Un pur Strip-Tease – parce que vous le valez bien.

Déléguée de la classe des « têtes-d’ampoules »*, Melle I.A. était bosseuse, sévère, déjà bouffée jusqu’aux yeux par la politique et l’idéalisme, toute maigre avec des lunettes rouges, son immuable pantalon rouge tortillé autour des échasses, et des cheveux trop fins et trop longs constamment emmêlés. – Le stéréotype de la fausse-moche.

Ses petits camarades cathos lui avaient proposé pour Noël de figurer en tant que Vierge Marie dans la Crêche vivante de l’aumonerie (« la Vierge Marie » fut d’ailleurs un peu plus tard l’un des nombreux surnoms moqueurs qu’on lui donna – quand les hormones des garçons se mirent à les titiller à leur tour). Elle refusa cet honneur, bien sûr, révoltée comme d’habitude sans bien savoir pourquoi, clamant à corps et à cri son athéisme militant… Et elle ne craignit même pas, pour couronner le tout, de choquer largement son monde en avouant que ses parents ne l’avaient pas faite baptiser!

Quand elle rentrait le soir, c’était pourtant le cœur gros de la liste interminable des devoirs en retard qu’il fallait encore rendre pour le lendemain, et la mort dans l’âme, en parlant au bon dieu dans sa tête..
VenusBerg
* Cf : Série T.V « Malcolm in the middle » en V.F
***
Je me souviens du visage de mon Eléonore, le jour de la présentation de son cercueil. Je ne saurai jamais à quel point cela tenait de la façon dont on l’avait maquillée, mais rarement peut-être autant qu’en ce jour funeste, la mort eut un aspect plus effrayant. C’est à peine si sa propre mère avait réussi à la reconnaître… Il se dégageait sans doute encore une certaine sorte de beauté de ce masque inerte. Ses traits, au repos comme gommés, restituaient à l’horrible objet-tête toute sa parenté métaphysique avec l’objet œuf… C’était à croire qu’Eléonore avait véritablement autrefois inventé la géographie extraordinaire de son visage ! Où étaient à présent passées les pommettes anguleuses qui l’avaient parfois faite ressembler, lorsqu’habitée par quelque douleur, elle la chevauchait avec panache, à ces héroïnes russes indomptables que l’on se plait à imaginer à la fois dures et vulnérables, comme le verre? Son énergie à présent subtilisée au corps, aspirée par quelque puissance supérieure n’ayant laissée d’Eléonore à ses proches qu’un genre de brouillon de personne jamais terminée – un détestable morceau de glaise mâte et pâle, en somme – son père, au-delà du désespoir, avait sombré dans un abîme de stupeur et de rage dont personne ne réussirait plus jamais à le détourner.
A quel auteur attribuer donc, tout cela qui avait été, la profondeur tiède et enveloppante de son regard, la tension inquiète à l’œuvre dans ses lèvres, le mystère de son haut front immaculé presque toujours brûlant, siège ou non d’inavouables pensées ? Eléonore elle-même fut-elle le dépositaire du secret de sa propre vie, cependant que la mort semblait nous interdire à nous, une fois de plus, toute définition d’elle ? Etait-ce là un feu, ainsi qu’elle l’avait souvent laissé entendre, qu’elle avait dû constamment œuvrer à rallumer ? Ou son âme aurait-elle pu appartenir à Dieu davantage que celle d’une autre de telle sorte que celui-ci se soit empressé de la reprendre avant qu’une seule empreinte du miracle fût restituée à la terre? On ne peut pas même dire qu’Eléonore emporta son secret dans la tombe : dans la tombe, presque tout avait déjà disparu.
En revanche, ce jour d’entre les jours permit à un nombre considérable de gens d’être témoins de ce que la beauté d’Eléonore n’était fonction ni de l’ossature de son visage ni de la quantité des chairs qui étaient réparties dessus. La beauté exceptionnelle d’Eléonore, c’était la manière hors du commun dont le pauvre corps qui nous était présentement livré avait été habité par son âme… De la même façon dont il faut pardonner à la célèbre Pécheresse parce qu’elle a beaucoup aimé, il faudra pardonner, lecteur, lectrice, à Eléonore parce qu’elle a beaucoup rêvé. Voici le parti-pris sur lequel Eléonore avait bâti sa courte vie : « J’aimerai le monde pour ce qu’il doit être, et non pour ce qu’il est, je m’adresserai à mon prochain selon ce qu’il veut être et non à celui qu’il est, je serai tout ce que j’ai le droit de vouloir être et non ce que je suis. » Eléonore s’est dans un premier temps construite, et a vécu, conformément à ses propres modèles, quel qu’en ait été le prix, de façon à ce que si jamais elle avait dû malgré tout tomber dans la désillusion, elle-même n’en eut pas été la cause. Dans second lieu uniquement, sous la pression du réel, elle résolut qu’elle accepterait d’apprendre à regarder la vérité en face à la condition que ce fût l’amour qui l’y pousse. Et que ce fût par amour qu’on voulut bien la déciller. Cet amour, sachez-le dès à présent, elle ne le rencontra jamais, et ce fut sa perte ; bien qu’à l’image de la fameuse pécheresse, elle l’eût beaucoup cherché. Mais dans ce cas entre mille – celui de mon Eléonore Rundtstein – fut réalisé un espoir auquel le monde lui-même croyait avoir renoncé : la chair fut mise au service de l’esprit. A partir du moment où elle admit et accepta que sa destinée exemplaire ne mènerait nulle part ailleurs qu’au sacrifice, sa propre matérialité n’avait en effet plus représenté un obstacle pour ce qu’elle portait en elle de plus sublime, mais s’était révélée le plus puissant médium qui put intercéder en la faveur de ses rêves auprès de ses frères humains. Car, quelque courte fut son existence, au nez de tous les hommes mangés par le remords ou par l’envie, elle le devint véritablement : son propre idéal. En Eléonore une volonté humaine unie à un idéalisme surhumain avait réussi à prendre en otage la fatalité, et à l’infléchir. Telle la petite chèvre de Monsieur Seguin, cette créatrice devant l’Eternel, jusqu’au bout avait réussi à Le braver.

