J’ai réalisé un test de QI récemment, ou plutôt, disons que mon entreprise m’a fortement pressé de passer toute une batterie de tests psychotechniques…J’ai eu un score de 75.
Ne rigolez pas, je devine déjà le sourire s’inscrire sur votre visage face à cet écran, avec ce chiffre de 75. Ça c’est de la stigmatisation. Je pourrai me plaindre, mais non. Je suis con, c’est un fait, mais un con utile et productif.
Voyez, j’occupe un poste de manager bien rémunéré dans une filiale d’une grande multinationale. J’ai déjà une petite ancienneté et malgré ce 75 que je traînais, depuis bien avant mon actuel emploi, et bien figurez-vous que j’ai progressé. En cinq ans, j’ai déjà progressé de trois échelons et il m’en reste deux avant d’accéder à celui de DG, que je pourrais prendre dans quelques années. L’actuel est loin d’être un homme stupide comme moi, bien au contraire. Un intelligent, un vrai, un mec du genre Fabius ou Juppé, un type qui a réussi. Parfois, il me parle des choses passionnantes qu’il fait le week end, il va à l’opéra, lit Shakespeare dans le texte et voue une passion à Céline…comme ma femme, pensai-je pour moi-même, réalisant plus tard que Céline n’était pas la griffe que ma femme porte mais un écrivain, apparemment connu dans le milieu, comme a pu me le démonter une rapide recherche sur Google. C’est le DG, en relation avec le DRH, et avec l’avis non décisif du directeur du département qui valide ou non les promotions. Or justement le directeur du département dans lequel j’évolue va partir. Il y aura donc une promotion interne, pas besoin d’ètre Einstein pour savoir cela. Nous sommes plusieurs sur les rangs. Il y a évidemment Lourdes, qui a l’avantage d’être une femme, assez jolie…et qui a offert selon les rumeurs ses faveurs aux DG, DRH et directeur partant. Elle est bien partie pour devenir ma chef. De plus, elle a une ambition à tout casser, elle le répète systématiquement, elle veut tout, tout elle dit souvent « I want it all ». Il y aussi Mark, « avec un K », c’est lui qui le précise le K lorsqu’on l’appelle Marco. Moi, quand je l’interpelle en-dehors du strict nécessaire du travail, il daigne à peine me répondre. Il a dû deviner mon 75. il l’aime bien son K, c’est son côté américain, il descend des Américains même. Sa grand-mère habitait la Normandie en 44. D’ailleurs il est bronzé comme les californiens, toute l’année, mais il est brun et frisé. Je suppose qu’il met de l’autobronzant où qu’il va aux UV. Lourdes a parlé du livre La Tache, que je connais pas et a comparé Mark, avec un K, avec le héros du livre, un certain Coleman lors d’un séminaire. Comme je n’ai pas lu le livre, je ne sais pas de quoi elle parle.
Un matin, on a reçu un courrier avec des photos compromettantes de Lourdes et du chef qui partait. Des photos sans équivoque. Lourdes fait depuis profil bas. Tout le monde soupçonne Mark avec un K de l’envoi des photos.
C’est l’heure des entretiens pour attribuer la promotion. Le DG me reçoit et me demande quel est mon rève dans la vie, je lui réponds que mon rêve est de courir le marathon en moins de trois heures et que pour atteindre cet objectif, je m’entraîne cinq fois par semaine. Ensuite, il me pose des questions sur la boîte, le marché…je lui réponds machinalement, cinq ans que je suis une machine à répéter des tâches quotidiennes qui concentrent toutes les possibilités de mon 75. Je ne peux me distraire, comprenez, les tâches à effectuer ne sont pas compliquées en soi et je pense que n’importe qui avec un QI de 75 peut allègrement les remplir. Ce que je fais très bien, en fait je suis très productif et ça les chefs l’ont remarqué.
Après les affaires impliquant Mark et Lourdes, le poste m’a échu de droit, dirai-je et le DG est content de moi. Comprenez, avec mon 75 et mon rêve de courir le marathon en moins de trois heures, je ne suis pas à la hauteur pour, ne serait-ce, qu’un jour occuper son poste.
Trois mois maintenant que je suis directeur, avec le statut qui va avec et donc le salaire. Ne me demandez pas comment, mais j’ai surpris une conversation du DG qui parlait de moi en ces termes « 75 de QI, tu te rends compte, c’est presque un attardé mental et je suis au moins tranquille pour cinq ans, il ne peut décemment pas prétendre à prendre mon poste, il ne doit même pas y penser tellement il est con ».
Dans un an, je serai DG.
Là, vous m’avez beaucoup fait rire. (le 75 fut une arme particulièrement efficace.).
Excellent!!
il y avait deux ou trois choses dans ce texte qui me paraissaient intéressantes et que je voulais illustrer sous forme de fiction…la manie des numéros 1 de prendre de parfaits débiles comme n°2…le racisme bon teint, ce côté insupportable de se donner un air anglo-saxon parce qu’on a un oncle qui a vécu aux US…et enfin ce plaisir de se faire passer pour un débile, monter les uns contre les autres en se faisant passer pour un débile profond…, avoir bac+5 pour faire les taches qu’on te demande relève de la pire démence et que 95% du travail demandé dans une grosse boite ne requiert pas un QI supérieur à 75…