France depuis de Gaulle -si ce n’est Louis XIV.
    Et désolé de mes petites polissonneries grammaticales, bien peu dans le style de notre humble masure linguistique, mais à force de lire ces temps-ci des possédés du dictionnaire… Et puis, pour une fois, jouer à l’agélaste syntaxique, au Prudhomme de la prose, ça m’a amusé.

  3. Cherea Auteur de l’article

    Mon cher Restif,

    quel bonheur de vous revoir ici! Vous m’avez bien repris et avez bien raison. Cependant, la paresse m’empêche d’aller corriger.
    Si j’étais menteur, je dirai que toutes ces fautes, cette non relecture, étaient un appât pour vous faire sortir de votre silence. Votre incomparable style nous manque.

    Maintenant que je vous accroche, je me souviens de votre liste de conseils de lecture, ou si peu et je ne l’ai pas retrouvée ici-même. J’avais lu La conspiration des ténèbres qui m’avait laissé sur ma faim.

    Si vous avez des conseils, je suis bien sûr preneur. N’hésitez pas. Attention, j’ai fait le tour du polar, je n’ai même pas pu finir les derniers achetés, inclus Ellory.

    Bien à vous.

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