22 réflexions sur « Un pur Strip-Tease – parce que vous le valez bien. »

  1. Bob Arctor

    D’ordinaire, je viens sur Ilys pour me taper des orgasme de littérature fine, de piques assassines au style léger, d’analyses politiques transfigurés en exercice de style sur la psyché humaine, de quizz hilarants et des photos de croupe à réveiller les morts.

    Là, je tombe sur un truc moisie et gras comme de la rilette, on dirait un jeune qui se met à imiter l’écriture de ses grand-parents, ça sent le ranci des meubles Napoléon 3, et d’ailleurs à chaque article de notre Khâgneuse en chef, on doit se cogner des peintures de romantiques dont tout le monde se branle.

    M’étonnerait pas qu’il y ait un plan cul derrière tout ça.

  2. Panda Bourré

    J’y ai également pensé, mais mes suppositions actuelles me portent plus vers une provocation pour amener Denis à sortir de sa cachette.
    Il commence à me manquer sérieusement aussi.
    P.S. : ne dites pas de mal des rillettes, bien préparées ça peut être divin. Je ne parle évidemment pas de rillettes industrielles.

    1. Misanthrope modéré

      mes suppositions actuelles me portent plus vers une provocation pour amener Denis à sortir de sa cachette

      Ça risque plutôt de le convaincre d’y rester. C’est un homme pudique et digne, pas du genre à faire étalage de ses souffrances.

  3. Restif

    « on dirait un jeune qui se met à imiter l’écriture de ses grand-parents »
    Vous êtes vache Bob. A moins d’écrire comme Alexandre Jardin quelqu’un qui veut se lancer dans la quête d’Argos de l’écriture doit s’affronter au langage qu’on si bien parlé les meillleurs rom

  4. Lt. Kilgore

    C’est beau ce que vous écrivez là Restif. Beau comme du Mircea Eliade.

    Après c’est vrai que Millie pourrait, tant qu’à aimer la peinture romantique, en choisir avec un poil plus de nichons ou de lycéennes japonaises. Histoire de ne pas trop jurer avec le passif de ce site.

    1. Lt. Kilgore

      Oui, mais les gosses à coté, ça refroidit l’excitation. Ce qu’il nous faut, c’est un tableau pompier, mais avec jupettes plissées, socquettes montantes et nymphes callipyges au regard lascif…
      Peut-être une nouvelle école à créer?

  5. Restif

    Du Mircea Eliade période roumaine j’espère ?!(politiquement).

    Vous savez que c’est un romancier pas mal du tout; son « Madame Edwarda » est très curieux, au bon sens du terme). C’est une facette du personnage peu connue et bien intéressante. Ah la Roumanie, pays fascinant -cf Château des Carpathes. Vlad Tepes…
    Ceci dit vous êtes vache avec Eliade, lui est toujours d’une grande précision dans la description des costumes, des peintures rituelles etc(et il n’y a pas de trou à son latin : « mundUs).
    Dans le genre « tambourin,,esprits et totems rieurs » il y a l’excellent « Le chamanisme des Kalash du Pakistan », des gens méconnus qui résistent fort courageusement à l’Islam.(Vous aimez toujours l’odeur du napalm au petit matin mon lieut’?).

  6. Lt. Kilgore

    J’aime toujours. Le parfum de l’essence dans la brise de l’aube, c’est l’odeur de la combustion, des bûchers sacrés qui s’éteignent quand la horde s’éloigne en dessaoulant. Ça me manquerait presque.
    Comme nos vieux nous le disent souvent, «ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre».
    Je ne sais pas si une guerre pourrait remplir le puit d’absurdité qui se creuse devant nous chaque chaque jour, mais ce qui est intéressant, c’est de trouver par quoi avons nous remplacé l’espace guerrier qui occupait tout un pan de la vie de nos ancêtres? Ce que j’aime chez Eliade, c’est qu’il essaye parfois de replacer l’originalité absurde qu’est notre civilisation dans l’universalité de ses analyses. Dans «Mythes, rêves et mystères», page 24, il essaye brièvement d’interpréter marxisme et national-socialisme de façon mythologique. Tout au long de son ouvre, on ressent cette quête de dévoilement des fondamentaux de l’humanité, à travers les grands mythes universels, ça a quelquechose d’absolu, de séduisant.

    Ensuite, comme romancier, jamais lu. J’ai vu récemment «l’homme sans âge».
    Sur le papier, Eliade et Coppola, ça se goupillait bien, pensez-vous. J’ai un peu été déçu, je m’attendais à un chef d’oeuvre et j’ai trouvé un film qui se traine un peu en longueur. Il faudra quand même que je prenne le temps de lire le roman original, un de ces jours. Je vais donc essayer de me procurer «Madame Edwarda», et si vous voyez un autre titre à me conseiller, je suis preneur.

    «Le chamanisme des Kalashs du Pakistan; des montagnards polythéistes face à l’islam»; Viviane Lièvre et Jean-Yves Loude. Tiens, je sens que ça va être la croix et la bannière pour le trouver. J’avais entendu parler des Kalashs, ce peuple indo-européen qui descendent de quelque peuplade aryenne ou encore des soldats d’Alexandre selon les versions. Je leur souhaite bien du courage, et je leur lève mon dernier verre; puissent-ils un jour eux aussi sentir l’odeur de la victoire au petit matin.

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